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Revue d'intelligence et d'Analyse

COTE D’IVOIRE : entre incivisme et drogues, une jeunesse en dérive

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Malgré une croissance économique enviable et sa position de privilégiée par rapport aux pays voisins, la jeunesse de la Côte d’Ivoire en tire peu de profit. La culture de la facilité, le phénomène de la cybercriminalité, le culte de la paresse et la multiplication, dans les grandes villes, de fumoirs, ont réduit les jeunes en spectateurs impuissants de leur propre destin. Alors que l’incivisme et la perte de repères éthiques n’auront jamais atteint un tel niveau, Afrika Stratégies France clôt son Spécial Côte d’Ivoire par une alerte à l’endroit d’une jeunesse qui a du mal à profiter des signaux verts de l’économie.

Samedi 31 août ! Abidjan est encore sous le choc de la disparition brutale et inattendue de DJ Arafat. Le roi du coupé-décalé, mort le 12 août des suites d’un accident de moto à Abidjan, venait d’être conduit à sa dernière demeure au cimetière de Williamsville. Des obsèques grandioses et gigantesques pour l’un des artistes qui aura marqué son temps. De par son talent ou de par ses frasques ? Toujours est-il que Yôrôbô ou encore Daishikan, autres surnoms de l’artiste, a bâti son empire avec des millions de jeunes qui partagent sa vision. “La Chine” comme il a surnommé ses fans en référence à l’abondante population du géant d’Asie. Avec une violence inouïe, défiant tout obstacle et tout sens de l’éthique, des centaines de jeunes s’en sont pris à la sépulture de l’artiste qu’ils n’ont pas hésité à profaner. Brandissant entre rage et liesse, un cadavre « décravaté ». Une scène si ignoble, si cruelle. Ce jour-là, la jeunesse ivoirienne déjà tourmentée, en quête d’orientation et de repères, a touché, à nouveau le fond. Une spirale négative dans laquelle cette frange de la population, la plus importante, s’est empiffrée depuis quelques années. Une jeunesse sans repères, abonnée à la drogue et aux stupéfiants de tous genres, délaissée et révoltée, presqu’opposée à toute norme. Entre incivisme et « foutaise »…

Le civisme a déserté le forum

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L’Ecm ou encore l’Education civique et morale. Jusqu’au début des années 2000, ce programme avait une place de choix dans l’enseignement en Côte d’Ivoire. Dans tous les établissements secondaires, éducatifs et autres structures d’animation, on inculquait, à travers cette matière, les valeurs de civisme et de morale aux élèves ivoiriens, citoyens de demain. Sa disparition brusque depuis quelques années a de quoi inquiéter, d’autant que depuis lors, des actes d’incivisme se multiplient et à défaut de modèles, la jeunesse se laisse aller aux simplismes et aux raccourcis sans efforts. La facilité, la corruption, la violence, la tricherie, l’irresponsabilité, l’indiscipline,… que subit la société ivoirienne aujourd’hui est le reflet du peu d’intérêt accordé à l’enseignement de l’Ecm. L’Education civique et morale, dès lors, s’affirme comme l’élément catalyseur, l’épine dorsale de toute formation. Le changement de mentalités appelé de toutes nos forces passe également par l’enseignement des valeurs fondamentales qui fondent la société humaine. On enseignait à un enfant qu’il ne peut occuper un siège dans un autobus alors qu’il y a plus âgé qui se cherche un siège. Aujourd’hui, le réflexe de céder sa place à l’aîné n’existe plus. Le respect de la chose publique, la préservation du bien privé, l’entretien du cadre de vie, le respect de l’autorité laisse la place à une désinvolture culturelle entretenue par des styles de vie et parfois des musiques rimant avec la vulgarité. Et il n’est pas rare de voir un individu jeter sur la chaussée un mouchoir usé, un objet dont on ne se sert plus. Les déchets domestiques sont entreposés dans les rues, les carrefours sans que cela n’émeuve personne. Comme si la norme portait en elle quelque chose de dérangeant.

La démission parentale

La situation actuelle des enfants ivoiriens est la conséquence directe de la démission des parents. Trop occupés à assurer la pitance quotidienne de la famille, le père de famille s’informe à peine sur le quotidien de son enfant. La situation est même plus alarmante quand l’homme et la femme sont régulièrement absents du carcan familial pour les besoins professionnels. Dès lors, l’éducation des enfants est laissée, dans un premier temps aux nounous, et dans un second temps aux médias. Et aujourd’hui, le constat est clair et net. Les enfants ivoiriens nés pendant la crise sont les premières victimes de cette musique aux sonorités peu recommandables. Contraints de s’abreuver à ce qui leur est servi par les différents médias contrôlés par les filles de maison qui sont en réalité les vrais décideurs, les enfants ont vite fait d’adopter ce qu’ils voient au quotidien, à longueur de journée. Alors qu’il est difficile à un enfant de cours élémentaire de réciter correctement un poème, il n’est pas exclu pour autant de voir le même élève reprendre les paroles des chansons des artistes sans même la moindre hésitation. Esclaves de cette musique populaire et vulgaire, et face au manque de responsabilité parentale, les jeunes ne peuvent que se donner des prototypes, des exemples. Et l’influence grandissante du coupé-décalé sur la jeunesse ivoirienne tire ainsi sa source de la dislocation de la cellule familiale avec la prise en main de l’éducation. Sur les programmes télévisés, un contrôle parental s’impose pour éviter que les enfants s’avilissent davantage. Et à ce niveau, l’éducation religieuse devrait avoir une importance majeure dans cette mission si délicate de donner de nouvelles orientations aux jeunes qui trouvent leur salut dans la drogue et l’alcool.

Le refuge de la drogue et de l’alcool

L’incursion du coupé-décalé en 2002 accompagnée par les médias a permis à la jeunesse ivoirienne de se trouver un moyen de détendre l’âme. Plus touchés par la crise, les jeunes, pour donner un sens à leur existence face au sombre tableau dressé devant eux, se sont tournés vers la consommation de la drogue et de l’alcool. Dans les espaces où fusent les sonorités coupé-décalé, ces produits sont très prisés. Face à ces fléaux destructeurs, la Côte d’Ivoire a mis en place un plan national de lutte contre l’abus et le trafic de drogues. Car au moins 12% de la population âgée de 15 à 64 ans consomme des drogues. Alors ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, l’actuel ministre de l’Administration territoriale, Sidiki Diakité, a appelé à l’ouverture de la 31e édition de la Journée internationale de lutte contre l’abus et le trafic illicite de drogues, en 2018, la société ivoirienne à aider le gouvernement dans la lutte contre la consommation de drogues. La Côte d’Ivoire, a également confié le secrétaire général du Comité interministériel de lutte anti-drogue (Cilad), Mamadou Kourouma, en plus d’être «un pays de transit et de trafic», est devenue «un pays de consommation de drogues». En 2013, environ 50 tonnes de drogue d’une valeur de deux milliards de francs CFA (environ 3,5 millions de dollars) en partance pour l’Europe avaient été saisies à l’aéroport d’Abidjan. La douane ivoirienne a saisi plus de 30 kilogrammes de drogue en provenance du Brésil et en partance pour le Burkina-Faso, et huit tonnes de cocaïne en direction de la Côte d’Ivoire ont été saisies en Bolivie. La consommation de la drogue a même quitté les fumoirs également appelés “Wanch” pour élire domicile dans les établissements scolaires. En 2017, selon les révélations du secrétaire général du Cilad, seize établissements ont été épinglés pour cause de drogue cette même année. En plus des drogues habituelles, l’alcool est devenu un passe temps favori des jeunes. Que ce soit en milieu urbain, rural, scolaire, dans les espaces de consommation habituelle, la consommation de l’alcool est un fléau qui impacte négativement le futur des jeunes. Abandonné par la cellule familiale, adopté par la rue et ce qu’il lui est donné de voir dans les médias, le jeune tente d’imiter à tout égard son idole. Et quand il n’est pas exclu de voir des artistes sur podium avec une bouteille d’alcool ou encore une cigarette, le fléau a pris de l’ampleur dans le milieu.

La prise de conscience

Un secrétariat d’Etat chargé du Service civique. C’est l’entité créée par le président de la République de Côte d’Ivoire pour mieux éduquer sa population. Alassane Ouattara qui met l’éducation, au centre de son action, ne cesse d’appeler à l’avènement d’un Ivoirien nouveau. Un citoyen très engagé dans sa communauté, respectueux de ses aînés, des us et coutumes et particulièrement des institutions de la République et des personnalités qui les incarnent. La Côte d’Ivoire en pleine expansion, lancée vers l’émergence, a besoin du civisme et de la citoyenneté pour accompagner son développement. Conscient que la culture civique constitue le socle d’une société stable et démocratique, le secrétaire d’Etat Siaka Ouattara ne manque aucune occasion de valoriser le civisme comme cela l’a été lors du lancement de la journée du civisme et de la citoyenneté. L’usage de la force et de la violence comme moyens d’expression et de revendication, la baisse de l’élan de solidarité, la perte de l’éthique, du sens de la responsabilité et des valeurs sociales, la destruction des symboles d’Etat, de biens privés et publics,…sont les conséquences directes de l’incivisme. Alors pour remettre la Côte d’Ivoire au travail et de responsabiliser a sa jeunesse, les leaders de demain, la Côte d’Ivoire sous la gouvernance de Ouattara accorde une place de choix à la culture du civisme et à la citoyenneté. Ce qui aura le mérite de préparer une élite responsable, soucieuse du bien-être de sa population. Surtout que le pouvoir d’Abidjan ne ménage aucun moyen pour rendre sa jeunesse autonome à travers plusieurs actions en sa faveur dont la dernière en date est bien sûr “Agir pour les jeunes”, une initiative du gouvernement qui vise à promouvoir l’entreprenariat des jeunes à travers le financement rapide de projets à potentiel immédiat et pourvoyeurs d’emplois.

La jeunesse ivoirienne a perdu dans l’ensemble des valeurs sociales. Mieux lotie que d’autres, elle aurait pu profiter de la situation économique bien enviable du pays et en saisir les opportunités. Ce qui n’est, jusque-là, pas le cas. Mais elle peut toujours rattraper le temps perdu d’autant qu’elle est devenue une priorité, face au défi de l’emploi, de la politique sociale du gouvernement. Mieux vaut tard que jamais, dirait l’autre.

Gaoussou Ouattara, Correspondant Afrika Stratégies France, à Abidjan

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