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CÔTE D’IVOIRE : Ouattara, un géant d’Afrique passe la main

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Après une décennie à la tête de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara annonce ne pas être candidat pour la prochaine présidentielle. A 79 ans, ce géant qui aura marqué l’histoire de l’Afrique et de son pays passe ainsi la main. Pas seulement en démocrate avéré, mais aussi et surtout en visionnaire respecté qui a compris que l’heure d’une nouvelle génération a sonné. En rompant avec la pernicieuse tradition de la longévité au sein de la françafrique dont on le dit un pilier, il entre définitivement dans le panthéon des hommes et femmes dont le patriotisme l’emporte sur les égos.

Yamoussoukro. Capitale administrative de la Côte d’Ivoire. Il a un attachement particulier à cette ville où il dispose d’une résidence présidentielle officielle. C’est dans cette cité baoulée (ethnie akan du centre et du sud est du pays) qui abrite la plus grande basilique du monde qu’il annonce l’historique décision. « Comme je l’avais dit, je ne serai pas candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre ». Si ces propos tiennent hébété le Congrès réuni spécialement, les bruits fuitaient et les personnes averties au sein de la majorité présidentielle s’y attendait ou presque. Car avec cet économiste qui a passé la moitié de sa vie dans les acarnes du pouvoir, il ne faut rien anticiper par précipitation. Alors que la constitution ivoirienne lui permettait de se représenter, Alassane Ouattara a préféré la voie de sa conscience. L’Afrique gardera de lui le souvenir d’un homme peu compris, introverti et discret, loyal et travailleur aura engagé son pays sur la voie de l’émergence.

Un pays sur de solides rails

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A presque 80 ans, le président ivoirien laissera, d’ici moins d’un an, un pays plus en forme que jamais. La Côte d’Ivoire n’est pas que moteur de l’Union économique et monétaire ouest africaine dont elle détient 40% du PIB, c’est aussi l’un des pays les mieux en forme malgré la crise des matières premières. La diversification de son économie par la redynamisation de la production de rente mais aussi la régulation du secteur pétrolier, avec l’ambition de 200.000 barils par jour d’ici un an en font une économie qui peut faire face aux conjonctures les plus périlleuses. Aussi, le pays peut-il compter sur une réserve d’endettement occasionnée par son taux d’endettement le plus bas de la sous région Uemoa, 43%. Les filières café et caco n’auront jamais été aussi en forme, prenant en compte les intérêts des producteurs. Le pays a entamé depuis 2016, son virage social avec un faramineux projet de Plan social de gouvernement et surtout une adaptation des budgets depuis 2017 aux besoins des plus vulnérables. Mais au-delà de la solidité économique, le président sortant engage un ensemble de réformes politiques et institutionnelles, avec pour ambition de lancer les bases d’une démocratie à tout vent. Si le processus de réconciliation suit sa trajectoire, le pays devrait conforter son avance et son image de poumon économique des Etats francophones de l’Afrique de l’ouest.

Un françafricain invétéré

22 décembre. Une visite historique et, pour les ivoiriens, inoubliable. Emmanuel Macron arrive en Côte d’Ivoire où il restera jusqu’à la veille de noël. Une visite d’autant plus symbolique des relations entre les deux hommes que le président français fête son anniversaire à Abidjan. Impressionnant ! » s’exclame Brigitte, son épouse en quittant la capitale économique ivoirienne. La première dame française a toujours entretenu avec sa compatriote et première dame ivoirienne un penchant pour la promotion de la femme et la défense des plus vulnérables. Les deux femmes ont d’ailleurs esquissé, en marge de la visite, quelques pas de danse ensemble. En trois années, dix têtes à têtes entre les présidents français et ivoirien, de quoi alimenter la rengaine anti françafricaine. Il n’y a point de doute qu’entre les deux pays, une proximité, à la limite de la promiscuité ait pu alimenter diverses rumeurs. Il n’est pas aussi faux que la relation entre Paris et les capitales africaines se construit, en partie, sur l’axe France-Côte d’Ivoire au point de faire dire à certains humoristes que « quand il pleut à Paris, Abidjan est mouillé ». Cette relation privilégiée est aussi l’occasion pour Ouattara de mieux défendre les intérêts de son pays, mais aussi ceux de l’Afrique dans le pré carré les puissances. Loin des clichés affligeants que peuvent colporter certains médias, cette relation est aussi celle de l’influence de la Côte d’Ivoire et qui positionne le président Ouattara en médiateur dans de nombreuses crises et lui a permis de mener le combat de la paix. A l’avantage de l’image de son pays. Il a surtout obtenu, sans bruit, du président français, des avancées sur la question du franc CFA, engageant résolument, le passage à une monnaie unique pour la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest. Malgré les tergiversations du Nigeria à faire avancer le projet, le cap décisif est marqué et Alassane Ouattara en fera une priorité pour ses derniers mois au pouvoir.

L’Eco, un bout de regret ?

Il est vrai que les positions de Alassane Ouattara sont sans équivoques sur le sujet. L’économiste a préféré profiter de la stabilité qu’offre la monnaie, fut-elle coloniale, que de s’engager dans une aventure qui expose des économies déjà éprouvées par diverses crises à des fluctuations périlleuses. C’était la position de la raison et surtout de la prudence. Mais dernièrement et comme pour intégrer les revendications de la société civile africaine, il s’est engagé dans la course des réformes de la monnaie coloniale avec pour objectif d’aller rapidement vers la nouvelle monnaie adoptée fin juin 2019 par les dirigeants des Etats concernés. Mais c’est sans compter avec les rivalités de leadership du Nigeria. Si le président ivoirien voulait assurer le passage à une monnaie unique tout en garantissant, autant que possible, la stabilité, il sera vite rattrapé par l’agenda politique de Buhari. Le président nigérian ne veut pas non seulement laisser la Côte d’Ivoire entrer dans l’histoire comme le pays qui a favorisé l’avènement de l’Eco mais a voulu pousser les enjeux sur un terrain de rivalités personnelles avec Ouattara. Conséquence ? En Manipulant les pays de la Zone monétaire ouest africaine (Zmoa), il repousse à la saint glinglin l’échéance de 2020 pourtant annoncée par les chefs d’Etat. Mais puisqu’il ne lui reste qu’un peu moins d’une dizaine de mois à la tête de la Côte d’Ivoire, Ouattara l’Africain qui a fait avancer tous les textes intégrateurs tant au niveau de la Cedeao que de l’Ua (Zlec) et à qui l’Afrique a décidé de confier l’agenda 2063, fera de l’Eco une priorité et contribuera, avec le soutien de Macron, à la réalisation d’un rêve qui restera à la fois symbolique et historique pour l’Afrique.

Succession en douce

Elle se passera calmement et comme le voudra le président sortant. S’il a décidé, compte tenu de son âge mais aussi du besoin de « rajeunir » la classe dirigeante, de céder la main, Ouattara sait mieux que quiconque qu’il ne faille pas laisser le pays aux mains de n’importe qui. Cela pour plusieurs raisons. La Côte d’Ivoire a atteint, avec ses performances économiques et la rigueur de gestion qui l’a si longtemps caractérisée, un niveau d’engagement sur la voie de l’émergence tel qu’il maintenir la rigueur et la fermeté mais aussi la détermination et la vision. Pour éviter que ce pays qui a su vite se relever d’une guerre civile ne rechute. Et pour cela, le président sortant saura mieux que personne identifier son successeur. Dans sa majorité, des ambitions persistent dans l’ombre. Que ce soit Amon-Tanoh, actuel ministre des affaires étrangères ou Toikeusse Mabri, ministre de l’enseignement supérieur, ils lorgnent tous le fauteuil présidentiel. Daniel Kablan Duncan, actuel vice-président y pense assidûment en se rasant le matin alors que pour « s’asseoir dans le fauteuil », Guillaume Soro a été prêt à céder « le tabouret parlementaire » comme il aime à le dire, avant de devoir s’exiler, mêlé qu’il fut à une tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat. Les réseaux occidentaux et médias internationaux donnent Amadou Gon Coulibaly comme putatif dauphin. Si l’actuel Premier ministre correspond, par sa discrétion légendaire, son souci du consensus et sa caractérielle obsession au travail comme un successeur logique, cet homme de rigueur qui évite la guerre futile des ambitions n’a, pour l’instant qu’une seule préoccupation, « continuer à servir la Côte d’Ivoire » sous l’orientation d’Alassane Ouattara. Une humilité qui peut devenir une force dans le challenge de la succession. En attendant, un remaniement pointe à l’horizon alors que la désignation du candidat de la majorité présidentielle n’interviendra pas avant fin avril, début mai.

En attendant, le natif de Dimbokro a le contrôle de la machine. Et c’est dans la froideur et le sens de la responsabilité qui le caractérise, qu’il contribuera à désigner un potentiel successeur. Face à une opposition divisée et en déphasage avec les préoccupations réelles des ivoiriens, le Rassemblement des houphouëtistes pour le développement et la paix a encore de longues années devant lui, au pouvoir.

MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France

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