Depuis le 1er décembre, des habitants de la banlieue de Fort Dauphin (sud-est de Madagascar) bloquent l’unique route qui permet d’accéder au site d’extraction d’ilménite de la filiale malgache QMM, du géant minier Rio Tinto, pour réclamer des indemnisations en contrepartie du manque à gagner dû à la mine. Mais la société a annoncé placer ses opérations en service minimum, tant en réponse au barrage des manifestants qu’aux discussions de renégociation fiscale avec le gouvernement.
Avec notre envoyée spéciale à Fort Dauphin, Sarah Tétaud
Aux abords du barrage routier de Maroamalona, ils sont quelques 200 mécontents à tenir le siège, empêchant tout camion de se rendre à la mine. Bonaventure a perdu le terrain de ses ancêtres, Martial a des difficultés pour trouver du poisson et Christiana n’a plus accès au terrain où elle cueillait le raphia qui lui permettait de gagner sa vie :
« On est fâchés contre QMM parce qu’ils disaient qu’ils apporteraient du bien. Or ils exploitent les sous-sols de notre terre et après, la terre est devenue stérile, incultivable. Il n’y a plus d’eau potable, des espèces endémiques ont disparu, et tout ça, sans dédommagement pour les terres exploitées. Ils n’arrivent pas à payer toutes les indemnités, dont on a besoin pour faire face aux dégâts provoqués. Ils ont tué six zébus ici pour le fihavanana[concept culturel malgache de paix sociale – ndlr], ils pensaient sans doute que ça allait calmer « la guerre ». Mais non. Ils doivent nous indemniser. »
Les locaux estiment ne pas profiter des emplois créés par le plus gros employeur de la région
Depuis 2005, QMM est le plus gros pourvoyeur d’emplois de la zone. Seulement, les manifestants présents estiment ne bénéficier d’aucune retombée du géant anglo-australien :
« On est des paysans, nous. Des illettrés ! On ne peut pas gagner notre vie en se faisant embaucher par cette société. C’est pour cela qu’on est là. Le président de la République, pour qui on a voté, pourrait régler nos différends, mais il ne fait rien pour nous. Aujourd’hui, on est désespérés. »
D’après QMM, ce barrage a donc stoppé net toute la production et toutes les démarches entreprises depuis juin dernier pour traiter les presque 9 000 plaintes reçues en un mois. Depuis, la commission composée de représentants de QMM, mais aussi d’élus locaux, de représentants des services techniques ministériels, de notables, et de leaders des manifestations a cessé de se réunir. Elle est chargée d’arbitrer sur l’éligibilité des plaignants à une compensation, soit une quarantaine de personnes en tout.
Négociations avec le gouvernement sur la fiscalité
« Nous restons ouverts au dialogue mais pas sous la menace », avertit la société minière qui embauche aujourd’hui plus de 2 000 personnes et assure seule l’alimentation en électricité de la ville de Fort Dauphin.
Si QMM hausse le ton, c’est qu’en parallèle, l’entreprise discute également du renouvellement de sa convention fiscale et douanière avec le gouvernement : une négociation hautement sensible tant les intérêts semblent pour l’instant diverger.
Afrika Stratégies France avec RFI