Badis Diab : « J’ai toujours été porté par l’Afrique et le devoir de me rendre utile »
A 27 ans, Badis Diab a un parcours hors pair. Ancien professionnel de football, prospère homme d’affaire avec un engagement au service de l’éducation en Afrique. Burkina Faso, Ghana, Togo, il enchaine centre de formation sportif et distributions de fournitures scolaires, comme si le fait de n’avoir pas eu la chance de faire de longues études est devenu une obsession à pousser, le plus loin possible, de jeunes africains. A la tête de Galactik France, vivant entre la France et l’Angleterre, il tire de son passé, de ses échecs, de ses limites dont il a profondément conscience, la force et les secrets de tendre la main à d’autres. Né en France, de parents algériens, tourné vers toute l’Afrique, notamment le sud du Sahara, c’est un passionné du continent et un afroptimiste d’exception qui se livre à Afrika Stratégies France. Simplement, comme si chaque réponse était une part de lui, livré avec humilité. Et une générosité qu’il peine à cacher. Entretien.
Vous avez 27 ans et déjà derrière vous, une carrière de footballeur et un engagement humanitaire impressionnant. Est-ce que le fait d’être d’un milieu modeste et de vivre dans un quartier difficile durant votre enfance en France justifie ce besoin de la vitesse ?
En effet, je pense qu’être issu d’un milieu prolétaire et avoir grandi dans un quartier difficile m’a poussé à me surpasser deux fois plus que les autres pour réussir. Il a toujours été difficile pour moi d’accepter d’être un citoyen de seconde zone dans le pays ou j’ai grandi, et d’être condamner à échouer en France de par ma position sociale et de mes origines. J’ai toujours été très ambitieux, avec l’envie de faire plus que les autres, d’atteindre rapidement chacun de mes objectifs. La notion de vitesse est essentiel pour moi, elle me permet de stimuler ma créativité et mon énergie, j’étais toujours été pressé de tout faire vite et tout de suite, ce qui peut être préjudiciable par moment, j’ai d’ailleurs connu l’échec à de nombreuses reprises, mais j’ai connu aussi la réussite, et c’est ce qui compte à mes yeux.
A 21 ans, alors qu’on vous disait si talentueux, vous mettez fin à votre carrière. 5 ans après, qu’en retenez-vous comme souvenir, même si la carrière professionnelle a été si courte ?
Je retiens de ce cours passage de ma vie une expérience hors norme. Si ma carrière de footballeur fût un échec, elle m’a tout de même permit de voyager dans le monder entier, de maitriser plusieurs langues, de me construire un réseau international de grande qualité. Si le football ne m’a pas accordé la réussite sociale, il m’a tout de même permis de devenir une meilleure personne, de me développer intérieurement et de me reconstruire personnellement. C’est pour toutes ces raisons que j’en garde un très bon souvenir.
Aujourd’hui, même si avec vos nouveaux business, tout semble vous sourire, vous vous dites parfois, « je regrette de ne pas rester footballeur » ?
Si je devais choisir entre être un footballeur richissime ou être une de ces mains tendu pour nos enfants en Afrique, je ne réfléchirais pas une seule seconde, l’humanitaire est ma principale priorité. Pour faire simple, je dirais que lorsqu’une porte se ferme dans notre vie, c’est parfois pour nous indiquer un chemin bien meilleur à emprunter.
Galactik France est votre entreprise, spécialisée dans le sport notamment le football. Qu’est-ce qu’elle apporte de spécifique, par rapport aux nombreuses structures de conseils et de management de joueurs et acteurs de foot existant déjà ?
Galactik France est une sorte d’ovni dans l’industrie du football. Ce que nous avons apporté est unique et c’est pour cette raison que nous sommes différents du reste de toute les sociétés présentes dans l’industrie du football business, en France ou ailleurs. Galactik France, c’est une structure de conseils et d’accompagnement des footballeurs amateurs. Le but est de permettre à des millions de footballeurs amateurs de disposer de conseils liés au football, au physique et au mentale, dans l’optique de se développer et d’atteindre un niveau supérieur. Nous sommes la seule structure de ce type à travers le monde, ce qui en fait notre singularité. Plusieurs milliers de footballeurs amateurs ont rejoint notre structure dés les premières semaines du lancement, ce qui montre à quel point notre concept a comblé un besoin auprès de ces jeunes footballeurs, souvent laissés à eux-mêmes.
L’objectif de Galactik France est bien évidement commerciale, mais il est aussi sociale, il apporte de l’humanité dans cette industrie du divertissement absorbée par la puissance du capital et à la recherche ultime du profit.
Votre académie de football a vu le jour au Ghana, un autre s’ouvrira l’année prochaine au Burkina Faso, pourquoi cette aventure subsaharienne ? C’est un peu surprenant pour un français d’origine maghrébine…
Je ne fais aucune différence entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, entre un africain noir ou blanc, qu’il soit athée, chrétien ou musulman, francophone ou anglophone. Je me considère avant tout comme africain, je me sens aussi bien chez moi à Abidjan ou à Accra, qu’à Alger. J’ai toujours été porté par l’Afrique, ce sentiment d’appartenance n’a cessé de croître avec les années et les voyages. En tant qu’africain, c’est en Afrique que j’ai le devoir de me rendre utile, non pas au Proche Orient ni Asie du Sud-Est, je pense que chacun doit suivre son propre combat. Nous avons crée un dynamisme à Tamale au Ghana en juillet 2016, dans le but d’ouvrir la voie à des jeunes footballeurs de pouvoir s’exporter dans des championnats de meilleurs niveaux. Ce dynamisme devrait aussi s’installer à Ouagadougou, Burkina Faso, au courant de l’année 2019.
Revenons à ce qui nous intéresse le plus. Votre engagement humanitaire. On sent chez vous cette envie permanente de ramer entre humanitaire et football, sinon de faire une jonction presque passionnelle et déjà très passionnante entre les deux …
Votre question résume exactement mon parcours. Je pense que ce que je fais aujourd’hui n’est que le fruit de mon passé. Grandir dans un quartier difficile c’est vivre l’injustice sociale, et je n’ai jamais pu accepter l’injustice. Quand on est un enfant d’Afrique et qu’on grandit en Europe, c’est un devoir de réussir et de se rendre utile dans notre continent, c’est le message que j’essaye de transmettre continuellement.
Concernant le football et l’humanitaire, je pense que ces deux mondes font autant partie de l’Afrique que de mon histoire personnelle. Le football, c’est le partage, c’est l’enfance, c’est l’insouciance dans un monde difficile et de plus en plus hostile, c’est ce qui fait vibrer des millions d’enfants de notre continent. L’humanitaire, c’est la volonté d’aider, de se rendre utile, de sauver des vies et de transmettre de l’amour. Toutes ces valeurs que l’humanitaire et le football disposent sont celles qui me font vibrer, en tant qu’Africain et en tant qu’être humain.
Si votre Startup est une réussite, si votre fondation connait une floraison explosive, votre vie a été aussi longtemps celle d’échecs notamment dans le football. Avoir échoué est-t-il pour vous une arme pour le succès comme le dit l’adage africain ?
Il n’y a pas de proverbe plus vrai et plus réaliste que celui-ci : Il faut échouer pour réussir !
J’ai connu de nombreux échecs, tous aussi difficiles les uns des autres. Lorsque j’ai arrêter ma carrière à 21 ans, je me suis aperçu de la réalité de la vie, du fait qu’il y a peu de vrais amis sur qui ont peut vraiment compter, que l’entourage se rétrécis, j’ai compris que la vie pouvait basculé rapidement et que personne n’était invincible. À 16 ans, vous êtes le roi du monde, vous pensez que vous allez réaliser chacun de vos rêves, vous n’avez aucune contraintes, vous vivez encore chez vos parentes et vous n’avez aucun sens des responsabilités, quant aux conseils des adultes, ils n’ont aucune importance à vos yeux. Puis à 21 ans, les choses changent, vous êtes plongés dans la vie adultes avec tous ces inconvénients, et lorsque vous chuter, il n’y a plus personne pour vous rattrapez.
On a parfois l’impression que l’Afrique coule dans vos veines, notamment celle noire, quels sont vos prochains projets pour l’Afrique subsaharienne ?
L’Afrique c’est ma terre, c’est ma famille, il n’y a qu’en Afrique que je me sens chez moi, il n’y a qu’en Afrique que j’ai l’intime certitude d’être entouré des miens. Mes projets pour l’Afrique sont nombreux. Je souhaite développer ma fondation de façon exponentielle et que les fournitures scolaires soit distribuées dans une vingtaine de pays différents d’ici 2020. Je souhaite développés par ailleurs des mouvements d’éducation à travers le continent, en organisant des consortiums et des conférences.
Su le plan sportif, je souhaite continuer à développer des dynamismes de formation pour les jeunes footballeurs du continent. Comme au Ghana et bientôt au Burkina Faso, j’ai l’intention de permettre à de nombreux enfants d’exprimer leurs talents et de pouvoir l’exporter dans de meilleurs championnats.
Et pour finir, l’un de mes projets principal et la création d’une véritable famille entrepreneuriale africaine, j’aimerais faire revenir en Afrique ces nombreux entrepreneurs africains issus de la diaspora, qu’ils soient américains, canadiens, britanniques ou français, et créer des incubateurs de startup et de sociétés innovantes en Afrique.
Avez-vous des projets d’affaires, éventuellement des antennes de Galactik France, pour l’Afrique ?
Je n’ai pas de projets de création d’antennes Galactik France en Afrique car je ne pense pas que ces services sont adéquats aux quotidiens des footballeurs amateurs en Afrique. Les jeunes footballeurs africains ont avant tout besoin d’un accès à la formation, a l’inscription dans des clubs et à une pratique régulière du football. C’est un de mes projets cités précédemment, à savoir dynamiser la formation des footballeurs amateurs en Afrique.
Comment vit-on en enchainement de succès après de longues turbulences dues aux échecs ? Avec un certain sang froid et la tête sur les épaules ?
Je pense que l’intention est la source de tout caractère. Je garde comme vous le dites, un certain sang froid et la tête sur les épaules car mes intentions ne sont pas poussées par les valeurs néfastes du monde d’aujourd’hui, à savoir le capital et la recherche ultime du profit. Mes intentions sont de développer des projets d’éducation, de loisirs et d’entrepreneuriat en Afrique. Je n’ai pas le projet de grimper en haut de l’échelle sociale, mais simplement celui de rendre plus égalitaire le quotidien des êtres humains. J’ai envie de partager, de transmettre et d’apprendre. Je n’ai pas l’intention de devenir célèbre, comme tout le monde j’ai déjà eu ce rêve étant plus jeune, mais l’échec de ma carrière m’a poussé à reconsidéré mes priorités et ouvrir les yeux sur ce qui est essentiel dans ce monde. Cela fait bien longtemps que j’ai arrêté de croire aux bienfaits de la célébrité sur le psychisme d’un homme.
Ainsi, je pense que ce sont mes intentions qui me permette d’être comme tout le monde, de penser et d’agir normalement, et de regarder n’importe qui dans les yeux dans un rapport d’égal à égal, quelque soit l’importance que j’ai aujourd’hui l’influence que prendront mes structures à l’avenir.
Propos recueillis par redaction@afrikastrategies.fr