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COTE D’IVOIRE : Hamed Bakayoko, l’impétueux qui sait attendre

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Populaire, accessible et assez sensible, le Premier ministre ivoirien est aussi un pachyderme en politique et un battant dont la loyauté est la base de son inattendue ascension. Autodidacte et journaliste, cet homme de consensus issu d’une famille aristocrate est un insaisissable patriote dont le cœur bat au rythme de la passion que lui inspire son pays. Quinquagénaire, Hamed Bakayoko est un homme pressé qui sait patienter. Alors qu’il doit accompagner Ouattara dans un controversé 3e mandat, son destin n’a jamais été aussi intimement lié à celui de la Côte d’Ivoire. Décryptage !

Ces derniers jours et alors que la tension monte dans les Etats-majors politiques mais aussi au sein d’une diaspora en partie favorable à Guillaume Soro, écarté de la prochaine présidentielle par le Conseil constitutionnel, Hamed Bakayoko est, discrètement au cœur de la prévention. Récemment, une géante rencontre avec la jeunesse ivoirienne à Abidjan. Une sorte d’états généraux au palais de la culture de Treichville. A ses côtés, le brillant ministre  de la promotion de la jeunesse. Mamadou Touré, 44 ans est le bras « jeunesse » de la majorité présidentielle. Depuis, le Premier ministre multiplie des sorties de proximité.  Né à Adjamé, quartier populaire, il est un homme du peuple qui n’a de mal avec aucune couche sociale. Tantôt pour rassurer des populations de Yopougon, tantôt dans une rencontre restreinte à Abobo, non moins populaire commune d’Abidjan, le Premier ministre préfère échanger avec une population qui, ayant vécu une violente crise politique en 2010, se prépare au pire. Alors qu’à la mort de Amadou Gon Coulibaly, l’opinion et les chancelleries occidentales le voyait en dauphin « naturel« , celui qui assumait l’intérim de l’ex Premier ministre pendant son hospitalisation à Paris n’a pas fait qu’encourager Alassane Ouattara à se présenter, décision qu’il qualifie de « difficile mais nécessaire » mais s’est aussi vite livré à sa passion de toujours, le maillage du terrain. Quoi de plus normal pour ce passionné de noutchi, langage populaire très répandu en Côte d‘Ivoire mais aussi ce mystérieux personnage dont la constante proximité avec la jeunesse lui évite de vieillir. « Il affiche une juvénilité permanente » s’étonne un journaliste proche de lui depuis des années. Sa proximité avec la jeunesse, ses liens avec le monde du show biz, ses ramifications au sein de l’opposition et ses solides amitiés parmi les forces de l’ordre et de sécurité seront des atouts dont cet obsédé de paix aura plus que besoin dans les semaines à venir.

Incessants et risqués compromis…

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C’est un homme de permanent compromis. « Eviter la tension et aller de l’avant » c’est le leitmotiv de celui qui aura eu en charge pendant de longues années la sécurité des ivoiriens. Tout en restant fidèle à ses convictions, il voulait accorder voix de cité à celles des autres. Au point qu’il lui a fallu, parfois justifier de son amitié pour Soro alors que ce dernier s’éloignait déjà de la grande majorité présidentielle. Mais pour ce progressiste qui a pourtant grandi dans une famille traditionnelle musulmane, la tolérance est une règle d’or. Récemment encore, lorsque deux artistes ivoiriens sortent un album qui enchaîne des critiques à l’égard du régime, celui qui venait à peine d’être nommé à la tête du gouvernement les reçoit et essaie même de les comprendre pour, comme il le confiera plus tard, « mieux prendre en compte leurs préoccupations ». Aujourd’hui encore, Hamed Bakayoko est l’une des rares personnalités politiques qui fait une certaine unanimité. Il avait tenté un rapprochement avec Henri Konan Bédié avant de mettre Le Patriote, son journal au service du Rassemblement des Républicains, (Rdr) d’Alassane Ouattara. Pourtant, l’éternel président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) n’en dit que du bien, « mieux vaut l’avoir avec soi pour son charisme et sa loyauté » clame l’ex chef de l’Etat, parlant de Hambak, affectueux surnom du Premier ministre ivoirien. Proche, à lui seul, des trois tendances du Front populaire ivoirien (Fpi) que ce soit de Nguessan, de Simone Gbagbo ou encore de Laurent Gbagbo, il entretient de bonnes relations avec Kouadio Konan Bertin (Kkb) ainsi qu’avec de nombreux proches de Guillaume Soro, le dissident de la majorité aujourd’hui en exil à Paris. Cela constitue sa plus grande force, « pouvoir parler à tout le monde » comme le résume Gilles Huberson. Depuis, l’ambassadeur de France à Abidjan qui trouvait « pertinent la désignation éventuelle » du maire d’Abodo comme candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour ladémocratie et la paix (Rhdp) est rappelé à Paris. Malgré les démentis du Quai d’Orsay, il est difficile de ne pas croire qu’un tel acte diplomatique, de la part de la France ne soit lié au scrutin du 31 octobre prochain.

Loyauté à toute épreuve

Mai dernier, alors qu’il assume, tâche ardue, l’intérim de Amadou Gon Coulibaly (Agc) à la tête de l’exécutif, une publication d’un mystérieux média tombe comme un coup de massue. Un long et fastidieux article, signé de deux journalistes et qui reprend des supputations et élucubrations sans preuves liant Hamed Bakayoko à un supposé trafic de drogue. Dans des notes diplomatiques, l’ambassade de France exprime des méfiances, « le document n’apportant pas la moindre preuve« . Les principales chancelleries sont restées réticentes et aux dernières nouvelles, ce pamphlet qui sortirait de l’imagination prolixe d’un détracteur qui craint, sans doute, de le voir candidat à la présidentielle fera long feu. Même si celui qui n’était à l’époque que ministre de la défense a porté plainte.  N’eut été sa loyauté, cette publication aurait suscité des doutes chez Alassane Ouattara. Il n’en sera rien. Plusieurs sources concordantes font cas de ce que le président de la République a été « son principal soutien« . La loyauté ? Elle aura été de tout temps la force de celui qui ne jure que par Alassane Ouattara. Au départ proche de Dominique, la première dame, Bakayoko vit sa loyauté au chef de l’Etat comme un dogme. Depuis 2003, date à laquelle Soro lui propose le ministère des nouvelles technologies de l’information et de la communication à ce jour, son ascension est fulgurante. En 2011, il hérite du délicat ministère de l’intérieur, aussitôt son mentor devenu chef d’Etat à la suite d’une longue crise politique. En 2017, celui qui sera élu l’année suivante maire d’Abodo devient ministre de la défense, avec en cerise, le titre de ministre d’Etat. A la mort de celui qu’il définit comme son frère, Gon Coulibaly, il devient Premier ministre, poste qu’il maintiendra sans doute après la présidentielle, même si dans les coulisses du pouvoir, on le verrait bien en vice-président.  Poste d’autant plus délicat qu’à 78 ans et briguant un 3e mandat, Alassane Dramane Ouattara (Ado) qui insiste pour « aller se reposer » et dont la fondation éponyme est presque fonctionnelle peut ne pas finir son prochain mandat.

Des ambitions à la taille de la Côte d’Ivoire

Il est ambitieux, au sens propre comme péjoratif du terme, c’est le moins qu’on puisse dire. Quoi de plus normal pour celui qui est au cœur du pouvoir depuis deux décennies ? Il peut compter sur de solides amitiés en Afrique. Le Roi du Maroc, son ami et parrain, en dit « un homme qui a une immense culture de l’Etat« . Mohamed VI, l’un des plus grands amis de la Côte d’Ivoire avait, dans la foulée de la disparition brutale de Agc, espéré qu’il soit le candidat de la majorité. Rock Christian Kaboré lui doit de solides soutiens pour son accession au pouvoir. « Il fut l’un des premiers à croire en lui » selon un ministre burkinabé. D’ailleurs, le président du Faso a été heureux de l’affubler, en juillet 2019, d’une décoration prestigieuse de Commandeur de l’Ordre du Mérite de l’Etalon. Bakayoko qui est aussi Grand officier de l’Ordre d’Etoile d’Italie  peut compter sur l’amitié de Faure Gnassingbé. Le président du Togo est très sensible à son « sens du réalisme et sa sincérité » à toute épreuve. D’ailleurs, l’homme fort de Lomé aime bien être accueilli par lui à chacune de ses visites en Côte d‘Ivoire. Guinée Conakry, Sénégal, Niger et le Ghana voisin, il entretient avec les chefs d’Etat, des relations très amicales et pourra compter sur l’envie d’un renouvellement des générations si chère à Emmanuel Macron. Ses laconiques études de médecine à Ouagadougou au milieu des années 1980 ont permis à cet homme de réseaux d’y disposer de bons contacts dont beaucoup ont été utiles à Soro pendant les années de rebellions.

Alors qu’il n’a que 55 ans, Hambak peut compter sur ses immenses réseaux, sa fidélité à Alassane Ouattara mais aussi ses ramifications confrériques si ce patron de la Grande loge maçonnique de Côte d’Ivoire voulait, un jour, briguer la magistrature suprême. Mais puisque tout est si bien arrivé à cet enfant d’Adjamé que jamais rien ne presse, il saura attendre son heure mais aussi l’inévitable bénédiction de celui qu’il considère comme son père, Ouattara. En attendant, sa seule obsession, réussir, contre toutes les prévisions, à organiser une élection crédible et pacifique. Périlleux pari !

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