L’épidémie de Covid-19 dans le pays a vu le gouvernement emprunter davantage pour soutenir sa réponse à la pandémie sanitaire.
Autant le dire : les clignotants sont au rouge au Kenya. En l’espace d’une année, la dette publique a augmenté de 11,8 milliards de dollars, soit une hausse de plus de 21 %, selon la Banque centrale. Elle dépasse désormais les 66 milliards de dollars, alors que ce pays d’Afrique de l’Est a multiplié les emprunts pour faire face à une baisse de revenus de 14 % due à la pandémie de Covid-19 et mis en place divers projets d’infrastructure. L’État kenyan a aussi procédé à un allégement de taxes mis en place dès le mois d’avril pour accompagner les entreprises et les particuliers les plus vulnérables. Sans compter la mobilisation de 513 millions de dollars pour financer son plan de relance économique. Des montants qui inquiètent les experts, car le Kenya souffre depuis plusieurs années de son endettement. Et surtout, plusieurs de ces prêts arrivent à échéance. Ce qui n’est pas pour rassurer la société civile kenyane qui dénonce le fait que « le gouvernement emprunte pour rembourser les prêts », et donc ne se préoccupe plus en priorité des services aux citoyens. En effet, lorsqu’un pays emprunte pour rembourser des prêts, il n’y a pas de génération de nouvelle richesse et le pays pourrait ne pas être en mesure de rembourser ses prêts à l’avenir.
Une dette extérieure qui explose
D’après la banque centrale, 34,4 milliards de dollars de cette dette publique ont été contractés à l’étranger, et le reste au Kenya. « La plus grande partie de la dette accumulée durant cette période était extérieure et provenait de prêteurs multilatéraux et bilatéraux, comme la Banque mondiale, et visait à soutenir les efforts du Kenya pour contenir la pandémie. » Le Kenya a également emprunté de l’argent pendant cette période pour mettre en œuvre divers projets d’infrastructure, notamment des routes et des chemins de fer. L’administration kenyane défend ses emprunts, elle se justifie même en comparant sa situation à celle d’autres pays du monde dont la dette publique dépasse leur PIB. Le sujet est un véritable serpent de mer. Depuis 2013, la dette publique du Kenya a commencé à gonfler à un rythme alarmant en raison de l’augmentation des plans de dépenses du gouvernement, le forçant à contracter des prêts pour soutenir le budget.
Mobilisation tous azimuts
Dans le sillage de la pandémie de Covid-19, plusieurs initiatives internationales d’allégement de la dette publique telles que l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) ont été négociées. Les pays du G20 avaient déjà suspendu courant 2020 le service de la dette de 73 pays (dont une quarantaine en Afrique), un dispositif prolongé jusqu’en juin 2021. Dans un premier temps, le Kenya n’a pas demandé la suspension de la dette des créanciers multilatéraux et commerciaux afin de « préserver sa cote souveraine et son accès futur aux marchés financiers internationaux », a déclaré le secrétaire au Trésor, Ukur Yatani, cité par Bloomberg. Le gouvernement kenyan a donc joué sur d’autres fronts, tout en tenant compte du fait que la suspension de ses remboursements de prêts pourrait nuire au pays en raison de la composition de sa dette publique. C’est pourquoi priorité a été donnée aux négociations directes avec ses prêteurs bilatéraux comme la Chine, son plus gros créancier après la Banque mondiale. Au Kenya, la Chine compte pour 21 % de la dette extérieure, juste derrière la Banque mondiale avec 25 %. Ces dernières années, la Chine a souvent été pointée du doigt en raison de sa politique jugée « peu orthodoxe » d’octroi de prêts aux pays africains. En finançant massivement les projets de développement ou d’infrastructures sur le continent, l’empire du Milieu est peu à peu devenu l’un de ses plus importants créanciers. Sur le plan interne, le Kenya s’est également engagé à réformer ses entreprises publiques afin d’augmenter les impôts, de réduire les subventions et de mettre certaines personnes au chômage.
Et demain ?
Très critiquée, la stratégie du gouvernement a pourtant donné quelques résultats. Puisqu’en janvier 2021, le pays est-africain qui s’est résolu finalement à se tourner vers l’initiative du G20 – a obtenu un report du paiement de 300 millions de dollars de sa dette envers le Club de Paris. Quelques semaines plus tard, la Chine a également reporté les remboursements de la dette kenyane s’élevant à 245 millions de dollars. Un soulagement de courte durée. Selon l’Institut des affaires économiques, le Kenya ne manque pas d’outils pour faire face au problème de la dette publique. Mais ce sont les institutions chargées de sa gestion qui ne jouent pas efficacement leur rôle.
Afrika Stratégies France avec Le Point Afrique