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BENIN : Madougou, Aïvo, Hounkpè, l’opposition cafouille à se trouver un ticket gagnant

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Reckya Madougou, conseillère du président togolais a été désignée en duel avec Patrick Djivo, ancien député pour affronter Patrice Talon lors de la prochaine présidentielle. Mais pendant que l’opposition se réunit au sein d’un front commun, la candidature de l’éminent professeur Aïvo pèse sur l’issue des consultations alors qu’un front anti-Madougou se met en place. Face au pouvoir autoritaire de Patrice Talon, l’opposition peine à retrouver ses marques.

Les Démocrates, jeune parti politique qui réunit les proches de l’ancien président Boni Yayi a désigné sans surprise Reckya Madougou mercredi pour mener l’ultime combat du 11 avril avec un ancien député peu connu mais qui fait une certaine unanimité en colistier. Dans la foulée, Irenée Agossa, pilier du yayibonisme (en référence à l’ancien président béninois) organise des réfractaires autour de lui. Disqualifié face à Reckya Madougou, il n’est pas écarté qu’il fasse chevalier seul dans un combat où les règles du jeu ont été taillées sur mesure par le président sortant.

Accouchement difficile

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Le choix de Reckya Madougou a été très rude lors des consultations que chapeaute, discrètement, le président Yayi Boni. D’autres ténors des Démocrates avaient voulu lui ravir la vedette sans y parvenir. Il faut dire qu’au-delà du fait d’être une femme remarquée, la patronne de la Team qui porte son nom est aussi une proche de l’ancien président. Dans la foulée, Irénée Agossa qui se réclame héritier de Yayi a dû démentir un message qui lui est attribué et qui est repris par le plus grand quotidien privé du pays, proche du pouvoir, Le Matinal, et qui fait cas d’une promiscuité avec un chef d’État (Faure Gnassingbé du Togo probablement) sans le nommer, évoquant à demi mot les limites et pressions déloyales de l’ex garde des sceaux. Mais finalement, cette femme qui aura 47 ans (le 30 avril) a su compter sur le soutien infaillible de Yayi Boni dont elle fut ministre pendant 5 ans avant d’être limogée en 2013. Si tout se passe pour le mieux pour elle, l’ingénieure commerciale sortie de l’Institut supérieur de gestion de Lille devrait conduire une partie de l’opposition pour la présidentielle qui s’annonce serrée d’autant que le président sortant, qui avait promis en 2016 ne faire qu’un seul mandat, rempile.

Une opposition en grande vadrouille

L’opposition est plus que dispersée face au président autoritaire qui tient tous les leviers du processus électoral. Il a réussi à prendre le contrôle de la Commission électorale nationale autonome (Cena) alors que l’ultime juge électoral, la cour constitutionnelle est tenue d’une main de fer par son avocat, Joseph Djogbénou. Dans une telle situation, la dispersion des voix de l’opposition ne peut que se retourner contre elle. Sébastien Ajavon, en exil en France a saisi l’Organisation des nations unies (Onu) afin de pouvoir prendre part au scrutin et n’entend pas « soutenir un candidat autre que lui-même« . Sur place, la branche dissidente des Forces cauris pour un Bénin émergeant (Fcbe) de l’ancien président Yayi aura son candidat, Paul Hounkpè notamment, acquis à Patrice Talon. L’opposition, malgré le soutien du très populaire Yayi Boni aura du mal à tirer son épingle du jeu.

Forces et faiblesses de Madougou

Sa principale faiblesse sera son soutien au régime togolais. Conseillère et influente au sein du gynécée de Faure Gnassingbé, elle aura du mal à convaincre de sa crédibilité d’autant qu’il lui sera délicat de contester les fraudes et irrégularités plausibles. Comment peut-elle le faire alors que l’opposition et la société civile togolaises accusent sans cesse son mentor, à la tête du Togo depuis 16 ans, d’avoir gagné le plus souvent grâce à des élections inéquitables ? La froideur qui caractérise les intellectuels et les éloigne du peuple pourrait aussi jouer contre elle. Elle devrait, pendant sa campagne, se montrer sympathique et accessible. Encore faudrait-il que, face aux relents machistes qui prévalent au Bénin, elle obtienne le parrainage d’au moins 16 des députés et maires d’autant qu’ils sont presque tous de la majorité présidentielle. Ce qui donnera vite à sa candidature l’image d’un deal entre Gnassingbé et Talon d’autant qu’elle ne peut être candidate que si la majorité présidentielle au Bénin le veut. Et surtout avec l’autorisation du président togolais qui ne voudra pas se fâcher avec son voisin. Mais elle peut compter à la fois sur son parcours académique, irréprochable, l’image de technocrate qu’elle a réussi à imposer ainsi que le soutien de Komi Koutché. L’ancien ministre des finances dispose d’une forte sympathie au centre du pays. L’hostilité que provoquent les méthodes peu démocratiques de Talon peuvent aussi jouer en sa faveur. Mais un risque, « si elle s’en sort avec moins de 10%, ce qui est bien possible, son avenir politique est brisé » selon un de ses proches, alors que 2026 lui serait plus favorable d’autant que le président sortant ne devrait, après ses deux mandats, plus pouvoir postuler à la magistrature suprême.

MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France

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