TOGO : La Haac, ses délires et ses fourberies, comble de l’ivresse ?
Tribune. La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) du Togo, équivalent en France du Conseil supérieur de l’audiovisuel (Csa) sort de nouvelles griffes. Elle a toujours, dans ce pays à la démocratie approximative, varié et su s’adapter, aux besoins de protéger les puissants en s’inspirant d’humeurs et prétentions de ses différents présidents. Tantôt, elle cède ou même magnifie les malsains désirs d’un diplomate, fut-il français, Marc Vizy, de sacrifier sur l’autel de l’indigne honneur propre, la liberté de presse en interdisant, scandale en démocratie, deux respectés journaux. Liberté et L’Alternative. C’était en 2020.
L’indignation de l’opinion, des organisations internationales et de la presse française notamment Médiapart avait, en son temps, essoufflé ses ardeurs zélateurs. Mais ne dit-on pas « chassez le naturel, il revient au galop ? ». Ici, dans cette institution à la vocation première de protéger les journalistes, la naturel revient, non pas au galop mais en galopant. Enfin, presque. Récemment, elle a arraché Carlos Ketohou, patron de presse, d’une détention illégale pour le soumettre à des afflictions plutôt « légales », usant d’une justice qui, de stature d’épicerie des plus forts, en a fait son confort depuis mathusalem. Et à la suite de cet expéditif sacrifice de L’Indépendant Express, nul n’a levé son petit doigt pour contester. Ni journalistes, ni acteurs de sociétés civiles, ni partis politiques. Enfin, presque. Certains ont réagi mais a minima comme si l’absence de limite qui s’instaure dans la répression altère chaque jour l’élan de la protestation.
Ce vendredi 05 février, comme pour imposer à la rédaction d’interminables vacances d’hiver, la Haac va suspendre L’Alternative. Ferdinand Ayité qui dirige ce bi-hebdomadaire d’exception a été reçu et l’information lui a été portée. Avec la violence, le mépris, l’arrogance habituelle. J’en sais plus que d’autres, moi qui, à un moment donné, étais devenu l’invité hebdomadaire d’une institution aux antipodes de toute modernité. Elle aurait été, dans une République intelligible le reliquaire de ce qui a de meilleurs dans le journalisme. Une sorte de panthéon passif où quelques monuments qui résistent à l’ultime déchéance que nous impose la mort passent une retraite de première classe. Une institution plutôt consultative dont la mission première serait de protéger ces professionnels des médias qui, avec des moyens souvent furtifs, font un excellent travail pour que ce principal pilier de la démocratie, la liberté d’expression, ne soit aboli. Mais elle est le principal gendarme de la presse, son ennemi juré si ce n’est déterminé et s’acharne contre elle comme si, chaque média qui ferme était un trophée de sa lugubre et pathétique gloire. Sombre gloire d’hommes dont beaucoup furent si mauvais journalistes.
J’en ai gardé quelques souvenirs notamment avec Philippe Evegnon. Cette vieille gloire d’une certaine presse de l’opposition, à la pertinence gracile et au professionnalisme plus que douteux a fait de la salle d’audience de la Haac le sanctuaire expiatoire de ses verres d’eau-de-vie. Qui j’espère, lui épargneront à jamais la mort. Quand, de la déontologie, vous savez quelque chose, vous pouvez même y rigoler, « rire de pitié » pour traduire littéralement un proverbe bantou.
Aujourd’hui, elle est plutôt aux mains Télou Pitalounani. Pas aisé de prononcer son prénom, Pitalounani… On avait cru à l’arrivée de ce taciturne personnage, au second prénom un peu ciné de « Willybrond », à la suite de deux décès successifs de ses prédécesseurs, qu’il nuancerait, ne serait-ce que les méthodes. Au contraire, il a fait de la déstabilisation de la presse son cheval de bataille. Un cheval fourbu ! Mais pour que la bataille soit perdue il faut plus que le silence des journalistes. Il faut leur cri. Fort. Strident. Perçant. Déchirant. Violent pour contrer la fureur de cette institution dont je rêve, follement, qu’elle soit un jour un musée. Un musée jamais visité parce que celui de la honte. Eteindre, avec la vénéneuse passion de la perversion chaque pan de liberté est quelque chose de plus que honteux, une vaniteuse « minabilité ».
Triste. Triste. Triste. Ne rien dire, ne rien faire face à ce bâillonnement de L’Alternative, c’est préparé l’extension du cimetière de médias divers. Lcf et City Fm, chaine de télé et station radio d’un baron déchu, Legend Fm, la dernière radio qui disait tout, X-Solaire, La Nouvelle, L’Indépendant Express sans oublier l’ingénieux fruit de mes entrailles, Tribune d’Afrique… Et bien d’autres. Ils sont tous morts, morts de chez la mort, mort à cause de notre silence et notre impassibilité, morts de notre silencieuse complicité.
Il est plus que temps que nous nous mobilisions, journalistes et professionnels des médias, sinon après L’Alternative, le prochain sera n’importe lequel des médias… Sans doute vous, peut-être votre journal car quand la fureur devient aveugle, elle n’épargne personne.
MAX-SAVI Carmel, Journaliste