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BENIN: Au pays du vaudou, Soeur Henriette prêche par la peinture

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L’Eglise a besoin d’artistes autant que de Saints», répète Sœur Henriette, 53 ans. Cette prophétie du pape Benoit XVI lors des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) de Madrid en 2011 résonne toujours chez la religieuse.

La même année, dans une église canadienne de Montréal, au cours d’une célébration eucharistique, les fidèles ont écrit sur des bouts de papiers leurs intentions les plus chères. L’ensemble a été brûlé. Avec la cendre, en compagnie de Daniel LeBlond, Sœur Henriette reproduira l’un des tableaux les plus émouvants de sa carrière. «Une façon de présenter à Dieu leurs demandes, au travers de l’art», se souvient la religieuse.

De cette rencontre avec l’illustre prêtre jésuite et peintre montréalais de renommée internationale, la religieuse béninoise restera marquée. «Toutes les personnes qui regardaient la toile y lisaient leurs états d’âme», se souvient-elle.

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«Le déjeuner», 2016, acrylique sur toile | DR

Depuis, Henriette Goussikindey a acquis une grande notoriété au Bénin, où ses toiles ont pris de la valeur: de 150 euros, elles peuvent maintenant atteindre jusqu’à 3’000 euros. Mais le plus important est ailleurs car, avoue-t-elle, «peindre, c’est d’abord me mirer, expérimenter à travers l’art l’Amour divin et le propager». Avant d’en arriver là, la religieuse du sud-est du Bénin a dû franchir des étapes et surtout compter sur le soutien infaillible de sa congrégation.

Des vêtements liturgiques aux tableaux, un pas

Une salle assez large où le mur blanc valorise la multitude de tableaux qui y sont accrochés. Une odeur de mélange de colles, de diluants et de peintures flotte dans les lieux. Ici un chevalet qui porte une toile à peine achevée. Là, quelques gros sacs remplis de divers matériaux que Sr Henriette transformera au fil de ses inspirations.

Dans sa galerie, à St Michel, quartier populaire de Cotonou, Sœur Henriette a tout d’une femme peintre. Mais sous son tablier sur lequel se pose ostensiblement une croix, elle porte une robe blanche auréolée du voile, signe de son appartenance à la Congrégation des Sœurs de Saint Augustin, qui lui a mis les lieux à disposition.

«Énergie spirituelle», 2012, aquarelle sur toile | DR

Alors qu’elle expose actuellement à la Résidence de l’Union européenne, une autre exposition se tient au Ministère béninois des affaires étrangères. Sa passion pour la peinture remonte à son enfance, «Petite, je peignais tout le temps», se souvient-elle. Sa communauté lui a offert une formation à l’Institut des Beaux-Arts du Cameroun.

Un pinceau au service de l’évangile

Après quelques années à peindre des chasubles, des étoles et autres ornements liturgiques, Henriette Goussikindey a vite retrouvé sa passion originelle: les tableaux, les toiles, les pyrogravures, la céramique, sans que cela ne l’éloigne, «à aucun moment» de sa vocation première.

Derrière ses lunettes et arborant un sourire qui ne quitte jamais son visage, elle peint tout en guettant d’une oreille les offices et les moments de vie en communauté qu’elle ne manquerait pour rien au monde. Car pour l’intéressée, son œuvre est avant tout «un moment de prière et d’évangélisation». Dans chaque tableau, elle essaie de porter et d’exprimer un message biblique. «Amour, vérité, partage, abnégation, fidélité, fraternité, paix…», égrène-t-elle.

Les femmes et les enfants en première ligne

Mars 2020. A Cotonou, les premiers cas de Covid-19 ont jeté la panique dans un pays au système de santé déficitaire. Au centre culturel Artisttik Africa, des foules se bousculent, majoritairement des femmes. Depuis fin février, «Les amazones d’ombre», sa dernière exposition, fait le plein. «Je voulais mettre en exergue la femme dans ses sacrifices et son rôle primordial dans l’éducation des enfants», insiste Sœur Henriette.

«Bâtisseurs du présent», 2009, acrylique sur toile avec pigment naturel tiré du sol | DR

Pendant trois semaines, ses œuvres, essentiellement abstraites, représentent sous plusieurs formes des femmes battantes qui apportent leurs pierres au quotidien de la vie en société. «La condition des femmes, des enfants et des personnes fragiles» est le cœur de sa production.

La bonne nouvelle, l’espoir

Mais Sœur Henriette qui juge «déterminants» la vie communautaire et le soutien de ses consœurs tient à ce que sa peinture transmette «la bonne nouvelle, l’espoir» dans le silence qu’elle affectionne tant. Une innovation dans ce pays où vaudou, animisme et syncrétisme ont pignon sur rue.

La promotion de la femme étant un fondement du charisme des Sœurs de St Augustin, elle enchaîne des ateliers de formations pour les jeunes filles, financés par la congrégation, «pour leur ouvrir de nouveaux horizons, car l’art libère, conclut la religieuse. Plusieurs dizaines de jeunes filles qu’elle a formées tentent aujourd’hui de vivre de cette passion.

Face à la covid-19, des toiles pour méditer

«La covid-19 interpelle notre fragilité et nous pousse à une remise en cause», raconte celle qui y trouve «un appel à l’introspection». Et en cette période plus qu’à n’importe quelle autre, cette épreuve «nous impose une pause», rime la religieuse.

Elle insiste sur «l’importance de contemplation et de méditation» face à la pandémie et comprend l’engouement que suscite le besoin de se recueillir face à cette épreuve et regrette de ne pas «pouvoir accueillir plus de monde» malgré une plus forte demande.

En sortant de son atelier, contigu à la célèbre église Saint Michel où elle a volontiers posé pour des photos, on est vite rattrapé par le tohu-bohu que produit, à quelques dizaines de mètres, Dantokpa, le plus grand marché de plein air d’Afrique. Un choc qui donne envie de retourner chez Sœur Henriette pour y prolonger la méditation. (cath.ch/msc/bh)

Des expositions dans le monde entier Depuis 1995, Sœur Heuriette a réalisé une cinquantaine d’expositions dans une dizaine de pays, dont le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Canada ou encore le Japon. Elle attend impatiemment que les frontières s’ouvrent pour «faciliter les déplacements». En attendant, celle qui ne veut pas perdre le temps s’acharne sur une immense toile et pense déjà à sa prochaine exposition. MSC

Les Sœurs de Saint Augustin au Bénin
Issue de l’Institut missionnaire des Sœurs de Notre Dame des Apôtres, la Congrégation des Sœurs de St Augustin est Fondée en 1968 par le Cardinal Bernardin Gantin, alors archevêque de Cotonou et qui aura été entre autres Préfet de la Congrégation pour les évêques. Elle visait, dans la ligne droite du Concile Vatican II, à favoriser l’émergence d’une communauté religieuse autochtone. L’éducation, la santé, les internats, les foyers de jeunes filles, les orphelinats, des centres d’accueil pour handicapés, la Communauté qui compte environ 250 membres dont plus de 180 au Bénin touche à tout. Elle est aussi présente en France, en Italie, au Niger, au Tchad, et au Togo. MSC

Par MAX-SAVI Carmel pour cath.ch

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