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Maroc–France ­: pourquoi ça ne tourne plus rond

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Exacerbées par la décision française de limiter le nombre de visas accordés aux Marocains, les tensions entre les deux pays découlent de la frustration de Paris de voir Rabat s’affranchir de sa tutelle et diversifier ses partenariats économiques, à quelques mois de la présidentielle.

C’est une évidence, la décision du gouvernement français de réduire le nombre de visas octroyés aux populations maghrébines obéit avant tout à des visées électoralistes. À six mois de l’élection présidentielle, le président Emmanuel Macron entend renforcer ses chances de remporter un second mandat. Car s’il est un sujet qui cristallise les passions et les appréhensions de certains Français, c’est bien celui de l’immigration, notamment en provenance des pays musulmans.

Emmanuel Macron tente donc de donner à ces citoyens en mal de repère quelques gages de fermeté et, ainsi, d’éviter de laisser le champ libre aux candidats de l’extrême-droite, déclarés ou potentiels — dont Éric Zemmour, adepte de la théorie du « grand remplacement », qui a fait de l’immigration issue de pays musulmans la cause profonde du déclin de la France.

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Période de turbulences

Plusieurs autres décisions semblent accréditer l’idée suivant laquelle Emmanuel Macron compte baser sa campagne sur sa capacité à combattre fermement le danger que représenteraient l’islam et les musulmans. Le 24 septembre dernier par exemple, Gérald Darmanin, son ministre de l’Intérieur, s’est félicité de la décision du Conseil d’État de soutenir la dissolution du groupe Baraka City et du Collectif contre l’islamophobie en France, bien qu’aucune preuve n’ait été fournie que ces deux ONG faisaient la promotion de l’islamisme. Une semaine plutôt, Darmanin avait annoncé la dissolution de la maison d’édition Nawa, accusée d’avoir diffusé « plusieurs ouvrages légitimant le jihad ».

LA FRANCE NE PEUT PAS ACCEPTER QUE SON ANCIEN PROTECTORAT LUI FASSE CONCURRENCE DANS SON PRÉ CARRÉ AFRICAIN

Comme l’Algérie et la Tunisie, le royaume chérifien devrait voir le nombre de visas accordés à ses ressortissants réduit de moitié. Cette mesure découle de la frustration de Paris de voir Rabat non seulement diversifier sans complexe ses partenariats stratégiques mais aussi empiéter sur ce qu’elle considère comme sa chasse gardée africaine. La France ne peut pas accepter que son ancien protectorat lui fasse concurrence dans son pré carré africain, surtout en Afrique de l’Ouest, où le Maroc est devenu l’un des premiers investisseurs étrangers.

Les relations entre Paris et Rabat traversent ainsi une période de turbulences depuis plus d’un an. Les visites au plus haut niveau se font de plus en plus rares et la communication entre les deux capitales ne semble plus aussi fluide ni cordiale que par le passé. La décision de la France, en mai dernier, de se ranger du côté de l’Espagne au détriment du Maroc au prétexte que la question migratoire concerne l’ensemble de l’Union européenne, illustre clairement l’existence de fritures sur la ligne : les choses ne tournent plus vraiment rond. Comment expliquer autrement cette position d’Emmanuel Macron, aux antipodes de celle adoptée par l’ancien président Jacques Chirac lors de la crise de l’îlot de Leila (Persil) qui avait déjà opposé le Maroc à l’Espagne, en 2002 ?

Contrats juteux

Avec la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara en décembre 2020, la France a perdu la carte dont elle s’est longtemps servi pour faire pression sur le royaume afin d’obtenir des contrats juteux pour ses compagnies. Le projet du port de Dakhla a finalement  été confié aux groupes marocains SGTM et Somagec, au grand dam de Paris qui espérait le voir attribué à des sociétés françaises.

Avec le renforcement du partenariat économique entre le Maroc et la Chine et le rôle que celle-ci a joué dans la réussite de la campagne de vaccination nationale, tout porte à croire que le Maroc est en passe d’adjuger à un groupe chinois le projet de construction du train à grande vitesse reliant Marrakech à Agadir.

POURQUOI LA FRANCE TARDE-T-ELLE À RECONNAÎTRE, SANS AMBIGUÏTÉ, LA SOUVERAINETÉ DU MAROC SUR SON SAHARA ?

Qui plus est, la reconnaissance américaine a mis au grand jour l’insincérité du soutien français au plan marocain d’autonomie au Sahara. Si la France soutenait vraiment le Maroc, si les déclarations officielles sur le « sérieux » et la « crédibilité » incontestés de l’initiative marocaine étaient de bonne foi, pourquoi la France tarde-t-elle à reconnaître, sans ambiguïté, la souveraineté du Maroc sur son Sahara, alors même qu’elle sait, plus que quiconque, que ce territoire lui appartient ?

Les Français sont tout simplement froissés car ils ont été pris de court par la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Ils savent que le royaume ne se laissera plus marcher sur les pieds. Cela explique pourquoi Paris a gardé un silence tombal sur les élections législatives, régionales et communales qui ont eu lieu au Maroc le 8 septembre. Le déroulement exceptionnel des scrutins et l’alternance pacifique au pouvoir à laquelle elles ont donné lieu n’a pas mérité le moindre Tweet de l’ambassade de France au Maroc, pourtant très active sur les réseaux sociaux.

Remontrances diplomatiques

L’indifférence affichée par la France contraste avec les messages de félicitations envoyés par les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Japon, le Portugal, ou encore la Russie. Les Marocains ont certainement pris note. La campagne récemment lancée  sur les réseaux sociaux pour la promotion de la langue anglaise au détriment du français montre bien que les vents qui soufflent de ce côté de la Méditerranée ne sont plus favorables à la France.

LE RAPPORT DE FORCES A CONSIDÉRABLEMENT ÉVOLUÉ

La diplomatie marocaine doit faire savoir à la France, comme elle l’a fait récemment avec l’Allemagne et l’Espagne, que la donne a désormais changé. Que le rapport de forces a considérablement évolué, s’est quelque peu équilibré entre Paris et Rabat sur un nombre important de questions stratégiques. Et que, finalement, les remontrances diplomatiques françaises n’ont plus la même incidence sur la ligne de conduite marocaine.

Afrika Stratégies France avec Jeune Afrique

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