Secteur délicat de l’économie nationale, les mines ont traversé une longue période de gestion au pifomètre. Depuis son arrivée au pouvoir en 2019, Félix Tshisekedi tente de réorganiser le marché et peut compter sur Antoinette N’Samba Kalambayi. Réformes, assainissement et régulation, le triptyque de la ministre redonne espoir aux acteurs et partenaires.
Mi-juin alors qu’elle n’est aux commandes de son ministère que depuis deux mois, Antoinette N’Samba Kalambayi préside les assises sur les différents taux de valorisation des produits miniers et leur impact sur le rapatriement des recettes d’exportation. Son discours donne le ton et cible la substance la plus importante, le cobalt dont « la RDC dispose de 60% des réserves mondiales » précise celle qui fut longtemps dans l’administration minière. Depuis, elle se livre sans répit aux divers défis dont celui de l’assainissement, de la réorganisation d’autant que la Gécamine, principale société du secteur est en ruine, et de la rentabilisation sans négliger le facteur social qui « tient à cœur au président de la République » selon la ministre. Antoinette N’Samba Kalambayi souligne d’ailleurs que « le pays potentiellement si riche, a une population vivant dans la misère », dénonçant « un paradoxe » qu’il faille combattre.
Actes et gestes forts
Pragmatique, la nouvelle ministre (elle fera en avril un an à la tête du ministère), a voulu d’abord viabiliser les textes dormants. C’est le cas du code de 2002, révisé en 2018 de création du Fonds minier pour les générations futures (Fomin). Cette disposition anticipe en quelque sorte l’après mines, sachant « qu’aucune ressource n’est inépuisable » prévient-elle. Une équipe a donc été mise en place en décembre dernier pour accélérer le processus. Un plan permettant aux congolais d’accéder à la classe moyenne grâce à l’exploitation des mines a été mis en place. Cela permet aux locaux, actuellement en bas de l’échelle d’exploitation, de renforcer leurs capacités et de gravir des échelons d’influence sur le marché minier. Au-delà de l’audit du fichier cadastral qui conduit à lutter contre des contrats obscurs réalisés sous l’ancien régime. La ministre envisage au travers du contrat qui sera signé bientôt avec la firme espagnole XCALI BUR à réaliser la cartographie physique et géologique qui permettra de clarifier la situation des mines du pays. Un défi auquel s’est vainement essayé le gouvernement Kabila pendant près de deux décennies sans y parvenir. Antoinette N’Samba, juriste qui a travaillé pendant plus de trois décennies dans l’administration minière dont elle fut longtemps cadre de commandement semble à sa place et surtout, « peut compter sur le soutien du président Tshisekedi » selon son entourage. Le choix du volet social est l’atout sensible que donne cette mère de famille à la vision du gouvernement sur le secteur minier.
Le social par l’artisanal et le défi de 0,3%
L’idée, relative à l’accord de 0,3% de l’exploitation au profit des populations impactées par les activités d’exploitation minière n’a jamais été mise en pratique. N’Samba Kalambayi a donc signé un arrêté interministériel avec son homologue des affaires sociales et depuis, elle s’applique à la mise en place de cette disposition prévue par le code minier. Il s’agit de les soutenir à travers des réalisations locales et d’utilité collective comme les écoles, les dispensaires, les sources d’eau potables. La question de l’exploitation artisanale est aussi au cœur des actions de la ministre. Objectif ? « Permettre aux citoyens congolais de profiter de la richesse de leur sol ». Ainsi, les étrangers majoritairement chinois qui concurrencent sur le terrain de l’exploitation artisanale avec les congolais ont reçu un ultimatum pour que l’exploitation artisanale soit le fait exclusif des nationaux. La ministre ne comprend pas que la richesse du sous-sol congolais » profite plus aux étrangers qu’aux citoyens », ce que dénonce cette diplômée de droit public interne à l’université de Kinshasa.
Scandale géologique
Le pays, très riche, est considéré comme un « scandale géologique » de part la diversité de ses potentialités minières. Le budget de l’état dépend d’ailleurs à près de 60% de ce secteur et la République démocratique du Congo. Si une grande partie des mines notamment le diamant se concentre dans les provinces du Kasaï, du Kasai Central, du Lomami et du Sankuru, c’est tout le pays qui semble bénéficier d’une dotation naturelle dans telle mine ou telle autre. Au-delà du cuivre, du cobalt, de l’argent, de l’uranium, du plomb, du zinc, du cadmium, du diamant, de l’or, de l’étain, du tungstène, du manganèse ou encore de quelques métaux rares comme le coltan, le pays dispose également des gisements inexploités « mais nous devons faire l’essentiel avec ce que nous avons maintenant » rappelle la ministre, « car la lutte contre la pauvreté ne doit pas attendre » qui doit ses premiers succès « à l’attention et la confiance du chef de l’Etat ».
MAX-SAVI Carmel, Envoyé spécial à Kinshasa, Afrika Stratégies France