Maroc : Ce qu’il faut retenir de la rencontre entre Mohammed VI et Pedro Sanchez
Il est 16h50 quand un avion officiel transportant le président du gouvernement espagnol atterrit à l’aéroport de Rabat-Salé ce jeudi 7 avril. Accueilli par son homologue marocain Aziz Akhannouch, le premier ministre espagnol se rend pour la première fois au Maroc depuis la récente crise diplomatique enclenchée entre les deux pays en avril dernier. Il est accompagné du ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares.
Cette visite inédite, de par son contexte et sa portée stratégique, est pour rappel une concrétisation de la lettre adressée le 14 mars par Pedro Sanchez au Roi du Maroc, dans laquelle le gouvernement espagnol s’est engagé à inaugurer une nouvelle phase dans les relations entre les deux pays.
A son arrivée à Rabat, le premier ministre espagnol est reçu par le Roi Mohammed VI en fin de journée au Palais royal. Au cours de cette audience, à laquelle ont assisté du côté espagnol, le chef de la diplomatie et le premier ministre espagnols, ainsi que l’ambassadeur d’Espagne à Rabat, Ricardo Diez-Hochleitner, et du côté marocain, le Conseiller du Roi, Fouad Ali El Himma, le Ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, et l’ambassadeur de Rabat à Madrid, Karima Benyaich, les deux parties ont convenu d’une feuille de route couvrant « l’ensemble des domaines du partenariat, intégrant toutes les questions d’intérêt commun », lit-on sur le communiqué du cabinet royal. Objectif : ouvrir une nouvelle étape dans les relations entre les deux Royaumes, fondées sur le respect mutuel, la confiance réciproque, la concertation permanente et la coopération franche et loyale.
Une déclaration qui marque un tournant
L’audience s’est soldée par une déclaration conjointe, en vue de matérialiser cette nouvelle relation. Qualifiée « d’historique », ce document va constituer le cadre régissant les relations entre les deux parties à l’avenir. Sa mise en œuvre sera chapeautée par un comité, dont les membres seront désignés par le Roi Mohammed VI et Pedro Sanchez dans un délai de 3 mois.
Cette déclaration comprend notamment le dossier chaud du moment : la question du Sahara. De son côté, la partie espagnole dit reconnaître « les efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations Unies pour trouver une solution mutuellement acceptable » et réitère l’évolution de sa position sur ce dossier, en considérant l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend ». L’Espagne souhaite même « contribuer à démêler un conflit vieux de 46 ans avec une solution mutuellement acceptable », selon une déclaration du chef de la diplomatie espagnole, le mardi 22 mars. Rappelons que cette normalisation des relations entre Rabat et Madrid a été rendue possible par la décision espagnole de se départir de sa traditionnelle neutralité. En effet, Rabat a exigé l’ultime preuve d’amour : une inflexion de la position espagnole sur le Sahara.
Madrid promet par ailleurs que les sujets d’intérêt commun seront « traités dans un esprit de confiance, dans la concertation, loin des actes unilatéraux ou des faits accomplis », en allusion notamment à la crise bilatérale entre les deux pays, née le 18 avril dernier, suite à l’hospitalisation en catimini de Brahim Ghali, chef du Polisario.
Cette nouvelle phase se concrétise également par la pleine normalisation de la circulation des personnes et des marchandises et le rétablissement dans l’immédiat et de façon graduelle des liaisons maritimes de passagers entre les deux pays. Dans ce sillage, les préparatifs pour l’opération Paso del Estrecho/Marhaba seront entamés dès à présent.
Autre annonce de taille : Le Maroc et l’Espagne vont réactiver le groupe de travail sur la délimitation des espaces maritimes dans la façade atlantique. Ce groupe de travail a été créé en 2001. Sa première réunion remonte à octobre 2005, à l’époque du gouvernement socialiste dirigé par José Luis Rodriguez Zapatero.
Liés depuis 1991 par un Traité de Bon Voisinage, d’Amitié et de Coopération, les deux pays entameront des échanges sur la mise à jour de celui-ci, sur la base « des principes, des paramètres et des priorités devant guider leurs relations bilatérales, dans les années à venir ».
Quant à la question migratoire, les deux parties ont annoncé le « renforcement » de leur coopération dans ce domaine. Dans un autre registre, les échanges économiques entre les deux pays feront l’objet d’une réunion prochainement et la coopération sectorielle sera également réactivée.
Le rôle constructif de Mohammed VI souligné
« C’est une journée importante pour l’Espagne et le Maroc », c’est avec ces mots que Pedro Sánchez, a commencé sa déclaration lors d’un point de presse, tenu depuis le Palais des hôtes de Rabat, hier, le jeudi 7 avril. Et de poursuivre : « l’Espagne et le Maroc sont deux pays voisins, amis et partenaires, ce qui explique le caractère stratégique de leurs relations bilatérales », évoquant au passage le rôle constructif du souverain chérifien dans l’ouverture d’une nouvelle étape du partenariat maroco-espagnol. « Je tiens à saluer le rôle déterminant joué par le Roi Mohammed VI pour mettre un terme à la crise entre les deux pays », indique le responsable espagnol. A Rabat, le dossier figure en haut de l’agenda. Le processus de cette réconciliation a été suivi par le souverain chérifien personnellement et directement, comme affirmé dans son discours du 20 Août 2021.
De ce fait, le renouvellement de l’alliance entre Rabat et Madrid traduit la volonté conjointe des deux pays de tracer les contours d’un nouveau partenariat euro-méditerranéen. La visite hautement symbolique de Pedro Sanchez sera par ailleurs suivie par une prochaine réunion de haut niveau, prévue avant la fin de l’année en cours.
Outre les entretiens officiels, le Roi du Maroc a offert un iftar en l’honneur de Pedro Sanchez à la résidence royale de Salé. Ce geste significatif à plus d’un titre est pour de nombreux observateurs un signe fort d’amitié de la part du Souverain chérifien. Jusqu’ici seuls les Rois, notamment le Roi Felipe VI d’Espagne et la Reine Letizia, ont été invités à la table de Mohammed VI.
Afrika Stratégies France avec La Tribune Afrique