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Freddy Kasongo : « la Rdc doit intégrer le facteur de la profitabilité des ressources minières mais aussi le défi de l’après-mines »

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Qualifiée à raison de « scandale géologique » à cause de ses nombreuses ressources minières, la République démocratique du Congo (Rdc) a un sous-sol qui regorge de tout. Le coltan, le tungstène, le manganèse, le zinc, l’or ou encore le diamant. Néanmoins, les populations n’en profitent point. Malgré l’explosive demande internationale en matières premières consécutive à la fin de la pandémie de Covid-19, la croissance chute de 8,9% en 2022 à 6,8 cette année. Au même moment, l’inflation a plus que doublé, passant de 9,2% au premier semestre de 2022 à 20,7% pour la même période cette année. Sur place, dans les provinces minières, les populations sont loin de bénéficier pleinement de ces richesses assimilées souvent à la malédiction. Freddy Kasongo de l’Observatoire d’Études et d’Appui à la Responsabilité Sociale et Environnementale (OEARSE), revient sur les enjeux et défis du secteur minier. A deux mois de la présidentielle, le débat est plus que vif sur ces innombrables richesses qui ne profitent point à cet immense pays, quatre fois la France. Entretien.

La Rdc est un pays riche au niveau de son sous-sol, une richesse qui ne profite pas aux populations. À quelques mois du prochain scrutin, quelle lecture faites-vous du secteur minier ? 

Il est réel que le sous-sol de la RDC est riche en ressources naturelles, mais le défi du secteur reste la transformation de ces ressources minérales en richesse nationale qui pourrait amener la nation à une prospérité partagée. Malheureusement, nous sommes loin d’atteindre cet idéal. De la libéralisation du secteur à la révision du code minier, très peu d’impacts ont pu être observés dans les communautés sur place. Même de grands projets comme SICOMINES qui devrait donner des infrastructures de base n’ont pas véritablement répondu aux attentes de la nation. Pour ce qui est de la gouvernance, aujourd’hui comme hier, nous constatons que l’Histoire se répète. Il faudrait juste voir l’accord entre la Rdc et Ventora, le règlement entre la Rdc et TFM et la négociation actuelle entre le gouvernement et la SICOMINES. En droit, on note que la compétence est d’attribution, hors pratiquement toutes ces transactions sont ou furent négociées par des personnalités n’ayant pas qualité dans une sorte d’opacité. Il est difficile de voir les intérêts du Congo avec l’accord Ventora, de maîtriser le contrat TFM, Glencore. Comme par le passé, notre crainte est que ces négociations qui interviennent à la veille des élections profitent à l’élite et non au pays comme dans le passé.

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Selon vous, qu’est-ce qui peut être fait aujourd’hui pour favoriser le développement économique à long terme du secteur minier ? 

En principe, il est important pour le pays d’avoir une vision pour son secteur et ses ressources minérales. Cette vision devra non seulement prendre en compte les stratégies de profitabilité, mais surtout de préparation de l’après-mine. Il est aussi important que les entreprises publiques du secteur soient compétitives.

Pendant longtemps en Rdc, il a été question de la réforme du secteur minier, ou en est-on aujourd’hui ? 

Nous pensons qu’avec la révision du code minier en 2018, nous avons surmonté une partie importante des questions qui nécessitent un regard législatif.

Aujourd’hui, nous avons un Code minier qui donne beaucoup d’opportunités au pays pour capter les ressources du secteur. Mais comme je l’ai souligné précédemment, il n’y a pas de vision claire sur la question des minerais stratégiques. Le gouvernement semble s’être limité à la fiscalité beaucoup plus qu’au développement d’une vision globale pour cette catégorie de minerais. Nous pensons qu’il faudrait poursuivre les réformes sur cette question en prenant en compte tous les éléments de la chaîne et allant de l’attribution de licence à la profitabilité et au partage des bénéfices.

Vous êtes sur le terrain et vous voyez au quotidien ce qui s’y passe. Comment expliquez-vous que les populations qui vivent sur des terres aussi riches soient finalement des plus pauvres ?

Il y a plusieurs facteurs. Le premier est la maîtrise de ces droits et aussi le manque de redevabilité et de contrôle de l’élite. Il est anormal que les communautés qui ont de nombreux leviers de développement soient toujours pauvres. Même les organismes de contrôle semblent incapables d’assurer la surveillance et imposent l’autorité de l’État pour s’assurer du respect non seulement des engagements contractuels pour les entreprises, mais aussi l’affection des ressources reçues par les entités de l’État. Il y a ensuite les tensions avec les communautés locales, les problèmes environnementaux, la question du droit du travail…

Les entreprises minières chinoises présentes en Rdc sont loin de faire l’unanimité, quel regard portez-vous sur elles ?

La première cause qui serait à la base des tensions semble être l’absence de l’État. Nous avons l’impression que l’État est absent dans ces zones. Même les revenus infranationaux qui devraient être équilibrés sur le terrain semblent être plus financés que la construction et la réhabilitation des bureaux administratifs et le renouvellement du charbon automobile. La sous traitance semble être juste un idéal difficile à matérialiser sur le terrain et très peu de compétences sont dans les communautés pour avoir l’opportunité d’avoir un emploi dans les entreprises minières. Même le service de l’État n’a pas réussi à proposer un plan de développement des compétences pour répondre à la demande des miniers. De nombreuses entreprises y compris chinoises n’entretiennent pas de bonnes relations avec les communautés, surtout en matière de gestion des impacts environnementaux.

En matière de transparence dans le secteur, Quelle est votre grille de lecture ?

Il faudrait avouer qu’en matière de transparence, il y a d’énormes efforts à fournir au niveau du pays. Très peu d’information sur l’acquisition des licences, des écarts importants entre les déclarations des entreprises à des entités étatiques, comme l’ITIE, qui intéressent moins les organes de contrôles, y compris judiciaires. La gestion et l’affection des revenus infranationaux est devenue une question taboue alors que le citoyen devrait avoir l’information.

Enfin, quelles pistes pour une réforme efficace du secteur ?

 La question va au-delà des réformes. Nous avons besoin aujourd’hui d’hommes et de femmes qui priorisent les intérêts du Congo avant toute chose. Nous avons besoin des juridictions et organes de contrôle qui jouent pleinement leur rôle. Nous devons intégrer des sanctions administratives positives et négatives et surtout informatiser notre fiscalité en réduisant le contact entre le disque et le contribuable.

Propos recueillis par Wendy Bashi, pour Afrika Stratégies France

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