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Revue d'intelligence et d'Analyse

BENIN : 59 ans d’indépendance, Albert Tévoédjrè « invite à l’espoir »

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1960. C’est l’année des indépendances pour la grande partie des colonies francophones. Elle a permis à ces pays de s’affirmer et d’entrer de manière autonome dans l’histoire et dans le concert des nations. La question est de savoir, 59 ans après, ce que l’indépendance a apporté aux pays africains en particulier. A cette interrogation, qui fera l’objet d’une série de papiers à Afrika Stratégies France, Albert Tévoédjrè tente de répondre. Essayiste, intellectuel chevronné, plusieurs fois ministre dans les années 1970, l’ancien médiateur de la République du Bénin n’a pas manqué d’ouvrir une brèche sur l’actualité politique de son pays le Bénin. Une brève interview à la suite de la longue introduction. Parfois quelques mots en guise de réponse, comme dépassé par les événements qui s’enchaînent de façon imprévue depuis l’arrivée de Talon au pouvoir mais aussi éprouvé par ses 90 printemps bien sonnés. Apparu, pour la première fois sans aucun ancien chef d’Etat (Yayi Boni et Nicéphore Soglo n’ayant pas voulu être présents), Patrice Talon avait fait la veille un discours creux et sans annonces importantes. Comme le sermon d’un tyran dans le désert.

A  90 ans, Albert Tévoédjrè fut un témoin vivant des événements ayant marqué l’accession des pays  africains à l’indépendance. Ainsi, après la proclamation de l’indépendance de son pays en août 1960, le patriarche béninois, devenu le frère Melchior pour son implication dans des initiatives de paix et de réconciliation , ancien dirigeant de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France et cofondateur du Mouvement africain de libération nationale, devient Secrétaire d’État à la Présidence de la République, Ministre de l’Information, poste qu’il occupe jusqu’à sa désignation comme Secrétaire général de l’Uam(Union africaine et malgache). Né le 10 novembre 1929 à Porto-Novo, celui qui est surnommé « le renard de Djèrègbé », après ses premières études à l’École Saint Joseph de Porto-Novo, au Séminaire Saint Gall de Ouidah et au Lycée Van Vollenhoven de Dakar, a étudié aux Universités de Toulouse (France) et de Fribourg (Suisse), ainsi qu’à l’Institut universitaire des hautes études internationales de Genève et au Massachusetts institute of technology (Mit) de Boston (Usa). Docteur ès sciences économiques et sociales et licencié d’Histoire,il a donné des cours et dirigé des séminaires de science politique  dans plusieurs universités de  par le monde. Entré au Bureau international du travail (Bit) en 1965 comme expert en planification de la main-d’œuvre, il y occupe plusieurs postes de responsabilité, dont celui de Directeur de l’Institut international d’études sociales avec rang de Directeur général adjoint du Bureau international du travail. En 1987, il crée le Centre panafricain de prospective sociale (Cpps). Membre correspondant de l’Académie royale des sciences d`outre-mer de Belgique, membre du Club de Rome et de nombreuses sociétés savantes à travers le monde, Albert Tévoédjrè a reçu plusieurs distinctions honorifiques.

Invité en qualité de personnalité à la Conférence des forces vives de la nation du Bénin, il a été chargé d’en présenter le Rapport général au terme duquel il prononça le fameux « Au travail mes amis, nous avons vaincu la fatalité ». Membre du Haut conseil de la République, il est élu en avril 1991, député à l’Assemblée nationale du Bénin, puis nommé Ministre du Plan, de la restructuration économique et de la promotion de l’emploi du10 avril 1996 au 24 juin 1999. Il a été 1er juillet 1999, coordonnateur du Projet «Millénaire pour l’Afrique» qui fonctionne sous l’égide des Nations unies. De février 2003 à février 2005, il a exercé les fonctions de Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies Kofi Annan en Côte d’Ivoire. En 2006,son soutien à Boni Yayi à l’élection présidentielle lui a valu le poste de premier Médiateur de la République du Bénin.  Il est très apprécié dans les mieux intellectuels en raison de la qualité de ses idées.

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Retiré dans sa maison de retraite dénommée « La Maison africaine de la paix, Théophania », Albert Tévoédjrè se veut très accueillant dans son salon, assis dans son fauteuil, avec en fond décoratif derrière lui, une étoffe noire frappée des emblèmes des rois du Danxomè. Il est très peu bavard, évoquant la question de l’âge : « A 90 ans, je n’ai plus rien à dire, moi j’ai fini », ne cesse-t-il de répéter à chaque fin de phrase.

Entretiens.

– Vous êtes un monument de l’histoire du Bénin qui fête bientôt 59 ans d’indépendance. Est-ce que parfois,  vous-vous dites  » on aurait mieux fait de rester sous dépendance française » à cause de la situation de nos pays ?

– Jamais on ne peut pas le dire. Un pays qui n’est pas libre de son destin n’est pas normal. L’indépendance pour moi est une nécessité. Maintenant, c’est à nous… Mais ça viendra, nous apprenons.

Qu’est-ce que,  selon vous,  l’indépendance a apporté à nos pays, à part l’illusion de la souveraineté ?

La dignité d’être d’abord des Africains. Il y a eu des gens qui ont fait ce qu’ils ont pu pour aider le pays. Il y a eu la conférence nationale… On a reculé peut-être, mais on reprendra le dessus, ça passera, tout passe.

Si vous-vous retrouviez aujourd’hui à un poste important de responsabilité, alors que le Bénin venait d’être indépendant, qu’alliez-vous éviter à votre pays ?

Ce qui se passe aujourd’hui point final.

– Et qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ?

On a vu Kérékou, on a dit non, on a fait la conférence nationale, c’est pour une bonne raison. Mais ce qui se passe aujourd’hui n’est pas conforme  à ce qui a été dit à la conférence nationale. Donc j’aurais évité ce qui se passe aujourd’hui point final, comprenez ce que je vous dis et ça suffit.

Vous avez été médiateur de l’Uemoa. Est-ce que selon vous,  certains pays de la sous-région ont réussi mieux que d’autres ?

Bien sûr, le Ghana, le Cap Vert, ils ont leurs problèmes aussi, mais ils essayent.

-Comment expliquez-vous que l’Afrique peine à décoller économiquement?

Ça passera,il ne faut pas se décourager

– Oui mais qu’est-ce que vous pensez que l’onpeut faire pour remonter la pente ?

Travaillez, travaillez, travaillez, d’autres font mieux que nous, voyez comment ils font, si la Chine fait mieux que nous, voyons comment ils font. Donc regardons autour de nous et apprenons, c’est un apprentissage. Que chacun apporte ses idées.

Vous êtes un pilier de la démocratie béninoise.  Elle est aujourd’hui plus critiquée que jamais.  Quelles appréciationsfaites-vous de la gestion de Talon ?

Je l’ai déjà dit, on ne ferait pas ce qui se passe aujourd’hui, je ne veux pas me mettre à critiquer qui que ce soit. Moi j’ai déjà fini.

Êtes-vous inquiet pour le Bénin ?

Non, le Bénin va se relever, tout passera, les hommes sont tous de passage.

Un mot de conclusion ou un appel à lancer ?

A tous les Béninois, je dis prions pour notre pays.

Propos recueillis par Thomas Azanmasso, Cotonou, Afrika Stratégies France

 

 

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