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COTE D’IVOIRE : Présidentielle 2020, une opposition en quête de leader

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La Côte d’Ivoire connaîtra sa première présidentielle de la 3ème République en 2020. A douze mois de cet évènement très attendu, le parti au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), s’organise sur le terrain. Incapable de s’accorder sur le minimum, l’opposition essaie d’exister entre meetings, conférences, et attaques sans savoir qui conduira réellement sa voix. En un mot comme en mille, l’opposition ivoirienne se cherche un leader, un véritable guide, capable de tenir la dragée à la machine Rhdp.  

«Moi-là, je grigra (je lutte, je me bats, en nouchi qui est une forme d’argot en Côte d’Ivoire) pour m’en sortir. Donc je m’en gnagne (je m’en fiche) de leur affaire de politique-là. Que ce soit Ouattara, Bédié, Gbagbo, Amadou Gon ou Soro Guillaume, c’est leur problème. Si opposition sait pas comment enlever Ouattara là, moi j’ai quoi à avoir dedans ? Nous on veut juste un pays où règne la paix». Des propos qui affichent clairement l’état d’âme de nombre d’ivoiriens à l’approche de la présidentielle de 2020. Comme Bello, comme il se fait appeler dans le milieu des vendeurs ambulants, les Ivoiriens observent la scène politique avec beaucoup d’attention. Car si le parti au pouvoir joue à se rassurer avec le déploiement de la machine RHDP sur le terrain, la tendance est différente du côté des opposants. Entre meetings, conférences, dénonciations, Crush party, l’opposition veut aussi se tisser une toile… Qui peine à voir le jour !

Le RHDP, maître du terrain

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Dans la Nawa, région du Sud-ouest ivoirien où il a séjourné du 24 au 26 octobre dernier, dans le cadre d’une opération dénommée «ratissage», le président du Senat Me Jeannot Ahoussou Kouadio, vice-président du RHDP, a appelé les populations à faire le choix du développement et de la stabilité. A la tête d’une délégation dans laquelle on retrouve le président de la région de la Nawa, le ministre des Eaux et Forêts, Alain Richard Donwahi, le ministre de la Fonction publique, Issa Coulibaly et celui de la Riziculture, Gaoussou Touré, le président du Senat a demandé aux populations de faire confiance au président de la République, à son gouvernement conduit par Amadou Gon Coulibaly et au Rhdp qui incarnent les valeurs de paix, de fraternité, de stabilité, d’amour et de développement prônées par Félix Houphouët-Boigny. Avec un bilan «non attaquable», la coalition au pouvoir veut apporter plus de développement à tous les Ivoiriens partout où ils se trouvent sur l’ensemble des 322463 km². Cela se voit avec la mise en place des organes dirigeants (Conseil politique, Bureau politique, Directoire, Conseil national, Direction exécutive, Coordonnateurs régionaux et associés). Inscrit dans une logique de remporter le scrutin présidentiel dès le premier tour en 2020, le Rhdp veut atteindre un électorat de 3,750 millions à travers l’implantation de 15000 sections et 150000 comités. Pour 2020, il ne reste qu’au parti d’Alassane Ouattara de brandir les réalisations depuis 2011. Et ce n’est pas ce qui manque. Aussi bien dans le domaine éducatif, sanitaire, des infrastructures de toutes sortes, le bilan du chef de l’Etat plaide en faveur de son camp.

Non-miscibles

Le lundi 29 juillet 2019 lorsque Henri Konan Bédié (85 ans) rencontrait Laurent Gbagbo à Bruxelles, il avait son idée derrière la tête. Le président du Pdci-Rda qui s’est brouillé avec son allié Alassane Ouattara au motif que ce dernier refuse de faire valoir leur deal, celui de soutenir un candidat de son parti en 2020, envisage de porter le costume de chef de l’opposition. Avec donc l’ancien président acquitté de la Cpi, il envisage de mettre en place une plate-forme dans la perspective de la présidentielle de 2020. Conscient que le retour de Gbagbo en Côte d’Ivoire n’est pas pour maintenant, il entend ainsi par ce rapprochement s’attirer la sympathie des militants et adorateurs de celui-ci. Pascal Affi N’Guessan, le président légal du Front populaire ivoirien (Fpi), parti de Laurent, est ainsi snobé. Surtout que le président du Conseil régional du Moronou était au départ de l’idée de la mise en place de la plate-forme de l’opposition. Ensemble (Pdci, Fpi, Raci, Mvci…), ils ont fait partie de l’Alliance des forces démocratiques (Afd) pour demander la réforme profonde de la Commission électorale indépendante (Cei). Face donc à la duplicité du jeu du Pdci, Affi N’Guessan s’est départi de cette plate-forme. «Aujourd’hui, il est difficile de parier sur un vrai leader au niveau de l’opposition. Bédié ne veut pas admettre que les temps ont beaucoup évolué et que les jeunes ne se sont pas prêt à s’aligner derrière lui. En tout cas, je ne vois ni Affi ni Guillaume Soro encore moins Mamadou Koulibaly accepter de jouer les seconds rôles derrière Bédié et vice-versa», a fait remarquer Adonis L. Martin, informaticien. Et même s’il le veut, il doit faire face à une grosse adversité. L’ancien président de l’Assemblée nationale, candidat déclaré à la présidentielle de 2020, n’est pas bien vu par les hommes de Laurent Gbagbo. Guillaume Soro n’est pas le bienvenu dans cette collusion entre les deux anciens présidents. Le député de Ferké dans le Tchologo, région du chef de l’Etat, est accusé par les militants du Fpi, tendance Gbagbo, d’avoir abusé de la confiance de leur mentor en 2010. Et ce titre, d’être à la base de la perte du pouvoir d’Etat par le Fpi. Et comme on le dit communément, «qui a trahi un jour trahira toujours», le camp Gbagbo n’entend pas faire corps avec Guillaume Soro au sein d’une plate-forme, fusse-t-elle pour chasser un ennemi commun du pouvoir. Et c’est Kouamé Agbonezian, mécanicien et sympathisant de l’ancien Premier ministre de Gbagbo et d’Alassane Ouattara, qui le justifie. «Il faut qu’on soit clair. On est avec le président Guillaume Soro mais on est conscient d’une chose. Nous avons des ambitions si grandes qui font qu’on ne peut pas être le genou. Et dans une plateforme comme celle-ci, on sait qu’il serait très difficile la collaboration avec le Fpi. Les Gor (Gbagbo ou rien, qualificatif des adorateurs de l’ancien président) ne voudront même pas d’une alliance avec nous», a précisé notre interlocuteur. Alors le « jeune » homme, pour utiliser un épithète du président Ouattara (auquel Soro s’est montré hostile) se la joue solitaire. Après une tournée d’explication dans le Nord en mai dernier, le président du Comité politique (Cp) s’est lancé à la rencontre de la diaspora avec ses «Crush partys». Face à cette situation où la miscibilité est comme une vue de l’esprit, Soro et son camp ont mis en place un mouvement pour fédérer toutes les associations et structures de soutien, Générations et Peuples Solidaires (GPS).

En plus de Guillaume Soro, Mamadou Koulibaly constitue un autre corps incompatible à la politique et à la vision de la plateforme voulue par Bédié. Le professeur d’Economie et maire d’Azaguié, une localité du Sud du pays, dans la région de l’Agneby-Tiassa, ne voit pas en Bédié un rassembleur.

Bédié, le lourd héritage de l’ivoirité

A 85 ans, Bédié rêve d’un retour aux affaires. Mais avant, le successeur de Félix Houphouët-Boigny à la tête de la Côte d’Ivoire doit faire face à ses vieux démons. Des alliés peu recommandables, peu fréquentables, qu’il a contribué à créer. Ces démons ne sont plus ni moins que l’Ivoirité. Même si «L’ivoirité est expliquée par des intellectuels proches du président Henri Konan Bédié, comme une exigence de souveraineté, d’identité, de créativité (…)», l’histoire récente de la Côte d’Ivoire montre bien que ce concept est à la base des différentes crises successives vécues par le pays. Et dont la plus grave est celle qui a conduit au coup d’Etat manqué de 2002 qui s’est mué en une rébellion armée. Un concept destructeur, aux relents identitaires, qui a plongé le pays de Félix Houphouët-Boigny dans l’abîme. Aujourd’hui, tous les Ivoiriens et même leurs voisins de la sous-région voient en Bédié le père de la catégorisation des populations. Après son départ du pouvoir en 1999, le Général Robert Gueï, intronisé par le coup de force de Noël 99, accentue le concept. Le catalogage prend des proportions inqualifiables sous Laurent Gbagbo jusqu’à la rébellion de 2002. Des épisodes tristes de l’histoire de la Côte d’Ivoire dont le président du Pdci-Rda portera encore longtemps la responsabilité. Un lourd héritage qui ne milite pas forcément en faveur du Sphinx de Daoukro. «Comment un homme qui a posé les jalons de la division des Ivoiriens et des peuples vivant sur le territoire peut prétendre gouverner à nouveau ce pays, s’interroge Marie-Anne Ozigré. Les Ivoiriens ont connu des épisodes sombres, cauchemardesques, des moments de tristesse, de désolation, à cause de l’ivoirité inventée par Bédié. Avec lui, ce sont des thèses xénophobes qui ressurgissent dans le pays. On l’a entendu récemment quand il a parlé de l’orpaillage clandestin où il a clairement indexé dans des termes exclusionnistes des populations venues d’ailleurs.»

Si la plateforme Bédié-Gbagbo est qualifiée de «dupe» tout comme la rencontre du 29 juillet de «non-événement» par le pouvoir d’Abidjan, la difficulté pour l’opposition à se trouver un leader est réel. Imaginée par l’ancien allié du locataire du Palais de la Présidence du Plateau  pour fédérer toutes les énergies de l’opposition pour écarter Ouattara et le Rhdp du pouvoir, cette alliance risque de s’effriter à l’approche de l’échéance. L’impossibilité des deux tendances du Fpi a faire corps, le refus de Guillaume Soro et ses hommes à jouer les seconds couteaux derrière un octogénaire, et aussi le non-catégorique du camp Gbagbo à collaborer avec l’ancien chef de la rébellion, sont autant de situations dont se délecterait bien le Rhdp pour s’offrir un succès dès le premier tour de la présidentielle de 2020. Pendant que l’opposition végète, peine à se trouver une ligne commune, le Rhdp gagne du terrain. Après la nomination des coordonnateurs régionaux, coordonnateurs régionaux associés, délégués départementaux, délégués départementaux associés, délégués communaux, délégués communaux associés, délégués sous-préfectoraux et délégués sous-préfectoraux associés, la coalition au pouvoir a lancé sa plateforme e-militant, une innovation qui va lui permettre d’accroître le nombre de ses militants.

Gaoussou Ouattara, Abidjan, Afrika Stratégies France

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