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Afrique du Sud : la commission Zondo aura-t-elle la tête de Jacob Zuma ?

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Quatre ans après sa création, la commission Zondo a remis son premier rapport au président Ramaphosa. Elle conclut à une capture d’État dont Jacob Zuma et ses proches ont été les artisans. Des révélations qui, pour l’ANC, font figure de cadeau empoisonné.

« Nous y voilà enfin. » Cyril Ramaphosa ne cache pas son soulagement. Voilà quatre ans qu’il attendait les conclusions de la Commission d’enquête sur les soupçons de capture d’État, dite commission Zondo, en référence au juge qui la préside, Raymond Zondo. Une institution judiciaire, sans pouvoir de poursuites, qui a remis son premier rapport le 4 janvier dernier lors d’une cérémonie officielle. « Un moment crucial parmi les efforts de notre pays pour mettre définitivement fin à l’ère de la capture d’État », selon le chef de l’État sud-africain.

La commission Zondo est née le 9 janvier 2018, mais elle trouve en réalité son origine dans des faits survenus en 2016. Cette année-là, le Défenseur public, Thuli Madonsela, publie un premier rapport sur « la capture de l’État ». Son enquête met en lumière les nombreux soupçons de corruption qui entachent la présidence de Jacob Zuma en lien avec la famille Gupta.

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Retour de flammes

Face à la gravité des témoignages, Thuli Madonsela demande la création d’une commission d’enquête judiciaire. Jacob Zuma tente de faire écarter le rapport, échoue, puis subit un retour de flammes quand la haute cour de Pretoria le contraint à mettre en place la commission réclamée par Madonsela. Et, comme un châtiment, c’est à lui de nommer celui qui deviendra sa bête noire : Raymond Zondo.

NOMMER UN PROCHE À LA TÊTE D’UNE ENTREPRISE OU D’UNE INSTITUTION PUBLIQUE, MALGRÉ SON INCOMPÉTENCE

Dans ce premier rapport, la commission Zondo n’émet pas de recommandations à l’encontre de Jacob Zuma. En revanche, elle fait porter à l’ancien président, au pouvoir de 2009 à 2018, la responsabilité de nombreuses dérives et esquisse les grandes lignes d’un système bien rodé, qui consistait à faire à chaque fois fi des candidats potentiels et à nommer un proche à la tête d’une entreprise ou d’une institution publique, malgré son incompétence ; à lui permettre ensuite de « purger » l’institution de ses cadres pour y placer des alliés ; à restructurer l’entité quitte à la fragiliser, tout en instaurant un climat de peur. Le tout grâce au soutien d’entreprises privées et de médias « amis ».

Le « système Zuma » est décrit dans la partie consacrée au South African Revenue Service (SARS), l’administration fiscale. « C’est la démonstration limpide d’une collusion entre le secteur privé et l’exécutif, y compris le président Zuma, pour mettre la main sur une institution qui était internationalement respectée et la rendre inefficace, écrivent les auteurs du rapport. Le président Zuma et M. Moyane [ancien patron du SARS] ont joué un rôle fondamental dans la prise de contrôle [de l’administration fiscale]. »

Les mêmes techniques sont décrites dans le volume qui s’intéresse au démantèlement de la compagnie aérienne nationale. La South African Airways (SAA) était alors sous la direction de Duduzile Myeni, une proche de Jacob Zuma. Autrefois seconde plus grosse compagnie aérienne du continent, la SAA n’est plus que l’ombre d’elle-même et s’apprête à être privatisée. « Sous la direction de Mme Myeni, SAA a décliné pour se transformer en une entité en proie à la fraude et à la corruption, résume le rapport. Malgré ça, elle est restée à sa tête. »

Pourquoi l’avoir maintenue en poste ? La commission n’a jamais pu poser la question au principal intéressé. « Le président Zuma a fui la commission car il savait qu’il s’exposait à des questions qui l’auraient mis dans une situation où il n’aurait pas pu répondre, taclent les rapporteurs. Il n’aurait pas pu justifier son insistance à maintenir Mme Myeni à la tête de la SAA. »

La South African Airways victime du « système Zuma »

Ils n’ont pas oublié ce 19 novembre 2020 : ce jour-là, auditionné depuis quelques heures, Jacob Zuma profite de la pause café… pour prendre la tangente ! On ne l’y reverra plus. L’ancien président refuse depuis de témoigner devant une institution qu’il a rebaptisée « commission Zuma » pour signifier sa partialité.

Ses multiples attaques contre le juge Zondo et son refus réitéré de répondre aux questions lui ont valu d’être condamné par la Cour constitutionnelle à quinze mois de prison. Une peine qu’il purge hors les murs, en liberté conditionnelle. Début décembre, il présentait un livre, Jacob Zuma parle, écrit par ses porte-flingues, pour défendre son mandat injustement comparé selon eux à « neuf années gâchées ».

Jacob Zuma a toujours eu à cœur de défendre sa gouvernance. En 2010, quand les frères Gupta lancent le journal The New Age, c’est sur une idée originale… de Jacob Zuma. Le président aurait même trouvé le nom de ce quotidien conçu comme un instrument de propagande pour soutenir son action. Chacun y trouve son compte puisque The New Age va permettre aux Gupta de siphonner les budgets publicitaires des agences gouvernementales et des entreprises publiques.

EN PLUS DE SERVIR LES INTÉRÊTS POLITIQUES DU CHEF DE L’ÉTAT, LA DIFFUSION D’UNE PRESSE PRO-ZUMA ENRICHIT SES AMIS

Via le groupe TNA, les Gupta vendent des abonnements, des espaces publicitaires et des contenus éditoriaux à l’ensemble du secteur public. Eskom, la compagnie d’électricité, achète 2 000 exemplaires par jour de The New Age. En plus de servir les intérêts politiques du chef de l’État, la diffusion d’une presse pro-Zuma enrichit ses amis, dont la cupidité n’a aucune limite. Devant la commission, l’ancien directeur de la communication gouvernementale, Themba Maseko, affirme avoir été licencié après avoir refusé une proposition d’Ajay Gupta. En 2010, l’homme d’affaires lui aurait demandé de verser l’intégralité du budget publicitaire gouvernemental à The New Age.

Monsieur Propre

Aujourd’hui, c’est une presse plus indépendante qui épluche les 854 pages du premier rapport Zondo. Un deuxième document sera remis fin janvier et un troisième, à la toute fin du mois de février. D’ici là, le gouvernement se refuse à tout commentaire. Ramaphosa présentera la totalité des travaux de la commission devant le Parlement d’ici au 30 juin et dira ce qu’il compte faire de ses recommandations. « Peu importe qui est mis en cause, nous ferons appliquer les recommandations, a prévenu le chef de l’État. Nous prenons le travail de la commission Zondo très au sérieux car nous voulons un gouvernement propre. »

UNE AUDITION PUBLIQUE MAÎTRISÉE PAR UN RAMAPHOSA TOUJOURS AIMABLE ET PEU DÉCONTENANCÉ

Élu en 2018 sur la promesse d’une nouvelle aube débarrassée de la corruption, Cyril Ramaphosa profite de la commission Zondo pour peaufiner son image de Monsieur Propre au sein du Congrès national africain (ANC, au pouvoir). Contrairement à Jacob Zuma, le chef de l’État a honoré les invitations de la commission Zondo. Il a passé quatre jours sur le fauteuil de témoin en sa qualité d’ancien vice-président (2014-2018). Une audition publique maîtrisée par un homme d’État toujours aimable et peu décontenancé.

Grand déballage

S’il devait être cité dans le rapport, Ramaphosa assure qu’il prendrait ses responsabilités : « Quand je suis mis en cause, je suis suffisamment intègre pour être capable de me mettre en retrait. » Encore faut-il qu’il parvienne à convaincre sa famille politique que ce grand déballage est un mal pour un bien. Dans son rapport, la Commission relève que l’ANC a elle aussi profité des « produits de la corruption ».

Au sein du parti, certains ont voulu repousser la publication du rapport, a dévoilé Ramaphosa.« Je les exhorte à ne pas le faire et à se ranger parmi ceux qui protègent ce pays et font de l’ANC une entité à laquelle les masses font de nouveau confiance », a-t-il ajouté devant des militants. Ce weekend, le parti fête ses 110 ans, et ce rapport pourrait bien être un cadeau empoisonné.

Afrika Stratégies France avec Jeune Afrique

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