Eclaté depuis 1948 et la création d’Israël, le conflit qui oppose la Palestine à l’état hébreu aura mobilisé diplomates, médiateurs et médias en dents de scie depuis 1967 et la guerre des six jours. Après les attaques du Hamas début octobre dernier, le monde entier se bouscule pour prendre position. En fonction de leurs intérêts, les pays africains se positionnent diversement et timidement alors que la Palestine est membre observateur de l’Union africaine. Décryptage.
En 1897, le journaliste austro-hongrois Theodor Herzl émet pour la première fois l’idée de la création d’un état pour Israël. Une perspective qui fera son chemin mais c’est après la shoah que, sous l’impulsion émotionnelle de la culpabilité des occidentaux, un grand pas a été fait vers la concrétisation de ce rêve porté par le sionisme, un mouvement de soutien aux juifs. L’Afrique a été ciblée un court moment, au début du XXe siècle pour héberger ce futur état notamment en prenant à l’Ouganda et au Kenya, non encore indépendants, une partie de leur territoire. Finalement, les leaders sionistes ont estimé que l’état en gestation doit se retrouver sur le territoire de la Palestine où a vécu le peuple juif un millier d’année avant Jésus-Christ. A coup de conquêtes, la Palestine actuelle, issue de l’effondrement de l’empire ottoman est occupée par des arabes. Ils y ont mené un long combat d’autonomie porté par un fort sentiment nationaliste pour être indépendant de la Grande Bretagne. Mais sous la pression des puissances, l’Angleterre a accepté l’idée l’installation de l’état juif sur ce territoire. Il a été donc imposé à la Palestine, sans son accord consensuel, la création sur sa terre, d’Israël. Créé en 1948, Israël a aujourd’hui 22 145 Km2 contre à peine 6000 pour la Palestine. En quelque sorte, le nouveau venu a près de 4 fois plus de terre que l’occupant préalable. C’est la première source de frustration palestinienne.
Qu’est-ce qui est à l’origine du conflit ?
Le partage de la Palestine entre les deux, n’a pas été homogène encore moins cohérent. Au lieu d’être du haut vers le bas, le partage aurait pu se faire au milieu, laissant Jérusalem au centre et donnant l’accès à la mer aux deux pays. L’origine du conflit est donc d’abord le refus catégorique des pays arabes de voir Israël exister du fait qu’il se crée au détriment des populations locales, majoritairement arabes. Ensuite, Jérusalem est le 2e plus important lieu de culte musulman avec la Mosquée d’Al-Aqsa et l’obsession d’Israël à en faire sa capitale et donc à pouvoir en restreindre l’accès aux musulmans a aggravé la situation. Enfin, avec le soutien des puissances occidentales, Israël a voulu s’imposer par tous les moyens dont souvent la violence. En 1967, l’Egypte, principal soutien de la Palestine met la pression sur Israël en mobilisant des troupes à ses frontières. Riposte immédiate du jeune état d’Israël qui déclare la guerre dite des six jours en juin de la même année contre l’Egypte, la Jordanie et la Syrie. Et la gagne. Il occupe donc le Sinaï égyptien et le Golan syrien.L’hostilité arabe est vive contre Israël dès lors et jusqu’à ce jour, le conflit n’a jamais connu une fin. Les pays africains qui sont récemment indépendants s’alignent aux côtés de la Palestine qui sera très vite membre observateur de l’Union africaine.
Pourquoi cette guerre dure sans fin ?
A cause des extrémistes des deux camps. D’un côté Israël qui n’a jamais contribué à l’émergence d’un territoire palestinien viable en éparpillant des colonies partout. Mais aussi, en fragilisant progressivement le Fatah, mouvement plutôt modéré, créé par Yasser Arafat en 1959 en exil au Koweït. Ainsi, est né le Hamas, mouvement extrémiste et islamique en 1987, cristallisant autour de lui les frustrations, haines et revanches d’une majorité des palestiniens. Le non-respect systématique de toutes les résolutions de l’Onu concernant ce conflit, par Israël, l’explosion de la colonisation juive notamment en Cisjordanie (Palestine), l’usage excessif de la force par l’état hébreu, le refus du Hamas de reconnaître l’état israélien, le soutien traditionnel des Etats-Unis et des pays occidentaux à Israël sans la moindre objectivité sur la situation des palestiniens etc... Et en 2007, alors qu’à la suite d’élections transparentes et équitables, le Hamas a obtenu une immense majorité, Israël s’est opposé à ce qu’il dirige le pays, créant le blocus sur la Bande de Gaza. L’isolement d’un territoire long de 41 km et large de 6 à 12 km, privé de tout avec 2.200.000 personnes accentue les colères et frustrations.
Quelle est la position de l’Afrique ?
L’Afrique n’a pas de position commune officielle. L’Egypte a fait la paix avec Israël dès 1979, poussée par Washington. Mais l’immense majorité des états africains, longtemps victimes de la colonisation, se sent plutôt proche de la Palestine. Pour preuve, en 2018, malgré les pressions américaines pour faire voter une résolution condamnant, là déjà, les frappes du Hamas sur l’état hébreu, seul sept pays sur cinquante-trois ont voté pour, 28 contre même si 10 ont été absents et que 10 autres se sont abstenus. Dans le Maghreb, nonobstant la pression des juifs tunisiens, Tunis n’entretient pas de relation diplomatique avec Tel-Aviv et alors qu’en août 2023, le sujet a été évoqué, la réplique d’Israël dans la bande de Gaza plonge la perspective dans l’impasse. Seul le Maroc a établi des relations avec Tel-Aviv, dans le cadre d’un accord tripartite dans lequel les Etats-Unis ont reconnu la souveraineté du royaume chérifien sur le Sahara occidental. Il s’agit donc d’un acte plutôt politique qui n’influence en rien l’opinion marocaine largement acquise à la Palestine. L’Afrique du Sud quant à elle définit Israël comme un « régime d’apartheid » alors que le Nigeria privilégie les relations économiques et non diplomatiques, tout en défendant la cause palestinienne.
Pourquoi le clan des pro-israéliens se conforte
Les états soutenant Israël sur le continent sont de plus en plus nombreux à cause du besoin sécuritaire sans cesse grandissant des dictatures africaines. Le Cameroun en est l’illustration parfaite. Les deux palais d’Etoudi et de Mvomeka’a où vit Paul Biya sont surveillés électroniquement par le Mossad qui y a déployé ses hommes. Le Rwanda et l’Ouganda bénéficient du solide appui militaire d’Israël alors que le Togo a confié une partie de ses renseignements aux israéliens qui s’occupent des écoutes téléphoniques et des surveillances électroniques. MER Group, une compagnie israélienne de sécurité a conforté ces dernières années sa présence en République démocratique du Cogo dont le président, Félix Tshisékédi, a exprimé « un soutien sans faille » à l’état hébreu après les premières attaques du Hamas. Le Kenya, la Tanzanie et la Zambie entretiennent aussi des relations privilégiées avec l’état d’Israël, au détriment de tout soutien à la cause palestinienne. C’est donc le besoin de protection sécuritaire qui impose à certains pays, notamment des dictatures (Cameroun, Togo, Rwanda, Ouganda…) de prendre fait et cause pour l’état juif. Mais dans son ensemble, l’Afrique penche largement pour une solution à deux états.
Où en est la solution des deux états ?
Sur le continent, la totalité des pays pensent que la coexistence de deux états est la meilleure solution. C’est d’ailleurs la position officielle de l’Union africaine à laquelle Israël a adhéré comme membre observateur en 2021. Très vite, l’Afrique du Sud, l’Algérie et le Nigeria, les trois premières puissances du continent ont maintenu cette adhésion dans le Statu quo « en attendant la résolution du conflit avec la Palestine » qui elle, dispose d’une représentation diplomatique en bonne et due forme à Addis-Abeba. L’Afrique peut contribuer à la résolution du conflit en soutenant à l’unanimité la Palestine et en poussant, par la pression dans le cadre de ses accords économiques de plus en plus prospères avec Israël, à un assouplissement de la majorité nationaliste au pouvoir à Tel-Aviv. Compte tenu du destin commun de colonisés, les états africains sont les principaux partenaires de la Palestine à l’Organisation des Nations Unies (Onu) et ne doivent pas relâcher leur soutien malgré que le conflit se prolonge dans le temps.
En attendant, les pays membres des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) peuvent peser d’un poids déterminant. L’Eglise catholique, très influente dans la région ne doit pas lâcher prise. Malheureusement, la France est aujourd’hui inféodée à la position américaine. Paris a pourtant été, avec de Gaulle, Pompidou, d’Estaing, Mitterrand et Chirac l’instigatrice de l’équilibre dans la région.
Max-Savi Carmel, Afrika Stratégies France