Ancienne garde des sceaux du Bénin et actuelle conseillère spéciale du président togolais, l’experte en finances inclusives de 46 ans enchaine des initiatives dans le secteur du digital et des conférences internationales. Mais l’événement phare de l’année sera la sortie, fin septembre, de son dernier ouvrage. « Dialectique d’inclusion et du minimum humain en Afrique » est écrit avec Stephens Akplogan et préfacé par le président sénégalais Macky Sall. Les Editions Jean-Jacques Wuillaume qui publient l’ouvrage promettent « des surprises après le premier lancement à Cotonou », probablement le 26 septembre.
La pandémie de Covid-19 ne lui a connu aucun répit. Tout au long des mois de juillet et d’août, Reckya Madougou a multiplié, dans le domaine des nouvelles technologies, des initiatives notamment « The Nest Afrique francophone ». Un projet sous forme de compétition qui vise à mettre les entrepreneurs et start-up de l’Afrique francophone en contact avec des business angels. Le Togo et le Bénin d’abord, puis la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont été à l’honneur. Pendant ce temps, l’ancienne ministre béninoise des micro-finances écrivait son livre, profitant sans doute du confinement. L’ouvrage, préfacé par Macky Sall dont l’auteure est proche sera lancé, « probablement le 26 septembre » selon des sources proches de l’éditeur. Avant sa publication, Afrika Stratégies France a eu accès à quelques bonnes feuilles.
Un ouvrage attendu
C’est plutôt une œuvre à mi-chemin entre le technique et le développement personnel mais à plusieurs égards, complexe si ce n’est compliqué. 150 pages à peu près, disposées en parties et en chapitres. Elle met en exergue une argumentation structurée autour de concepts très précis sur l’inclusion et le minimum humain en Afrique. Si une partie est une rhétorique articulée autour des carences qui illustrent la situation de l’Afrique, l’auteure y conteste l’idée d’une Afrique maudite. La suite de l’ouvrage est un appel à la jeunesse et aux acteurs de l’avenir du continent à persister malgré les risques d’échec. L’échec qu’elle définit comme « un report du succès ». La question fondamentale part de ce que malgré les atouts du continent africain, « nous soyons là, contemplatifs de complaintes et quémandeurs d’aide à tout vent et à toute épreuve ». Une méprise selon l’auteure qui part de ses expériences personnelles. Dans le domaine du développement en général mais surtout des finances et même de secteurs prioritaires comme l’agriculture. Celle qui est un pilier important du Mécanisme inclusif pour le financement agricole (Mifa), une véritable réussite pour la phase pilote au Togo exhorte le lecteur à « connaitre ses forces et limites » puis « apprivoiser ses faiblesses ». Premier pas vers la réussite. Et insiste sur l’éducation comme principale voie de sortie. Une éducation multimodale (à l’école, à la maison, partout ailleurs…). Une riposte à l’afro-falisme ambiant. Selon Reckya Madougou, « il est davantage accidentel de vivre exclusivement dans l’attente de bonnes secousses ». Elle pousse le lecteur à saisir l’opportunité que nous offrent les nouvelles technologies et la digitalisation systématique pour faire face aux défis de son temps dont la question cruciale, de l’emploi. Une litanie de constats, de partages d’expériences et de propositions concrètes qu’il faille lire, dès fin septembre. La publication de ce livre est une action en cohérence avec les multiples activités dans lesquelles s’implique cette femme, à la fois technocrate et politique.
Multiplier des actions cohérentes de développement
Les micro-finances dont elle est la principale instigatrice dans son pays d’origine ont eu un effet tangible sur le développement des femmes selon divers rapports du Système des Nations Unies. Au Togo, la polyvalente originaire du nord du Bénin touche à tout. Les micro-finances, des web meetings sur les questions de développement et de gestion de projets, « the Nest Afrique francophone » dont l’un des lauréats, Edem Adjamagbo fait le buzz avec son application wathsapp adaptée au banking, Reckya Madougou a connu un confinement plutôt actif. Et ce n’est pas fini. Alors que les dernières retouches sont en train d’être données à son livre déjà sous presse, son intervention dans le « African Heritage Month » est très suivie par les médias. Rien de plus normal pour celle qui est très impliquée dans la communication de la présidence togolaise et que le magazine américain « Forbes Afrique » a présenté, en 2018 parmi les « femmes d’influence » du continent. Ce 12 septembre, en panéliste, elle intervenait sur le plan Marshall pour l’Afrique, une stratégie gagnant-gagnant entre l’Afrique et les Etats-Unis. Une initiative de l’Unesco qui a de quoi passionner cette obsédée du travail qui collabore aussi avec des cercles proches du candidat démocrate américain Joe Biden sur l’Afrique. « Il a toutes les chances de gagner » murmure-t-elle à ses visiteurs de soir. Une surprise qui révèle la sensibilité de gauche de cette experte des finances qui ne cesse de conseiller des dirigeants africains à droite et souvent libéraux. Trop libéraux même. Mais Reckya Madougou, c’est aussi tout cela, ce génie de compromis intellectuel, de pragmatisme technocratique et de tolérance politique avec qui « toutes les portes du possible restent ouvertes » selon un journaliste qui la connaît.
Occuper le terrain politique ?
En 2017 et 2018, cette intransigeante technocrate avait été soupçonnée derrière certaines activités de l’opposition béninoise qu’elle soutiendrait. Son poulain, Komi Koutché multipliait, en Europe et aux Etats-Unis, des actions contre l’actuel pouvoir du Bénin. L’ancien ministre des finances a dû, sous l’acharnement de Patrice Talon à son encontre, s’exiler et son engagement aura été très vite associé à la non moins-virulente initiatrice de « Touche pas ma constitution » la campagne qui a révélé Reckya Madougou à l’opinion béninoise au début des années 2000. Par la suite, la consultante internationale s’est éclipsée du terrain politique. Au Togo, cette trêve a été interprétée comme une volonté du président togolais d’éviter, à travers celle qui est encore sa conseillère, la confrontation avec « le pays voisin ». Depuis, cette mélomane discrète a été aperçue dans un court clip mettant en exergue la proximité entre ses deux pays, le Bénin et le Togo dans la foulée des conférences qu’elle multiplie. Sa candidature à la présidentielle de 2021 a été longuement évoquée par la presse béninoise avant qu’elle ne s’enferme dans le mutisme, se refusant tout commentaire sur la politique de son pays.
Ses proches qui la disent « insaisissable » n’écartent pas qu’elle ressurgisse dans le débat national à Cotonou. En attendant, c’est le lancement de son livre qui la préoccupe. D’autres ouvrages sont attendus dans les prochaines années de celle qui aura consacré toute sa carrière à la finance inclusive et à l’idéal d’une Afrique qui se réveille d’elle-même.
Afrika Stratégies France