Fondée le 14 juillet 2023 à quelques encablures de Tsévié (30Km au nord de Lomé, capitale du Togo) et à mi-chemin entre les préfectures de Zio et de l’Avé, La Principauté des Baobabs (PDB) fête cette année son premier anniversaire. L’unique micro-nation active du continent africain se veut écologique, agrotouristique mais aussi d’obédience catholique. Cet événement est placé sous le signe de la promotion de l’agriculture bio en Afrique.
Principauté de Trinidad (Brésil), Aerican Empire (Canada), Royaume du Soudan du Nord (Soudan), République de Lokota (Etats-Unis) ou encore la célèbre République de Saugeais (France), la planète en compte 400 en tout, dont plus de la moitié est active. Les micro-nations sont des pays fictifs ou plutôt symboliques qui se veulent une communauté d’actions et de lutte autour d’une cause plus sociale que politique. Elles ne sont reconnues par aucun pays mais juste tolérées et disposent de tous le signes d’un état. Drapeaux, monnaies, passeports, gouvernements, populations ; elles ne se distinguent des vraies nations que par leur nature informelle si ce n’est folklorique. Depuis un an, autour de l’écologie et de l’agriculture, La Principauté des Baobabs a vu le jour, mobilisant des citoyens de plusieurs pays, allant du Togo au Bénin, de la France à l’Italie, avec un seul objectif : créer une dynamique touristique autour de l’agriculture bio et contribuer à l’autosuffisance alimentaire. La moitié de la quarantaine de baobabiens (c’est le gentilé) a participé le 14 juillet à l’implantation d’un drapeau et à une cérémonie commémorant le premier anniversaire de leur Principauté.
Une “folie tropicale”
Dans une Afrique où le moindre relent politique peut susciter des appréhensions, La Principauté des Baobabs se définit comme « un géant projet agricole fonctionnant sous la forme d’une micro-nation« . Mais dans la réalité, elle dispose d’une citoyenneté, d’un drapeau, des armoiries, d’un gouvernement, d’une monnaie en gestation ou encore, d’un Journal Officiel, « La Lettre des Bombacacées ». Son slogan en résume la nature, “hilarité et solennité”. Pour son Premier ministre, « le côté folklorique est fondamental, c’est associer l’humour à des causes nobles » rappelant combien « l’Afrique doit se protéger en prenant le devant de la protection de l’environnement« . David Cudjoe Amekudzi invite « à ne pas refaire les mêmes erreurs dans l’agriculture« en faisant recours à des produits chimiques. « Une grande partie des cancers des pays en grande croissance économique aujourd’hui est liée au glyphosate ou à d’autres engrais chimiques« , dénonce celui qui revendique aussi le titre de “chef de conseil de gouvernorat”. Et depuis sa nomination par le Prince Max Carmel 1er, il a déjà pris pas moins d’une dizaine d’arrêtés à la tête d’un gouvernement qui compte 5 ministres « mais avec des postes à pourvoir« rappelle-t-il, alors qu’il y a quelques semaines, il organisait à l’endroit de son gouvernement un séminaire gouvernemental sur “la conception, l’exécution et le contrôle d’un budget d’état” car pour celui dont le pays n’a encore ni compte, ni argent, c’est “une manière d’apprendre à gérer“.
Une cérémonie plus vraie que nature
Une quinzaine de personnes sur une portion de terre montant un drapeau vert-noir-blanc. La scène, à 40km de Lomé, paraît ubuesque. Mais le ministre d’état chargé de la cérémonie la prend très au sérieux, « nous sommes un pays fictif mais aux actes bien réels« . Comme Eli Goka, toutes les personnes présentes arborent leurs échappes aux couleurs du petit état. Ce quadragénaire et par ailleurs, excellent journaliste togolais est le seul Ministre d’état de La Principauté. Il accumule d’ailleurs les portefeuilles de la défense, de l’équipement, des travaux, de la communication, de l’économie numérique, des télécoms mais aussi de l’administration et de l’intérieur. Il fait aussi office de garde des sceaux, mais l’intéressé ne s’en plaint guère. « Quand on aime son pays, on se sacrifie« amuse-t-il sans susciter le sourire du Premier ministre. Après quelques prières en éwé, dialecte dominant au Togo et un solennel discours, il hisse le drapeau après l’exécution de l’hymne nationale. La veille, un décret du Prince a informé que “peuple de frères, peuple du partage” populaire chanson catholique serait le chant cérémoniaire de La Principauté. « Cet exercice quelque peu comique a un avantage” défend Eli Goka : “il permet d’apprendre à diriger un pays« . La cérémonie se poursuivra avec la récitation du “Notre père qui es aux cieux”, la prière « que le Christ même nous a apprise« précise le Prince. Suivra un barbecue arrosé de vin de palme, la boisson officielle de La Principauté des Baobabs.
Un Prince qui ne règne point
Max Carmel 1er. Derrière ses lunettes de myope, ce spécialiste du Catholicisme qui vit en France s’est déjà assigné une première mission, « lutter contre le glaucome« . Il travaille ardemment à un projet de sensibilisation sur la maladie d’yeux trop méconnue en Afrique et dont il souffre depuis deux décennies. “Je ne dois le fait de n’être pas devenu aveugle qu’à la chance de vivre dans un pays développé” déduit-il, triste qu’en Afrique, “de nombreux glaucomateux ne le savent pas, faute d’examen”. Pour le chef de La Principauté des Baobabs, il faut multiplier des actions “pour que les plus pauvres accèdent à l’examen de champ visuel”. Il travaille de nuit à une sortie de sensibilisation à Aného dans quelques semaines. Cela ne l’a pas empêché la veille de multiplier des décrets, “pas moins de huit” selon un communiqué du Palais, pour nommer ministres, conseillers d’état et même un Directeur du budget. A quelques minutes de la montée des couleurs, on le voit s’affairer à attacher le drapeau. “La différence avec les autres chefs d’état, c’est la proximité” rappelle l’ancien religieux catholique dont la devise est “un Prince qui ne règne point“. Pieds nus, au four et au moulin, il s’isole un peu pour un appel téléphonique que vient de lui passer son protocole. A l’autre bout du fil, “le Grand Chancelier de l’Ordre des Baobabs qui n’a pu faire le déplacement” révèle le monarque sans couronne. Ce père de famille nombreuse ne veut pas évoquer sa succession, “elle sera héréditaire ou élective” laisse-t-il entendre en promettant de faire de “tous les enfants des ministres et cadres de La Principauté des ducs et duchesses” afin de “rendre la compétition à la succession inclusive“.
Faure Gnassingbé et le Pape François inspirent le volet agricole
“Le Président togolais a fait de l’agriculture une priorité avec notamment les révolutionnaires agropoles installés dans toutes les régions du pays” constate le ministre d’état. Pour Eli Goka, La Principauté entend accompagner “cette modernisation de l’agriculture togolaise” avec un fort penchant pour l’écologie et l’agriculture bio. D’ailleurs, sur le site qui sert de territoire à la micro-nation, des enclos de productions animales sortent de terre, dans un grand champ, La Principauté “ne vivra que d’agricultures et d’aides diverses” précise une des porte-paroles.
L’engagement écologique du Pape François en est une autre source d’inspiration pour l’initiative ; “l’encyclique Laudato Si est notre Bible” insiste Max Carmel 1er. En 2025, La Principauté qui ouvrira sa session budgétaire fin décembre entend exploiter 50 hectares agricoles contre “à peine 5 actuellement“. Elle installera une école, l’Institut Andansonia qui familiarisera les apprenants avec l’agriculture. Elle se prépare dans la foulée à participer à la COP29 en novembre prochain en Azerbaïdjan. A la fin de la fête, Léonie Degboe la ministre de l’international (affaires étrangères) a exhorté les ministres présents à ramasser les déchets plastiques occasionnés par la fête. Un acte “hautement écologique” préconise le ministre d’état. Quant au Prince qui ne lâche pas sa calebasse de vin de palme (La Principauté en produit 250 litres par jour), “l’impact touristique sera le plus grand“. La Principauté attend ses premiers touristes en 2025 “un atout pour le Togo” jure le Premier ministre.
Source : Le Matin