Amnesty International (AI) qualifié jeudi d’« arbitraires » et d’« illégales » les interdictions de voyage hors de Tunisie imposées à plusieurs personnalités depuis le coup de force du président tunisien Kaïs Saïed qui accapare depuis le 25 juillet tous les pouvoirs.
L’organisation de défense des droits humains affirme avoir recensé depuis cette date au moins cinquante cas d’interdiction de voyage ayant ciblé des juges, des fonctionnaires, des hommes d’affaires et un parlementaire. « Le nombre total est probablement bien plus élevé », a ajouté Amnesty dans un communiqué
M. Saïed, élu président en 2019, a invoqué la Constitution pour s’octroyer les pleins pouvoirs, limoger le chef du gouvernement et suspendre le Parlement pour une période initiale de trente jours, avant d’annoncer lundi soir la poursuite sine die de ces mesures.
Depuis ce coup de force, arrestations, interdictions de voyage et assignations à résidence ont visé magistrats, députés et hommes d’affaires, dans le cadre d’une « purge » anticorruption promise par M. Saïed, suscitant désormais des craintes d’un recul des libertés en Tunisie.
« La suspension indéfinie du Parlement par le président Kais Saied ne peut justifier la violation des droits et des libertés dans le pays ou saper le système judiciaire », a déclaré Heba Morayef, directrice d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Restriction verbale
« Les autorités tunisiennes ont imposé des interdictions de voyager illégales et arbitraires à des personnes ces dernières semaines sans justification et en l’absence de toute décision judiciaire, en violation flagrante de leur droit à la liberté de mouvement », a ajouté Mme Morayef, citée dans le communiqué. « Même dans des circonstances exceptionnelles, une personne devrait pouvoir voir et contester les preuves sur lesquelles se fonde une interdiction de voyager », a-t-elle encore ajouté.
« La liberté de déplacement est un droit constitutionnel que je m’engage à garantir », a assuré pourtant la semaine dernière le président Saïed. « Mais certaines personnes devront rendre des comptes à la justice avant de pouvoir voyager », a-t-il prévenu.
Cependant, l’examen des cinquante cas recensés par AI « montre que les personnes interdites de voyage n’avaient pas réellement de procès ni d’enquête judiciaire ouverte à leur encontre » et qu’elles n’ont été informées de l’interdiction de voyage que verbalement par des agents de sécurité de l’aéroport.
« Cette absence de décision écrite (…) à la restriction de leur liberté de circulation compromet leur capacité à faire appel de l’interdiction », selon AI.
Afrika Stratégies France avec Le Monde Afrique