Cette nouvelle confrontation confirme l’opposant, arrivé troisième de la présidentielle de 2019 et candidat à celle de 2024, comme le personnage principal de la compétition.
Le Sénégal a connu jeudi 16 février une nouvelle poussée de fièvre autour de l’opposant Ousmane Sonko, sorti de force de sa voiture et ramené chez lui en fourgon blindé de la police après avoir comparu au tribunal. Il s’agit de la dernière et spectaculaire confrontation entre Ousmane Sonko et le pouvoir, dans un climat de tension grandissante un an avant la présidentielle. La date du scrutin a été fixée jeudi au 25 février 2024.
Les images, publiées en direct sur les réseaux sociaux, montrent des hommes en uniforme casqués et masqués, visiblement des gendarmes, entourer la voiture à l’arrière de laquelle se trouve M. Sonko et dont il refuse de sortir, sur le chemin du retour d’un procès en diffamation au tribunal de Dakar. Son éligibilité à la présidentielle pourrait dépendre de l’issue de ce procès.
« Je suis en état d’arrestation ? », demande M. Sonko aux gendarmes. Les hommes en uniforme lui répondent par la négative et lui disent avoir reçu l’ordre de le reconduire chez lui. Auparavant, M. Sonko avait expliqué par téléphone à un commissaire qu’il ne sortirait que s’il était en état d’arrestation.
Un gendarme finit par pulvériser du coude la vitre arrière. Les hommes en uniforme actionnent de l’extérieur l’ouverture de la portière et extraient, en le tirant par les bras, M. Sonko, qui, apparemment impassible, résiste quelques instants puis se laisse emmener. D’autres images le montrent descendre quelque temps après d’un fourgon de police devant chez lui.
Démonstrations de force
Ces incidents confirment M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et candidat à celle de 2024, comme le personnage principal, pour le moment, de la compétition. Un autre acteur, le président Macky Sall lui-même, entretient le flou sur son intention de passer outre ou non les objections constitutionnelles et de briguer un troisième mandat.
Si la campagne est loin d’avoir officiellement commencé, M. Sonko, 48 ans, multiplie les rassemblements aux airs de démonstrations de force, tandis que M. Sall, 61 ans, après un an passé à la tête de l’Union africaine, intensifie les opérations de promotion de son action depuis 2012.
M. Sonko, populaire chez les jeunes dans une population dont plus de la moitié a moins de 20 ans, est entré en confrontation avec le pouvoir. Inculpé dans une affaire de viols présumés, jugé jeudi pour diffamation, il crie au complot destiné à l’écarter et à l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir du président Sall, ce que ce dernier réfute. A la veille de son procès, M. Sonko se répandait en attaques contre M. Sall, « qui s’imagine pouvoir asservir le pays là où le colon et d’autres avant lui ont échoué ».
Les autorités ont interdit de nombreux meetings de l’opposition ces derniers mois. Ces dernières semaines, des dizaines de partisans de M. Sonko, mais aussi des militants, ont été interpellés. La semaine passée, la ville de Mbacké a été le théâtre de heurts, de saccages et de pillages après l’interdiction d’un rassemblement autour de M. Sonko. Jeudi matin, les forces de l’ordre, déployées en nombre comme à chaque convocation de M. Sonko, ont lancé des gaz lacrymogènes sur ses sympathisants qui voulaient entrer dans le tribunal où il était jugé.
Le procès renvoyé au 16 mars
M. Sonko est poursuivi par le ministre du tourisme, Mame Mbaye Niang, pour « diffamation, injures et faux ». Après son ouverture, le procès a été renvoyé au 16 mars.
En mars 2021, M. Sonko s’était rendu accompagné d’une foule massive à une convocation devant un juge dans une affaire de viols présumés. Son arrestation en chemin avait contribué à déclencher les émeutes les plus graves connues depuis des années au Sénégal. Les troubles avaient fait une douzaine de morts. La justice a ordonné en janvier le renvoi de M. Sonko devant un tribunal dans cette affaire. Aucune date de procès n’est connue.
Mais l’affaire de diffamation retient une attention grandissante, les textes prévoyant une radiation des listes électorales, et donc une inéligibilité, dans un certain nombre de cas de condamnation.