Belle, charmante, souriante, Belinda Lumingu Dongo est une éternelle optimiste. Son teint naturellement marron, elle en est plus que fière, « je le vois suffisamment éclatant et magnifique » avance-t-elle. A 37 ans, elle aura passé l’essentiel de sa vie hors de son pays, la République démocratique du Congo. Alors qu’elle y est retournée en 2020, l’idée de s’y installer s’est imposée à elle et depuis, Belinda y déroule un projet, « plutôt un concept », rectifie celle qui est aussi directrice exécutive de la Fondation Shalupe. Le « Made in Africa identity » aura lieu à Kinshasa les 18 et 19 novembre 2022. Une occasion pour Belinda Dongo qui est aussi la présidente nationale de la Jeune Chambre Internationale (JCI) de conscientiser, avec deux Start up qui organisent l’événement, ces hommes et femmes complexés par leur couleur de peau ou encore leurs cheveux crépus au point de se livrer aux manipulations artificielles. « Nous devons aimer notre physique » martèle Dongo insistant sur le fait qu’ « un complexe lié au physique naturel, teint ou cheveux nourrisse le racisme ». C’est aussi sa manière de combattre les discriminations raciales. Après deux éditions au Ghana où elle a vécu près d’une décennie, c’est dans son pays d’origine qu’aura lieu la 3e édition. A quelques semaines de l’événement, elle se livre à Afrika Stratégies France, partenaire de l’événement. Entretien !
Vous avez longtemps vécu en Afrique de l’ouest notamment au Togo et au Ghana où vous avez organisé les deux premières éditions de « Made in Africa identity ». Quel est l’objectif principal de cet événement ?
En effet, j’ai beaucoup plus vécu en Afrique de l’ouest bien qu’étant originaire de la République démocratique du Congo (Rdc). « Made in Africa identity » est un événement annuel organisé par deux Start up qui ont pour objectif de promouvoir l’identité culturelle africaine dans le secteur de la mode et de la beauté. Il est regrettable de constater que beaucoup d’africains ont du mal à assumer leur apparence, leur physique, leur identité africaine. Ne pas s’assumer, c’est être perdu et c’est ce qui nous a motivée à sensibiliser sur ce sujet délicat.
Vous êtes une belle femme qui n’a pas eu besoin de recourir à la dépigmentation alors que vous avez vécu dans deux pays, le Ghana et le Congo où le complexe de la couleur de peau persiste. Pourquoi n’avoir pas cédé à cette tendance ?
Cela n’est malheureusement pas le cas de la grande majorité. Moi j’ai eu la chance d’avoir pris conscience très tôt. Nous avons grandi entre l’Afrique de l’ouest et le Congo où il y a des appels à se dépigmenter, une tendance à valoriser la femme claire de peau. Un concept devenu une religion au point de faire douter celles qui conservent leur peau naturelle. Il y a aussi les hommes qui se glorifient d’avoir des copines au teint clair. J’y ai cédé pendant quelque temps avant de vite y mettre fin. Heureusement que j’ai vite compris, ce qui m’a évité des séquelles visibles et m’a permis de garder au finish ma peau. Mais il a fallu que je sois affectée au niveau de ma peau par l’agression des produits utilisés avant de me rétracter. Je veux donc éviter aux plus jeunes de tomber dans le piège.
Est-ce que le fait d’avoir vécu au Ghana, pays anglophone a atténué chez-vous en partie le complexe de la couleur de peau plus présent en Afrique francophone que chez les anglophones du continent ?
Oui. Les pays anglophones sont moins concernés par la dépigmentation. Ils ont, pour des raisons liées à leur éducation par le colon, moins de complexe sur la couleur de peau. Mais il est temps que les francophones écoutent ce message. Il s’agit d’un message universel qui s’adresse aux francophones comme aux anglophones. Il était donc à mon avis temps que le « Made in Africa identity » revienne et heureusement, dans mon pays d’origine où le phénomène est omniprésent. La peau claire a longtemps été acceptée comme la meilleure des peaux, ce qui est totalement faux. Il n’y a pas de meilleure peau que celle qui est naturelle.
Dans un pays comme le vôtre où presque deux personnes sur trois ont influencé ou changé la couleur de leur peau, ne pensez-vous pas que l’aventure est perdue d’avance ?
Non, je ne crois pas qu’elle soit une aventure perdue. Loin de là. Parfois il manque la sensibilisation qui peut conduire à une remise en cause de soi. C’est ce choc psychologique qu’il faille provoquer. L’éveil de conscience s’impose à tous. Et je sens que les gens comprennent le danger aussitôt qu’on les sensibilise. Cela vaut aussi pour le défrisage direct des cheveux. Après la sensibilisation, il faut promouvoir le label naturel et accompagner les victimes.
L’opinion est-elle ouverte au message et quels sont vos partenaires ?
Le sujet a été bien accueilli par l’opinion. Les gens savaient que la dépigmentation, le défrisage et autres sont mauvais mais le rappel est important. La répétition est pédagogique, dit-on. Nous avons de nombreux partenaires dont le Musée national qui accueille l’événement. Nous finalisons la liste des partenaires et les modalités avant de la rendre officielle. Un grand nombre de stylistes nous accompagne et c’est très remarquable. Je ne veux pas citer trop de noms pour ne pas en oublier.
Une dernière question. Après cette édition, est-ce qu’il aura une sorte d’accompagnement, de service après-vente à votre niveau à l’endroit des personnes déjà dépigmentées notamment celles qui veulent faire le retour en arrière ?
Il est évident que nous allons continuer à travailler sur le sujet. Nous devons continuer, par nos activités du quotidien d’autant que l’accompagnement est notre approche de base. Il ne devrait donc avoir aucun problème pour le service après-vente, le conseil et le suivi pour que notre jeunesse se réapproprie son identité.
Propos recueillis par MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France