Dominique Lafont, Jean-Michel Maheut et Charles Gafan sont visés dans une enquête dans le dossier de corruption qui a valu une mise en examen à Vincent Bolloré. Les juges d’instruction en charge de l’enquête veulent savoir les rôles joués par le directeur Afrique du groupe éponyme et ceux qui étaient à la tête des filiales du Togo et de la Guinée au moment des faits.
Jean-Michel Maheut qui était directeur du groupe à Conakry au cours de la période incriminée est devenu depuis responsable Afrique de l’Ouest. Quant à Charles Gafan, il préside, près d’une décennie après, Bolloré Africa Logistics Togo alors que Dominique Lafont qui aura été le fer de lance de l’expansion du groupe en Afrique a rompu avec le baron breton et gère Lafont Logistics Corporation, une société de conseils et d’investissement qu’il a créée en 2014. Le tribunal de Nanterre cherche aujourd’hui à savoir si ces collaborateurs de Vincent Bolloré à divers niveaux ont été activement impliqués dans la machine de corruption devenue la marque de fabrique du groupe en Afrique.
La méthode Bolloré en Afrique
Au Cameroun, le groupe a été éliminé d’un appel d’offre en appel avant de le remporter plus tard, en 2015, juste après un passage suspect de François Hollande à Yaoundé où il est intervenu directement auprès de son homologue Paul Biya. Pourtant, depuis 2008, une plainte pour favoritisme a été déposée auprès de la justice camerounaise par Jacques Dupuydauby, le non-moins sulfureux patron du groupe Progosa. Alors qu’il avait tout monopole sur le Port de Owendo au Gabon, Bolloré a été mis en minorité par le singapourien Olam, pour « non respect des engagements financiers » vis-à-vis de Libreville. Son acquisition du second terminal à conteneurs au Port d’Abidjan a été controversée au point où, le ministre du commerce, Jean-Louis Billon a remis publiquement en cause ce choix unilatéral de Alassane Ouattara. A Dakar, il a juste fallu un appel d’offres en 2007 pour que Bolloré perde le port qu’il tenait d’une main de fer depuis 80 ans face à l’émirati DP Word. Les exemples se multiplient d’autant que même dans le conflit qui l’oppose à un autre concurrent à Conakry, la justice française l’a condamné à verser 2 millions d’euros de « dommages et intérêts ». La méthode est la même partout sur le continent. Déguerpissements manu militari du principal concurrent, sensibles interventions politiques à peine voilées, des annonces en pompe de promesses jamais tenues. Au point où, certains pays comme le Bénin et le Niger ont dû l’écarter d’un géant projet ferroviaire dont le gagnant par appel d’offres a été poussé dehors par l’ancien président Yayi Boni au profit de Bolloré. A la demande là encore expresse de François Hollande. Si le président de la gauche française n’est pas proche de Bolloré, le milliardaire lui a mis entre les pattes un de ses pions surs, Le Drian qui aura été ministre de la défense de Hollande.
Le cas du Togo et de la Guinée
Tassé par Paris d’être trop proche de la gauche française, Sarkozy se méfiait de Alpha Condé, ancien leader de l’International socialiste qui est arrivé au pouvoir en Guinée à la suite de scrutins qui n’ont pas fini de révéler des secrets. Son principal challenger Cellou Dalein Diallo, arrivé largement en tête du premier tour dénonce « une conspiration internationale ». Au Togo, Faure Gnassingbé a multiplié des pieds de grue pour être reçu par le président français, en vain. Dans un cas comme dans l’autre, Vincent Bolloré a profité d’un besoin de rapprochement avec l’ancienne puissance coloniale de Gnassingbé et Condé pour s’imposer. Et dans chacun des cas, son principal concurrent (Progosa pour le Togo, Necotrans pour la Guinée) a été chassé par la gendarmerie et Bolloré Africa Logistics obtient un monopole déloyal. Et dans chacun des cas, des élections ont eu lieu dans la foulée et Bolloré a mis la main à la poche. Au Togo, plusieurs confidences de Charles Gafan qui l’ont éloigné de son « mentor » font cas de location d’hélicoptères, dons de costumes, corruption de médias et mise à disposition d’espèce pour l’achat de consciences au profit de la victoire de Gnassingbé fils. Charles Gafan a été même aperçu sur le terrain de campagne, en T-shirts et casquettes à l’effigie de Faure Gnassingbé, actuel et controversé président du Togo. En Guinée, Vincent Bolloré en allé non seulement inaugurer des installations culturelles en pleine campagne, mais a pris en charge la communication de Condé pour un second mandat. Il a aussi mis à disposition de Condé « une cagnotte importante » selon le témoignage d’un ancien financier du groupe. Au Togo, Patrick Bolouvi, frère du président togolais a été nommé à la tête de la section Com du groupe. Gafan, lui, multiplie des cadeaux à l’endroit de barons du régime et des amis du Président. Une note de l’ambassade de France sous Hollande évoque « quelques millions d’euros chaque année » que l’homme fort de Bolloré a Lomé distribue ici et là notamment avec le soutien de Victoire Dogbé, Directrice du cabinet de la Présidence dont il est le poulain. Une situation qui n’a de cesse indisposé le président togolais dont la maman, Sabine a souvent bénéficié des largesses du groupe Bolloré au Togo.
Jusque-là, si Dominique Lafont qui a souvent pris ses distances avec la méthode subversive de Bolloré en Afrique s’est mis à la disposition de la justice, le groupe évite soigneusement que Meheut et Gafan soient écoutés. Les avocats multiplient des stratagèmes pour éloigner le plus possible ces auditions comme si elles risquent de relancer un dossier qui a connu une accalmie dans les médias hexagonaux.
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