Réélu pour 7 ans à la tête d’un pays dont 30% de la population est au chômage avec une croissance à moins de 4%, Biya doit rassurer le Cameroun menacé par le terrorisme. Face à la contestation suscitée par sa 7é élection et devant faire face à la chute des prix de matières premières, le président qui vit essentiellement à Genève n’aura pas la tâche facile.
Sans surprise, Paul Biya est réélu président du Cameroun sur fonds d’un scrutin dont l’opposition dénonce les « irrégularités et les fraudes massives » au point où Maurice Kamto s’est autoproclamé élu. Il devra, pour ce septennat, montrer sa détermination à sécuriser son pays menacé par le terrorisme, œuvrer pour la lutte contre le chômage tout en maintenant la croissance. Et dans un pays où le quart de la population vit à peine avec 1$ par jour, la lutte contre la pauvreté doit être une priorité pour ce pays riche et industrieux à «économie forte et diversifiée» au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Cemac), un pays dont l’économie a toujours su résister aux chocs extérieurs.
Des chiffres qui en disent long
Par exemple, durant la période 2010-2015, la croissance du pays a été constante avec une moyenne de 5,8% et ce, malgré la conjoncture internationale qui n’était pas particulièrement favorable. Mais depuis 2016, la dynamique sera cassée, le taux de croissance ne cesse de chuter. Il était prévu une croissance de 4,1% pour 2018 comptant sur «une augmentation des exportations vers l’Union européenne suite à l’Accord de partenariat économique (APE) et de l’offre accrue d’énergie résultante de la mise en production de nouveaux barrages hydroélectriques». Mais au deuxième trimestre 2018, l’Institut national de la statistique du Cameroun (INSC) a annoncé une croissance de 3,9%. Seulement, en dépit de ces statistiques, le Cameroun reste dans la catégorie des pays où la pauvreté est pratiquement insensible au taux de croissance. En d’autres termes, les bonnes statistiques ne sont pas traduites dans le panier de la ménagère, dans la création d’emplois pour réduire le chômage. Le pays a «connu un taux de croissance de 5% en moyenne entre 2001 et 2007 et le taux de pauvreté est resté presque constant sur la même période, passant de 40,2% à 39,9% », relèvent deux chercheurs de la Faculté des Sciences et Gestion, Université de Dschang (Cameroun), Talla Fokam et Fotso Koyeu dans leur thèse de doctorat intitulée «Croissance économique, emploi et pauvreté au Cameroun».Notons que même si le deuxième trimestre 2018 est marqué par une croissance de 3,9% par rapport au trimestre correspondant de 2017, la même année, l’économie camerounaise est frappée de plein fouet par de multiples facteurs handicapants.
Les facteurs qui ont plombé le pays
Le repli que connaît l’économie camerounaise est à mettre sur le compte de quelques facteurs principalement exogènes. Il s’agit d’abord de la récession chez le grand voisin nigérian provoquée par la chute des cours du pétrole. Ensuite, il y a l’exacerbation de la crise dans la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Cemac). Enfin, la sécurisation de ses frontières avec en toile de fond, la lutte contre Boko Haram ou la lutte contre des rebelles de la Centrafrique sont des opérations budgétivores. Sur un autre plan, il y a aussi des facteurs endogènes importants dont il ne faut pas perdre de vue. Il s’agit de la perturbation dans la zone anglophone, indépendantiste du pays. A côté du coût humain, il y a un coût économique. «Le coût estimé de perte des produits bruts est 10 milliards de francs Cfa, regroupant l’huile de palme et la banane, de mai au 25 août», explique Franklin Njie, directeur de la Cameroon Development Corporation (CDC),cité par africanews. Malheureusement, en réponse à ces revendications, le gouvernement oppose la répression plutôt que des négociations. «La réponse musclée du gouvernement et le muselage des militants n’ont fait qu’attiser les tensions entre les deux communautés», constate la plateforme des experts comptable. In fine, ces différents facteurs ont eu «un impact négatif sur la demande intérieure et extérieure».
Comment relancer l’économie ?
Sur le plan externe, Yaoundé devra poursuivre la lutte contre Boko Haram, un réel frein pour les activités économiques du pays. Cette lutte grève forcément le budget du pays. Indépendamment de la secte islamiste, le Cameroun devrait aussi faire face aux effets collatéraux de la crise centrafricaine. S’agissant de la dette qui a connu une hausse, il serait bénéfique de travailler à la réduire. En effet, au 31 janvier 2018, la dette du Cameroun était de 6156 milliards de francs CFA, soit 30% du PIB, selon Louis Paul Motaze, ministre de l’Economie et des Finances qui l’annonçait le 28 mars dernier au Sénat. Ce chiffre équivaut à une hausse de 773milliards, comparé à la même période en 2017. Mais cela va être une tache ardue. Et il faut peut-être s’attendre à une tendance haussière de la dette puisque le Cameroun accueille la CAN 2018. L’événement nécessite de nouveaux investissements pour rénover ou réaliser de nouvelles infrastructures d’envergure. Partant, la pression sur les dépenses et les emprunts sera forcément grande. Déjà, l’an dernier, le pays avait obtenu un accord de crédit du Fonds monétaire international (FMI). «En juin 2017, le Cameroun a signé un accord triennal avec le FMI et s’est vu accorder une Facilité élargie de crédit d’un montant de plus de 680 millions de USD, visant à soutenir les efforts du gouvernement et à jeter les bases d’une croissance durable, inclusive et tirée par le secteur privé», explique le site de la plateforme internationale des experts comptable. Selon la même source, « la stratégie intérimaire de croissance et d’emploi 2018-2020 vise à renforcer l’investissement du secteur privé, la création d’emplois et la diversification économique».D’ailleurs ce site note que malgré les performances économiques assez satisfaisantes du pays, «la pauvreté touche près de 40% de la population, soit 8 millions d’habitants.
Les dépenses de sécurité grèvent le budget de l’Etat
Les dépenses de sécurité constituent un fardeau pour le gouvernement camerounais et freine le plan de développement du pays. Même s’il bénéfice de l’apport du fonds multinationale composé du Niger, du Nigeria ou encore de l’apport du Japon qui avait octroyé une enveloppe de 6, 21 millions de dollars. «En raison des menaces régionales pour la sécurité (Boko Haram et les groupes rebelles en Centrafrique), le maintien des dépenses de sécurité, de défense et humanitaires au même niveau que les années précédentes réduit les ressources disponibles pour les dépenses sociales», souligne le rapport de Perspectives économiques africaines (Pea). La stabilité dont semble jouir le pays au sein de la communauté des Etats de l’Afrique centrale ne lui garantit pas vraiment une reprise sans entraves. «Malgré la relative stabilité politique dont continue de bénéficier le Cameroun, la poursuite des remous dans sa zone anglophone (Nord-Ouest et Sud-Ouest) pourrait limiter les effets de la reprise économique en 2018 ». En 2011, le candidat Biya promettait à ses compatriotes une croissance économique de 8% à partir de 2012 afin d’amorcer l’émergence dont l’échéance est fixée à 2035. Mais ce chiffre est resté inatteignable. Pour la BAD, l’appartenance du Cameroun à une union monétaire l’aide à maintenir «des taux d’inflation bas, mais elle limite ses possibilités d’adaptation aux chocs et de compétitivité extérieure». L’institution panafricaine reconnaît que que le Cameroun est « l’une des économies africaines les plus résilientes».
Mais au-delà de tout, le Cameroun est un pays grandement malade. Un chômage vertigineux, une croissance à la traine, une insécurité aggravée par Boko Haram et une forte méfiance des investisseurs due à la crise de confiance engendrée par un scrutin douteux. La zone anglophone minée par une crise sociale et politique n’arrange rien d’autant que Pal Biya, résidant en Suisse gouverne par procuration. Mais la dernière présidentielle aura eu un avantage, elle révèle des adversaires de taille comme un signal au parti au pouvoir : plus rien ne sera comme avant. Et ça, Biya semble l’avoir bien compris.
redaction@afrikastratgies.fr
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