Les 47 derniers militaires français présents en Centrafrique ont quitté le pays, jeudi, après le retrait de l’essentiel des 130 militaires déployés ces dernières semaines. Ce départ survient quatre mois après celui des troupes françaises du Mali.
Après le Mali, la Centrafrique. Les derniers militaires français déployés ont quitté le pays, jeudi 15 décembre, en proie à une guerre civile depuis 2013 et qui a recours au groupe paramilitaire russe Wagner. Les 47 derniers militaires français de la mission logistique (MISLOG-B) ont décollé de l’aéroport de Bangui vers 12 h 15 (11 h 15 GMT), à bord d’un avion cargo C130. L’essentiel des 130 militaires qui composaient le contingent avait quitté la Centrafrique ces dernières semaines, a précisé l’armée française.
Le départ de cet ex-bastion de la France en Afrique centrale intervient près de quatre mois après la sortie du Mali des militaires français, au terme du divorce consommé entre Paris et la junte au pouvoir à Bamako, qui a également choisi de se rapprocher de la Russie pour qu’elle l’aide à sécuriser le pays. Selon Paris, il s’agit là aussi de mercenaires de Wagner, ce que Bamako dément, évoquant le recours à des instructeurs russes.
Le camp centrafricain de M’Poko où les Français étaient basés est vide, les drapeaux tricolores ont disparu. Seules quelques peintures murales témoignent encore de leur présence.
À la mi-journée, les soldats armés ont formé deux colonnes avant de s’engouffrer dans le ventre de l’aéronef à destination de Paris, a constaté une journaliste de l’AFP.
« En 2021, alors que la présence de la société militaire privée Wagner était de plus en plus intrusive dans le pays, la France a considéré que les conditions n’étaient plus réunies pour que nous continuions à travailler au profit des forces armées centrafricaines », a déclaré à l’AFP le général François-Xavier Mabin, à la tête de la MISLOG.
À l’été 2021, Paris avait décidé de suspendre sa coopération militaire avec Bangui, jugé « complice » d’une campagne antifrançaise téléguidée par la Russie. La France accuse régulièrement les paramilitaires russes de commettre des exactions contre les civils et d’avoir instauré un régime de « prédation » des ressources de la Centrafrique.
Ancienne puissance coloniale, la France avait déployé en 2013 plus d’un millier de soldats en Centrafrique dans le cadre de l’opération Sangaris – qui a compté jusqu’à 1 600 hommes et a duré jusqu’en 2016 – avec le feu vert de l’ONU, pour y faire cesser les violences intercommunautaires.
« Maintenant nous allons faire avec Wagner »
En Centrafrique, le contingent français assurait la logistique du camp M’Poko pour les militaires de l’EUTM (mission de formation de l’Union européenne) et un contingent de la Mission des Nations unies en République centrafricaine (Minusca), dont une dizaine de soldats français.
Cette mission avait remplacé en juin 2021 le Détachement d’appui opérationnel français de Bangui, qui faisait de la coopération et notamment de l’instruction militaire auprès des forces armées centrafricaines (FACA).
« C’est avec beaucoup de regrets que nous constatons ce retrait unilatéral », a déclaré à l’AFP Fidèle Gouandjika, ministre conseiller spécial du président centrafricain Faustin Archange Touadéra. « Aujourd’hui nous avons une armée aguerrie, merci à la France qui l’a formée et équipée pendant 62 ans (…) Maintenant nous allons faire avec Wagner ».
Ce départ des troupes françaises « est un signe de mécontentement très fort », analyse Roland Marchal, chercheur à Sciences Po Paris. « D’un point de vue militaire, ça ne changera pas grand chose car le sens de cette mission était de plus en plus limité », nuance-t-il.
Pays parmi les plus pauvres au monde, la Centrafrique est en proie à une énième guerre civile depuis 2013, quand une coalition de groupes armés à dominante musulmane, la Séléka, avait renversé le président François Bozizé. Celui-ci avait ensuite organisé et armé des milices dites anti-balakas, majoritairement chrétiennes et animistes, pour tenter de reprendre le pouvoir.
Le conflit en Centrafrique, extrêmement meurtrier pour les civils, a culminé en 2018 avant de baisser d’intensité. Séléka et anti-balakas sont accusés par l’ONU d’avoir perpétré de nombreux crimes de guerre et contre l’humanité.
À la faveur du vide créé par le départ du plus gros des troupes françaises, Moscou a dépêché dans le pays des « instructeurs militaires » en 2018, puis des centaines de paramilitaires en 2020 à la demande de Bangui, confrontée à une rébellion menaçante.
Afrika Stratégies France avec AFP