L’Erythrée a qualifié, samedi 13 novembre, d’« illicites et immorales » les mesures prises par les Etats-Unis à son égard. Washington tente d’accentuer la pression sur les acteurs du conflit au Tigré, avec l’annonce, vendredi, de nouvelles sanctions contre l’Erythrée, en raison de son appui militaire à Addis-Abeba dans la région du Tigré, qui borde sa frontière sud.
« Ces sanctions unilatérales qui rejettent la responsabilité sur l’Erythrée et en font un bouc émissaire sur la base d’allégations fallacieuses, contreviennent au droit international et constituent une violation flagrante de […] souveraineté », a déclaré le ministère érythréen de l’information dans un communiqué.
« Politique malavisée et hostile »
Washington, qui pousse à une issue pacifique dans cette zone du nord de l’Ethiopie, a plusieurs fois réclamé le retrait de ces forces militaires, intervenant dans un conflit qui a fait des milliers de morts depuis un an et placé des centaines de milliers d’habitants dans des conditions proches de la famine, selon l’Organisation des Nations unies (ONU).
Les sanctions visent notamment le parti politique du président Isaias Afwerki, le Front populaire pour la démocratie et la justice, seul parti autorisé dans le pays, et l’armée érythréenne. Cette dernière est accusée de nombreuses exactions – pillages, viols et meurtres de civils – ainsi que d’avoir bloqué l’accès de l’aide humanitaire au Tigré.
Mais pour Asmara, les sanctions américaines sont fondées sur de fausses allégations et reflètent une « politique malavisée et hostile ». « Il est évident que l’objectif premier de ces sanctions illicites et immorales est de faire souffrir et d’affamer la population afin de provoquer des troubles politiques et l’instabilité », affirme le ministère érythréen de l’information.
Le président américain, Joe Biden, avait ouvert la voie en septembre à des sanctions contre tous les protagonistes du conflit. Mais les mesures imposées vendredi ne visent que l’appareil militaire et politique de l’Erythrée, l’un des pays les plus reclus du monde et soumis à des sanctions internationales.
Addis-Abeba soutient son voisin
Washington « veut donner du temps et de l’espace » pour voir si des discussions entre Addis-Abeba et le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) au pouvoir dans cette région « peuvent progresser », a expliqué le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, pour justifier d’avoir épargné l’Ethiopie et le TPLF.
Addis-Abeba a néanmoins dénoncé, samedi, les nouvelles sanctions américaines contre son voisin. « La véritable cible des sanctions et des mesures plus sévères prises par le gouvernement américain et la communauté internationale dans son ensemble devrait être le TPLF », a déclaré le ministère éthiopien des affaires étrangères.
Avant son départ pour une tournée africaine la semaine prochaine, M. Blinken a également averti que l’absence d’un accord entre belligérants pourrait conduire « à l’implosion de l’Ethiopie et aurait des conséquences sur d’autres pays dans la région ». Début novembre, une enquête du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a conclu à de possibles crimes contre l’humanité commis par toutes les parties.
Faciliter les négociations
Ces derniers jours, les diplomates étrangers ont intensifié leurs efforts pour tenter d’arracher un cessez-le-feu. L’ex-président nigérian, Olusegun Obasanjo, envoyé spécial de l’Union africaine, et Jeffrey Feltman, l’émissaire américain pour la corne de l’Afrique, se sont rendus en Ethiopie cette semaine. Le secrétaire d’Etat américain, M. Blinken, se rendra mardi au Kenya voisin.
Jeudi, Addis-Abeba a émis des conditions à des pourparlers avec le TPLF, qui a enregistré des victoires importantes sur le terrain ces dernières semaines et n’a pas écarté de marcher sur la capitale. Elles incluent un cessez-le-feu, le retrait des rebelles des régions d’Amhara et d’Afar, et la reconnaissance de la légitimité du gouvernement central. Le TPLF a en retour réclamé l’entrée au Tigré de l’aide humanitaire, bloquée depuis le 18 octobre, alors que 364 camions attendent une autorisation, selon l’ONU.
Le plus célèbre des Tigréens, le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus, a dénoncé, vendredi, le « blocus systématique » de cette région qui empêche l’envoi de vivres et de médicaments. « Les gens meurent à cause du manque d’approvisionnement », a-t-il dit à Genève.
Afrika Stratégies France avec Le Monde Afrique