Une information exclusive Afrika Stratégies France. Le Premier ministre ivoirien, qui enchaîne des audiences en France ces derniers jours, rentre ce jeudi au pays si tout se passe bien, après deux mois de soins et d’examens de routine à Paris. Accompagné de son épouse, Assetou et de quelques proches à bord d’un avion de l’Etat, il sera accueilli à Abidjan jeudi en fin de journée par de rares membres du gouvernement mis dans le secret puis se rendra directement au domicile d’Alassane Ouattara pour une première rencontre avec son mentor. Si pendant sa convalescence, Amadou Gon Coulibaly (AGC) est resté très actif et en permanent contact avec son cabinet, ce retour donne le top départ d’une précampagne qui, avec le Covid-19, peinait à décoller. D’autant qu’il est le candidat de la majorité présidentielle pour le scrutin prévu fin octobre.
Quelques audiences à Paris avant le départ. L’ambassadeur de Côte d’Ivoire Maurice Kouakou Bandaman a été reçu ce mercredi par le Premier ministre qui s’entretiendra dans la foulée avec Franck Paris, conseiller Afrique de l’Elysée venu dire « bon retour » à celui qui a toutes les chances d’être le prochain président ivoirien. Car ce jeudi normalement, AGC sera en terre ivoirienne. Ce retour sera modeste, discret sinon presque secret, simple et surtout, selon les vœux de l’intéressé, « sans triomphalisme« . Alors que l’avion qui le ramènera a décollé d’Abidjan, la capitale ivoirienne, « seuls quelques rares ministres sont informés », dont Hamed Bakayoko qui assume l’intérim du chef de l’exécutif depuis deux mois. Gon Coulibaly partira comme il est venu, de l’aéroport du Bourget. L’avion a décollé du GATL, une base près de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny à Port-Bouet à Abidjan. Le Premier ministre ivoirien a été hospitalisé, en tout, environ 3 semaines. Il a passé le reste de son temps plutôt en active convalescence, à sa résidence du 16e arrondissement de la capitale française. Mais depuis mi-juin, tout était redevenu normal, et Gon Coulibaly avait renoué avec ses messages wathsap et surtout, ses « régulières séances de travail avec son cabinet à Abidjan » à distance pour ce travailleur hors norme et sans limites. Ce retour relance une campagne électorale qui, malgré les annonces de candidatures, peinait à décoller.
Discret si ce n’est secret
La présidence ivoirienne qui a publié, début mai, un communiqué annonçant l’évacuation du Premier ministre ne réagira pas avant son retour. Pas de communiqué en vue au moment de mettre cet article sous presse. Une rencontre privée est prévue ce jeudi en fin de soirée, « après 20 heures » à sa résidence où Alassane Dramane Ouattara accueillera son poulain. Avec Dominique, son épouse qui a visité pas moins de deux fois le chef de l’exécutif pendant sa convalescence. Au menu, un rafraichissement, après quoi, l’arrivant rejoindra son domicile officiel à Cocody, quartier résidentiel du nord d’Abidjan. Une réaction gouvernementale pourrait intervenir dans la foulée. Le Premier ministre devrait reprendre le travail dès le lendemain, vendredi. Avec en tête, la présidentielle du 31 octobre dont le chef de l’Etat n’entend pas évoquer le report. »Je suis pressé d’aller me reposer » insiste Ouattara qui, malgré le coronavirus, s’oppose à tout report. Bien que le Conseil des ministres ait accepté la requête de la Commission électorale, de repousser de 5 jours la révision de la liste électorale précédemment prévue pour prendre fin le 30 juin.
Le Stent en question
Au départ du Premier ministre début mai, peu d’informations ont fuité sur sa santé et ses soins, à part les rumeurs qui ont flambé sur les réseaux sociaux. Mais Amadou Gon Coulibaly a subi la pose d’un stent nu au niveau du cœur faisant suite à une insuffisance coronarienne et après une angioplastie légère. Il s’agit d’un dispositif métallique, de 15 mm sur 3 mm en moyenne, glissé dans une cavité naturelle humaine pour la maintenir ouverte, bref, un facilitateur respiratoire qui ne reste que pendant une courte durée avant d’être enlevé. Il aide le patient à réguler les fonctionnements cardiaques et est retiré au bout de quelques semaines voire quelques mois. Le stent nu est beaucoup plus léger que le Stent actif et n’a aucune répercussion sur la capacité intellectuelle et physique de l’intéressé. C’est d’ailleurs pour s’assurer qu’il revienne en bonne forme que le président ivoirien a insisté pour que sa convalescence soit prolongée. De sources médicales, le Premier ministre aurait pu regagner Abidjan depuis mi-juin. « Mais il a fallu être prudent« , concède un ministre proche qui ne perd pas de vue « la charge physique éprouvante d’une campagne électorale« . Malgré les rumeurs, Alassane Ouattara n’aurait jamais pensé à un plan B. Un peu plus de 500.000 personnes subissent une pose de stent chaque année en France, des opérations devenues banales. Gon Coulibaly devrait d’ailleurs rester en poste jusqu’à la présidentielle.
Premier ministre jusqu’au bout
L’idée fait son chemin. Alassane Ouattara l’a prouvée, le Premier ministre restera en poste jusqu’à l’élection présidentielle. « Il peut, au pire des cas, quitter pendant la campagne proprement dite » propose un de ses proches ministres, « pour éviter qu’il ne bénéficie des privilèges liés à son poste au détriment des adversaires » explique la même source. Mais pas question qu’il passe la main de sitôt, d’autant qu’une passation symbolique de charges est prévue dès « vendredi ou lundi » entre le ministre de la défense qui assumait l’intérim et Gon Coulibaly. Au Bénin, en 2016, Lionel Zinsou, encore Premier ministre de Yayi Boni est resté en poste jusqu’à la présidentielle pour laquelle il était candidat. En Angola, João Lourenço n’a pas quitté le ministère de la défense quand il fut candidat à la succession de Do Santos. Il a été élu brillamment. En France, la pratique est même récurrente. En 1988, Premier ministre dans une cohabitation avec François Mitterrand, Jacques Chirac est resté à Matignon jusqu’à être battu au second tour par le président sortant. Candidat en 1995, Edouard Balladur était aussi à la tête du gouvernement mais sera éliminé dès le premier tour. Idem pour le socialiste Lionel Jospin en 2002. On a tout de même vu, exceptionnellement, Manuel Valls, en conflit permanent avec François Hollande, quitter son poste peu avant la présidentielle de 2017. A cause d’une guerre ouverte avec le locataire de Élysée. Ailleurs, Angela Merckel est toujours resté en fonction en postulant de nouveau ainsi que Pédro Sanchez, premier ministre espagnols, tous réélus. Toutes les portes restent ouvertes même si, dans le cas de la Côte d’Ivoire, face au risque de secousses que pourraient alimenter les ambitions, nombreuses dans la majorité, qui ont fait partir le ministre des affaires étrangères et celui de l’enseignement supérieur récemment, le maintien en poste du Premier ministre est évident. Même si l’opposition ne l’entend pas de cette oreille.
Une certitude tout de même, ce retour tournera tous les regards vers la présidentielle. Ultime alternance à la tête de l’Etat après la crise engendrée par le scrutin de 2010 et qui a fait au moins 3000 morts.
MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France