Dans un pays qui compte plus de 60 ethnies et dans lequel les conflits frontaliers et de chefferies traditionnelles se multiplient, le quotidien du ministre de la réconciliation est parfois jonché de susceptibilités tribales. Kouadio Konan Bertin s’est entretenu début avril avec des cadres Atchans. Quelques jours plus tard, l’ambassadrice des Etats-Unis est passée à son cabinet avant un nouveau périple dans le nord du pays. Compte rendu.
12 avril 2023. Kouadio Konan Bertin commence sa journée avec une audience un peu spéciale. Kouadio Jean Bonin n’est plus à présenter. Longtemps vice-président du Front populaire ivoirien (Fpi), ancien parti de Laurent Gbagbo, le juriste de haut niveau est depuis, acteur de la société civile. C’est à ce titre qu’il a été reçu par le ministre de la réconciliation et de la cohésion nationale, occasion pour le membre du cabinet d’avocats Serres et Associés de France de partager sa vision de la paix et de la réconciliation en tant qu’acteur de la société civile avec le ministre. Cordiale discussion pour deux personnalités qui connaissent bien l’espace politique ivoirien. Alors que sa mission première est d’amener les ivoiriens à la réconciliation tout en solidifiant la cohésion nationale, ces rencontres constituent des leviers de conseils et d’enrichissement pour Kouadio Konan Bertin. Le ministre a rappelé à son hôte que ses portes lui sont grandement ouvertes. Quelques jours plus tôt, ce sont les Atchans qui sont passés au cabinet ministériel.
Les cadres Atchans chez Kkb
Tchaman ou Atchans, un groupe ethnique bien connu parmi les plus de soixante qui composent la nation ivoirienne. On les retrouve essentiellement en bordure de la lagune d’Abidjan, peuple lagunaire aussi appelé ébrié. D’ailleurs, c’est dans cet autre dialecte du pays que se décline le mot « atchans » signifiant « ceux qui ont été choisis ». Début avril à son cabinet, le ministre reçoit une délégation de cadres appartenant à ladite ethnie. Conduite par Noël Akossi Bendjo, ancien maire du Plateau, quartier administratif d’Abidjan, la délégation portait un message du Doyen N’Koumo Mobio. Ancien Maire d’Abidjan, ce dernier voulait, à travers l’équipe, inviter Kouadio Konan Bertin, sinon l’encourager à « s’impliquer dans la recherche de solutions pérennes aux conflits dans certains villages Atchans ». Comme chez la plupart des ethnies, des délimitations des frontières des villages font objet de conflits dont la non-résolution laisse couver des tensions nuisibles pour la cohésion nationale. Le ministre de la réconciliation a pris très au sérieux la préoccupation de ses visiteurs et a accepté une invitation à participer à un séminaire qui sera organisé très prochainement. Kouadio Konan Bertin a remercié ses interlocuteurs pour l’honneur qui lui a été fait. Il leur a traduit sa détermination, à œuvrer au rétablissement de la cohésion sociale et de la paix dans tous les villages Atchans dans la vérité, conformément aux us et coutumes. Une aptitude qui ne peut que faire plaisir à Akossi Bendjo d’autant que ce dernier est revenu de trois années d’exil en France et sait combien la cohésion nationale et la paix sont capitales « à la construction d’une nation forte » comme il nous l’a confié en marge de la visite. L’un de défis que lui impose sa mission est de travailler à la cohabitation et aux vivre-ensemble entre les 65 à 70 ethnies qui constituent la population ivoirienne. Généralement, hormis les manipulations politiques et autres appels à la violence et à la haine, les ivoiriens, malgré leurs diverses ethnies, vivent dans la convivialité et loin des affrontements.
Washington suit le processus de réconciliation
Lors de la présidentielle de 2010, qui fut la plus coûteuse de l’Afrique en terme de budget, les Etats-Unis ont été un important contributeur au financement largement assuré par la communauté internationale. Depuis, Washington porte un grand intérêt à l’avenir de ce pays et l’aide à ne pas retomber dans les vieux travers politiques, notamment la violence. Le 6 avril, Kouadio Konan Bertin a reçu à son cabinet, Jessica Davis Ba. Il s’agit, pour l’ambassadrice des Etats-Unis, d’une visite de courtoisie à un ministre dont le portefeuille constitue un maillon important de la reconstruction. La diplomate a profité pour évoquer les questions liées à la paix, au dialogue et à la réconciliation. Des sujets qui passionnent le ministre et dont, loin de toute ambition politique, il s’occupe au quotidien. Kouadio Konan Bertin a informé Jessica Davis Ba que le document de stratégie de la réconciliation et de la cohésion 2022-2025 a été élaboré et espère avoir l’accompagnement des partenaires dont les États-Unis pour que la Côte d’Ivoire soit un modèle de paix et de stabilité dans la sous-région. Une doléance immédiatement approuvée par Jessica Davis Ba qui a instruit ses collaborateurs d’y travailler. Cette dernière connaît bien l’Afrique notamment les zones sensibles. Avant Abidjan, Davis Ba a travaillé à l’Ambassade des États-Unis à N’Djamena, au Tchad, en tant que Chargée d’affaires et Chef de mission adjointe, où elle a fait face à la pandémie en période de crise et d’insécurité aux côtés du gouvernement et du peuple tchadien. Elle a servi à Addis-Abeba, en Éthiopie, comme Chef de mission adjointe à la mission des États-Unis auprès de l’Union africaine, et comme Représentante permanente adjointe des États-Unis auprès de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique. À Nairobi, elle a joué un rôle clé dans la création d’une unité de renseignement financier au Kenya pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Au sein de l’Unité des affaires somaliennes, elle a facilité une participation diversifiée au processus de paix de Djibouti. En tant que chef de la section politique/économique à Conakry, elle a soutenu le peuple guinéen dans sa quête de gouvernance démocratique. A peine fini avec la diplomate, que le ministre était sur les routes lointaines de la Côte d’Ivoire.
Un détour de terrain dans le septentrion
Le vendredi 14 au Avril 2023, c’est à Guinglo Tahouaké, à plus de 500Km d’Abidjan que s’est retrouvé Kouadio Konan Bertin. A Guinglo Tahouaké et Bleniminhouin, en compagnie du corps préfectoral et de l’honorable Oula Privat, député de Gueyebly sous-préfecture, le ministre de la réconciliation a visité le quotidien des populations. Ce pèlerin de la paix est venu s’imprégner des réalités de cette localité en matière de réconciliation et de cohésion et prendre connaissances des différends ou tout autre facteur qui menace la cohésion nationale. Le ministre de la Réconciliation et de la cohésion sociale a été heureux de noter que ces populations ont compris la vision du « Président de la République qui a fait de la Réconciliation et de la cohésion une place de choix » et partant, de la paix sans laquelle aucun développement n’est envisageable. Kouadio Konan Bertin a insisté, dans ses divers discours sur le lien fort entre paix et développement, « l’un ne peut aller sans l’autre » a-t-il martelé. Le terrain étant sa passion, plusieurs autres visites sont déjà inscrites à son agenda. En marge de ce périple, il résumera lui-même son message. » Je les ai encouragées à vivre toujours dans la paix et dans la cohésion afin de bénéficier des infrastructures routières et sanitaires pour lesquelles les populations m’ont demandé d’être leur ambassadeur auprès du président de la République pour le désenclavement du Canton Tahouaké » confie-t-il, espérant qu’un tel séjour impacte positivement le défi de la paix.
Il faut rappeler que plusieurs fois par mois, Kouadio Konan Bertin se déplace dans les coins et recoins de tout le pays pour « porter le massage de la paix », maintenir la cohésion nationale et surtout, « ne laisser aucun ivoirien de côté ». Le pays est à tous ! C’est sa devise de chaque jour.
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