Il est l’un des ministres les plus actifs et la proximité de sa mission avec les populations en fait une personnalité de terrain. Si on l’a souvent vu faire le tour des coins les plus reculés du pays au cours des douze derniers mois, sa reconduction à la tête de la réconciliation et de la cohésion nationale la semaine dernière est une veritable onction. D’autant que Ouattara fait de cette réconciliation la charpente de son mandat en cours.
Jeudi 21 avril 2022. Sur le perron du Palais présidentiel à Abidjan, l’ambiance était joyeuse et sympathique. Les ministres se saluent entre eux en marge du premier conseil des ministres du gouvernement Achi 2. Au milieu de la foule, un visage auquel, pendant ces derniers mois, les ivoiriens se sont habitués plus que jamais, Kouadio Konan Bertin dit Kkb. Tribun de l’opposition, le seul candidat face à Alassane Ouattara lors de la dernière présidentielle s’est vite rallié à la majorité, « contexte spécial oblige » tranche celui qui a été nommé ensuite ministre de la réconciliation. Depuis, le terrain et la rencontre avec les ivoiriens sont devenus ses vademecum et sa reconduction lors du dernier remaniement a été perçu comme une onction, pas seulement pour sa personne mais surtout pour les délicats et fragiles portefeuilles qui constituent son ministère.
Un mi-parcours sans répit
Grand-Bassam, du 16 au 18 mars, un atelier dans la ville historique organisé par le ministère de la réconciliation et de la cohésion nationale. Des assises ouvertes par Kouadio Konan Bertin en personne avec pour mission d’identifier les axes d’actions prioritaires pour le succès du dialogue intercommunautaire. Il a d’ailleurs pu compter sur le Centre suisse pour le dialogue humanitaire (HD), le partenaire de son ministère et dont il a salué « l’engagement sur le continent africain« . Des rencontres du genre s’enchaînent pour le ministre depuis sa nomination. Avec pour principale mission d’éviter que les braises ne s’enflamment. Les conflits entre populations, les différends fonciers, les crises de chefferies constituent l’essentiel de ses médiations alors qu’il doit maintenir de canaux d’échanges et de discussions avec les principaux acteurs politiques. Ces diverses missions en ont fait un homme plus de terrain que de bureau, sacrifiant le plus souvent ses weekend souvent passés loin d’Abidjan. « Il est plus facile pour le ministre de se déplacer que de faire venir des populations vers la capitale » a justifié sa direction de cabinet. Dans un contexte africain où la bureaucratie l’emporte, la posture de proximité est devenue la marque de fabrique de Kkb.
Mars et avril bien actifs
S’il est vrai qu’à l’annonce de la démission inattendue du Premier ministre début avril, les ministres devraient se contenter de conduire les affaires courantes, comme souvent, le ministre de la réconciliation n’a pas loupé un agenda surchargé. Le mois d’avril a connu un défilé de diplomates et personnalités étrangères dont l’ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Cameroun en Côte d’Ivoire. Marie Yvette Koloto a toujours été attaché à la fraternité existante entre les deux peuples et reste, selon sa chancellerie, « sensible à la question de la réconciliation« . Deux jours avant cette audience, Jobst Von Kirchman est passé au cabinet de Kouadio Konan Bertin plus tôt, le 05 avril. Le chef de la délégation de l’Union européenne et une délégation étaient porteurs d’un message de soutien au processus de réconciliation. Le diplomate d’origine allemande a émis l’idée d’une rencontre de haut niveau avec tous les ambassadeurs européens autour du même sujet de réconciliation. La veille, Touré Ahmed Bouah est passé présenter son dernier ouvrage consacré aux enjeux de l’aménagement urbain, élément important de la cohésion nationale dans un environnement ou prolifèrent des conflits fonciers. Déjà au cours du mois de mars, le représentant du Haut-commissariat pour les réfugiés (Hcr), le groupe des ambassadeurs africains accrédités dans le pays ont défilé au cabinet ministériel alors qu’entre temps, Kkb a rendu une symbolique visite à Simone Ehivet Gbagbo, l’ex première dame.
Une onction
Aussi bien dans les chancelleries que dans l’opinion, sa reconduction était attendue. La délicatesse et la transversalité de son ministère l’ont en permanence mis en contact avec les diplomates étrangers et occidentaux accrédités à Abidjan. Que ce soit pour Paris, Washington, Berlin, Bruxelles ou les organisations régionales africaines, la réconciliation de la Côte d’Ivoire est une nécessité urgente à laquelle tous s’attellent. « Mais nous n’aurions pu rien faire sans le président de la République » acte le ministre. Kouadio Konan Bertin reconnaît avec humilité, lors d’un bref échange avec Afrika Stratégies France qu’il « pouvait mieux faire encore » et a interprété sa reconduction comme « un appel à foncer plus en avant encore« . Mais dans l’opinion en général, sa présence dans le nouveau gouvernement malgré les attaques et les coups montés auxquels il a fait face, est une onction. « A la fois pour sa stratégie de proximité et de flexibilité » insiste un autre membre du gouvernement, « mais aussi une marque de confiance pour qu’il continue sa mission » précise la même source. Mais toute humilité gardée, l’intéressé préfère évoquer « un défi » dont il n’arrivera à bout qu’avec « le soutien de tous les ivoiriens« , prévient-il.
Houéssou Houtondji Arsène, Afrika Stratégies France