L’Etat ivoirien a multiplié des initiatives sur plusieurs fronts pour doper la riposte contre le Covid-19 notamment pour le maintien de la cohésion sociale et la relance de l’économie. En ce qui concerne la jeunesse qui constitue 77% de la population, un lot de mesures a été pris. Ministre de tutelle, Mamadou Touré, a consacré au sujet une intervention ce lundi face à la Commission des affaires sociales et culturelles du Sénat.
Lundi 25 mai. En début d’après midi, tout est mis en place au Sénat ivoirien, sis à Yamoussokro, la capitale politique du pays. Une institution dont la modernisation fait partie de la politique de réforme institutionnelle du président Ouattara qui en a inauguré le nouveau siège flambant neuf en décembre dernier. Dans un pays qui sort d’une longue crise post électorale et où des tensions sont explosives, une deuxième chambre associe davantage les acteurs de la démocratie à la base à la gestion de la chose publique et facilite des concertations entre les forces présentes à l’Assemblée nationale. C’est devant la Commission des affaires sociales et culturelles de ladite chambre qu’est intervenu le ministre de la promotion de l’emploi des jeunes. Mamadou Touré revient sur la pandémie, insiste sur l’importance de la sensibilisation et finit avec une série de mesures qui donnent à la jeunesse ivoirienne, plus de moyens de faire face au coronavirus. Une intervention très attendue par la vingtaine de millions de jeunes que compte le pays, soit 77,3% selon le Recensement général de la population et de l’habitat (Rgph) cité par le ministre.
Le Covid-19 dans le pays
En Afrique de l’Ouest, la Côte d‘Ivoire aura été, avec son voisin burkinabé, l’un des pays les plus frappés par la pandémie. Alors qu’en mars, des préjugés prédisaient une supposée résistance pour l’Afrique, le Covid-19 a connu une envolée en avril. Très rapidement, les mesures générales prises par le gouvernement ont favorisé le contrôle de la situation. Avec plus de 2300 cas confirmés et 30 décès, la Côte d’Ivoire a enregistré environ 1300 guérisons déjà. La maitrise de la situation a été favorisée par le couvre-feu imposé dans la nuit ainsi qu’un confinement partiel imposé à la grande agglomération d’Abidjan. Parallèlement, le gouvernement a mis sur pied un plan économique de riposte pour maintenir l’élan économique que connaît le pays ces dernières années, avec une croissance qui avoisine les deux chiffres, atteignant 9% en 2019. Le « gouvernement vise à maintenir le même cap malgré les effets du Covid-19 » insiste le Premier ministre. Mais depuis mi-mai, la situation est totalement sous contrôle, avec la levée du couvre-feu et la reprise progressive des activités sociales et académiques, ainsi que l’ouverture des bars et des lieux de spectacle. Un assouplissement annoncé par le président de la République en personne, qui a appelé les ivoiriens à continuer « à respecter les gestes barrières ». Désormais, au lieu de 50, le nombre maximum de personnes dans un rassemblement public est passé à 200. Le gouvernement ivoirien a annoncé en avril une enveloppe de 250 milliards de francs CFA (380 millions d’euros) pour soutenir les grandes cultures agricoles d’exportation. Le café, le caco, l’acajou et l’hévéa devraient retrouver rapidement leur récente croissance.
Les mesures phares en faveur de la jeunesse
Les principales mesures ont été annoncées par le ministre de la Promotion de la jeunesse et de l’emploi des jeunes lundi au Sénat. Mamadou Touré est revenu, dans un premier temps, sur les initiatives prises antérieurement par le gouvernement depuis 2011 et dont certaines ont été ralenties d’ailleurs par l’avènement du Covid-19. Il s’agit notamment des Projets emploi jeunes et développement des compétences (Pejedec) approuvé depuis septembre 2011, le Projet d’insertion socioéconomique des populations vulnérables de l’Ouest de la Côte d’Ivoire (Prise) lancé deux ans plus tard et ayant enregistré 8215 bénéficiaires ainsi que le cadre du Contrat de désendettement et de développement (C2d) Emploi jeunes avec ses 21.343 bénéficiaires. Selon Touré, ces diverses réformes ont permis, en 2016, la création de 2.600.000 emplois qui ont profité, à 80%, aux jeunes. Le ministre a présenté en long et en large de nombreux projets, notamment visant à favoriser l’accès de la jeunesse à des financements ou l’auto-emploi. Néanmoins, plusieurs projets ont été négativement impactés par le Covid-19. C’est le cas des Travaux à haute intensité de main d’œuvre (Thimo) dont la première vague de 1500 bénéficiaires qui auraient pu démarrer leurs activités le 1er mars dernier devront patienter. Ou encore des projets de formations, d’apprentissage ou des appuis financiers à des projets locaux concernant des jeunes qui sont pour l’instant, en grande partie reportés. Le porte parole adjoint du gouvernement a aussi fait échos des mesures prises pour atténuer « les effets du Covid-19 sur la situation de la jeunesse ». Il a insisté sur la grande campagne de sensibilisation avec notamment 700 jeunes engagés dans l’opération « Le vrai son » contre les mauvaises informations qui, sur la pandémie, envahissent les réseaux sociaux. L’un des projets de riposte phares est le Fonds d’appui aux acteurs du secteur informel (Fasi) englobant 100 milliards dont 20 sont déjà disponibles selon Mamadou Touré. L’objectif global, épargner autant que possible cette frange fragile de la population qu’est la jeunesse.
Une jeunesse fragile
La jeunesse ivoirienne reste très fragile. Exposée par son mode de vie au coronavirus, avec un taux de chômage et de sous-emploi relativement élevé comme dans la plupart des pays de la sous-région, elle est aussi minée par le phénomène de la drogue. Avec des centaines de fumoirs qui quadrillent la ville d’Abidjan. Depuis, le gouvernement a ouvert une guerre à ces ghettos de stupéfiants. Avec les centaines de milliers de maquis qui font le plein dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire, la première arme, comme l’a reconnu le ministre est la sensibilisation. Mamadou Touré a présenté, dans ce sens, son plan de sensibilisation, insistant sur ce qui se fait déjà et présentant la suite du combat. Manquant d’expérience et disposant de peu d’opportunités, et parfois, en absence de modèles, la jeunesse doit être protégée. C’est en tout cas la principale préoccupation du ministre de tutelle. A 44 ans et formé au Centre d’études diplomatiques et stratégiques à Paris (Ceds), Mamadou Touré qui est aussi nanti de deux Masters de l’Ecole des Hautes Etudes de Paris et de Sciences Po sait mieux que quiconque l’importance de la formation dans l’émergence de la jeunesse. Il en fera le pilier de toute sa stratégie dans la cruciale période post-Covid-19.
A six mois de la présidentielle pour laquelle la majorité a choisi Amadou Gon Coulibaly pour succéder à Alassane Ouattara, ces nombreuses initiatives visent sans doute aussi à séduire les jeunes, de plus en plus nombreux à voter dans un pays qui a connu une crise électorale en 2010. Une chose est certaine, mieux que ses voisins et avec une énorme avance, la Côte d’Ivoire fait de ses jeunes une priorité face à la pandémie.
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