Le processus électoral controversé suit son chemin avec, aujourd’hui, l’investiture de Kouadio konan Bertin (Kkb). A 52 ans, l’ancien député est le plus jeune des quatre candidats retenus par le Conseil constitutionnel. Quels sont les enjeux de cette candidature et quels défis attendent celui qui, avec 3,80%, avait déjà été 3e lors de la présidentielle de 2015.
Une véritable réussite, un pari réussi, franc-succès, la presse locale est fascinée par une investiture à l’américaine. Palais de la Culture de Treicheville, une commune de la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Le choix de ce quartier polyculturel et commercial, situé sur l’Île de Petit Bassam est plutôt stratégique. Avec un peu de retard, l’espace prévu a été très vite comble, avec des milliers de personnes qui dehors, scandaient le nom du candidat hors système. Car c’est sans parti politique, ce qui est exceptionnel dans ce pays de plus de 25 millions d’habitants, que Kkb brigue la magistrature suprême. Malgré les tentatives de ses détracteurs pour décourager la mobilisation, selon ses proches, les » la foule est au rendez-vous avec l’histoire » selon la porte parole du candidat qui se veut rassurante après la bénédiction des chefs traditionnels. Suivra la prise de parole du candidat à proprement dit. « Cette première victoire » est pour Simone Ayeri, « le meilleur signe » à côté de la forte mobilisation des populations pour les parrainages du candidat. Mais loin de ce premier pas, de grands défis et enjeux attendent celui qui dit n’avoir pas été « approché par l’opposition », cette dernière ayant, avec l’ancien Premier ministre Guillaume Soro, en exil à Paris, met en place un plan de boycott.
Faire mieux que 2015
A 3,80% à peu près en 2015, Kkb qui a été en 3e position derrière Alassane Ouattara, sortant et Affi Nguessan, arrivé second, doit cette année, faire largement mieux. Il peut, à cet effet, compter sur le nombre très limité de candidatures. Sur les 44 postulants, seuls 4 ont été retenus par le Conseil constitutionnel que tous les exclus accusent à l’unanimité d’être « partisan et au service » du président sortant. Kkb peut aussi, pour sa conquête du pouvoir, compter sur ce qu’il désigne comme une ambigüité dans la logique de Bédié. « Il a soutenu le Rhdp (majorité présidentielle, Ndlr) pendant 8 ans » insiste Kouadio Konan Bertin qui ne voit pas « comment il peut venir critiquer ce qu’il a construit avec Ouattara ». Modéré, celui qui se dit contre la politique de la chaise vide rend son ancien mentor responsable de la nouvelle constitution dont l’interprétation a finalement « permis au président sortant de briguer un troisième mandat« , selon lui. La principale arme du jeune candidat sera donc d’insister sur l’alliance entre son parti d’origine et la majorité présidentielle. Une fibre qui fait échos au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) où les militants n’ont pas, pour beaucoup, pardonné à l’ancien chef d’Etat de s’être rallié à la majorité et surtout, d’avoir renoncé à être candidat en 2015. Kouadio Konan Bertin pourrait aussi faire de son dynamique directeur de cabinet, Théodore Konimi, une force.
Ameuter une jeunesse perdue dans la confusion
Elle sera sa principale cible. La jeunesse ivoirienne. 78% de la population a moins de 35 ans selon la Banque mondiale. Elle sera la principale cible de la campagne électorale qui promet d’être active puisque le président sortant en fait son ultime combat. Au fil des années et avec les crises successives que le pays a connues, la rébellion et le coup d’Etat de 1999, les jeunes ont perdu tout espoir dans la politique qu’ils considèrent comme une affaire de vieux. Il va falloir les convaincre par un projet de société adapté à leurs besoins. Dans son discours d’investiture, Kkb semble en faire sa priorité. La nomination de Venance Djédjé comme directeur national de campagne est un geste rassurant. Le fils de l’illustre Djédjé Bagnon, notable de Gagnoa et ancien directeur de l’école du Pdci a fait son apprentissage au sein de la jeunesse du vieux parti où il a connu Kkb qui en sera plus le leader. En ciblant les jeunes comme il l’a fait aujourd’hui tout au long de son discours, dont Afrika Stratégies France a eu copie la veille, Kouadio Konan Bertin vise à s’imposer comme le candidat de la jeunesse.
Une alternative à Bédié
Avant d’être candidat cette année, Koudio Konan Bertin criait sur tous les toits ne pas affronter dans les urnes celui qu’il appelle affectueusement « son père » en politique. Mais les circonstances lui ont fait changer d’avis d’autant qu’au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) dont il se réclame encore, la méthode de désignation du candidat a été, selon lui, « souillée ». Il a dénoncé une méthode non démocratique d’autant que sa candidature à la candidature n’est même pas passée en commission. Henri Konan Bédié (Hkb) ayant tout fait pour « être le seul candidat », s’est naturellement imposé, ce qui a éloigné les deux hommes. « Je n’avais plus le choix, je devais être candidat » confie Kkb qui compte sur une forte mobilisation populaire, « même au sein du Pdci » pour remporter. « Je reçois, chaque jour, des centaines d’ivoiriens de partout » a-t-il confié lors d’une récente interview à une chaine de télévision locale. Le plus grand défi pour le « fils » serait, au lendemain de ce scrutin, d’enterrer définitivement « le père » et surtout, de s’imposer dans une opposition éclectique et qui peine à s’organiser dans l’unité. Un défi de patricide entre Kkb et Hkb.
Malgré la poursuite du processus, un doute plane sur le scrutin. D’autant qu’Henri Konan Bédié et Pascal Affi Nguessan, deux candidats sérieux, n’écartent un abandon avant la ligne d’arrivée. Ils dénoncent « un scrutin biaisé » orchestré dans l’unique but d’assurer un 3e mandat à Alassane Ouattara.
Afrika Stratégies France