Neuf mois après son retour à Abidjan, Laurent Gbagbo a assisté à une cérémonie d’hommage rendu par le peuple de la ville. L’occasion de prononcer un discours dans lequel certains ont senti des relents ethnicistes.
Après quelque dix années d’incarcération à la Cour pénale internationale, Laurent Gbagbo n’est semble-t-il pas à neuf mois près. Initialement prévu pour le 17 juin 2021, date du retour de l’ancien président en Côte d’Ivoire, l’hommage des Ébriés a finalement eu lieu le 19 mars à Songon.
Pour l’occasion, un tapis rouge a été déroulé pour l’ex-chef d’État. Tous les villages ébriés du district d’Abidjan étaient représentés, des chefs religieux et quelques politiques également. Les principaux leaders du Parti des peuples africains (PPA-CI) et des représentants du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), tels que Noël Akossi-Bendjo et Éric N’Koumo Mobio étaient de la fête.
« C’est à Abidjan que l’ancien président a été arrêté. Il était important d’invoquer les ancêtres pour que la nouvelle mission qu’il s’est assignée avec son parti soit bénie », souligne un proche de l’ancien président.
Yako
Pour Laurent Gbagbo, l’évènement a été l’occasion de faire passer des messages et de flatter l’électorat de la capitale économique. Tout en remontant à l’époque coloniale, il a dénoncé la raréfaction des terres et la spoliation du peuple ébrié.
« L’urbanisation d’Abidjan a dépouillé totalement les Ébriés. Quand je suis devenu président, j’ai fait ce que j’ai pu pour donner des postes à des fils d’Ébriés. Je me disais : “Si cela arrivait dans mon village, qu’est-ce qu’on serait devenu ?” », a-t-il déclaré dans son discours. « Ce qui est arrivé aux Ébriés, il faut que nous veillions à ce que cela n’arrive pas aux autres peuples de Côte d’Ivoire », a-t-il insisté.
EN AFRIQUE, UN PEUPLE QUI N’A PLUS DE FORÊT EST UN PEUPLE MISÉRABLE
« Regardez Abobo. Regardez Marcory, Port-Bouët, Vridi, Songon [des communes d’Abidjan], tout est parti. Je vous dis yako [désolé] pour ça, je vous dis yako pour cette grande souffrance. En Afrique où les peuples sont paysans, un peuple qui n’a plus de forêt, qui n’a plus de brousse et de surface cultivable est un peuple misérable. Je vous dis yako« , a ajouté Laurent Gbagbo.
Un discours ethniciste ? Un appel au repli identitaire ? Dans l’entourage du président, on rejette cette accusation. « C’est une interpellation pour une prise de conscience collective. L’urbanisation ne doit pas nous faire perdre de vue les intérêts de nos populations », prévient un poids lourd du PPA-CI.
Bilan mitigé
Mais au district de la capitale économique, on relativise l’œuvre de Laurent Gbagbo en la matière et on souligne les réalisations faites depuis 2011. « Les Ébriés ont tout donné pour la construction d’Abidjan, estime Baba Coulibaly, chargé de communication du district d’Abidjan.Lorsqu’Alassane Ouattara a nommé Robert Beugré-Mambé à la tête du district en 2011, il a mis en place un programme de désenclavement des 150 villages Atchan et Akyé. Nous avons bitumé les routes d’accès à ces villages, procédé à l’électrification, l’adduction en eau potable ainsi qu’à l’assainissement. Grâce à tous ces projets, une localité comme Songon attire de nombreux promoteurs immobiliers. Ce sont des actions concrètes. Mais Laurent Gbagbo, quel bilan peut-il faire de son action pour ces villages ? »
Afrika Stratégies France avec Jeune Afrique