A l’initiative de l’exécutif, le programme social du gouvernement (Psg) vise 150.000 logements sociaux. Si le bas taux d’endettement du pays a facilité la mobilisation des partenaires sur le projet, le chef du gouvernement en fait une priorité, n’hésitant pas à descendre sur le terrain. Une manière de rattraper le social resté un peu à traine dans un pays où tous les signaux économiques sont au vert ?
Une initiative spéciale au secours des populations à faible revenu, le programme de construction de logements sociaux qui vise à offrir aux ivoiriens modestes un toit. Contre la possibilité d’un prêt aux taux préférentiels d’au moins cinq millions de F Cfa à la procédure très souple. Un volet du programme social du gouvernement, une colossale enveloppe de plus de 730 milliards FCFA. Prévu pour 60.000 logements au départ, le gouvernement a vite revu son ambition à la hausse, passant à 150.000 logements en cinq ans. Les travaux sont allés vite, avec au total cinquante promoteurs dont quarante-cinq nationaux et cinq internationaux qui se sont engagés dans l’aventure. Amadou Gon Coulibaly a insisté pour que priorité soit donnée aux entrepreneurs ivoiriens qui se sont vite montrés à la hauteur. Mais bien avant l’échéance, 80.000 souscripteurs ont été déjà enregistrés, 4000 logements livrés, une bagatelle de bâtiments prévus pour être prêts en septembre, preuve de l’engouement des populations dans un pays où, disposer de son « chez » est devenu un casse-tête. Mais la stratégie du gouvernement est à la fois de faciliter l’accès aux logements sans augmenter la pression financière sur les bénéficiaires.
Des partenaires se bousculent
Début mai, alors qu’entreprises et employés si attendent le moins, Amadou Gon Coulibaly débarque sur un des plus importants chantiers, celui de la Cité Ado à Yopougon. Pour le Premier ministre qui connaît, par son parcours d’ingénieur le monde des travaux publics, c’est un jogging de nostalgie. Il n’a plus en tête, à l’occasion qu’une seule obsession, que les logements, les premiers en tout cas, soient disponibles en septembre. « Nous allons les livrer d’ici mi-septembre » a-t-il annoncé lui-même. Le programme présidentiel de construction de 150.000 logements sociaux et économiques revêt une importance capitale pour lui qui n’a cessé de mobiliser les investisseurs autour et en a fait un point cardinal de sa politique sociale. Quelques jours après la visite, il recevra en personne, Bouaké Fofana et Mo Wenhe. Le Directeur général de la Sicogi et celui du groupe chinois China railway construction corporation (Crcc), ont indiqué conjointement leur ambition de travailler à la construction de 50 000 logements en Côte d’Ivoire très rapidement. « Nous sommes en pourparlers avec le partenaire chinois pour la construction de 50 000 logements, sur une période de 3 ans. Cette opération va s’inscrire dans le cadre du programme des logements sociaux du gouvernement », a indiqué Bouaké Fofana. Rassurant pour les populations qui font face à une augmentation draconienne des frais de location et à un grand désordre que plusieurs dispositions légales remettent en ordre depuis quelques années. Par ailleurs, un autre géant public chinois a signé à Abidjan un « accord de coopération stratégique » avec un groupe financier ivoirien en vue de la construction des logements similaires, comme en appui à la politique du gouvernement. Phoenix Africa partners holding (Paph, privé), une plateforme d’investissements ivoirienne, et China railway construction Corporation (Crcc) ambitionnent par ailleurs de «codévelopper des projets de logements économiques et sociaux, une impérieuse urgence en Côte d’Ivoire » où l’on prédit un développement important des classes moyennes, a expliqué Michel Abrogoua, président de Paph. Cet accord s’inscrit dans « une vision de coopération gagnant-gagnant, pour la création d’emplois, mais surtout de transfert de technologie d’un pays du sud vers un partenaire du Sud, » a-t-il souligné. Dans une ville mégapole de l’Afrique de l’Ouest dont la population avoisine 6 millions d’habitants avec ses périphéries, le déficit de logement est criard. Mais la mobilisation rapide des partenaires est surtout due à la bonne santé de l’économie ivoirienne et au taux d’endettement qui, à 43%, est le plus bas de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa). Mais aussi, à la solvabilité de l’Etat qui maintient ses « AAA » dans la plupart des notations.
Le gouvernement suit les chantiers de près
Pour chacun de ses déplacements sur les chantiers et ses séances, multiples de travail, avec les constructeurs, le Premier ministre s’y rend avec plusieurs autres membres de son gouvernement. Objectif ? Mettre les ministères concernés au travail pour l’accélération des travaux mais aussi la livraison rapide de la première tranche. Selon le Premier ministre, les travaux sont en bonne voie pour que les populations puissent habiter des logements décents, dès septembre 2019. « Je suis venu constater que tout ce que nous avons arrêté comme décisions pour que les habitants de la cité Ado puissent vivre et jouir pleinement de leur maison, est mis en œuvre. Les différentes entreprises m’ont assuré qu’en septembre, toutes les questions d’eau, d’électricité et de station d’épuration seront réglées», fera-t-il remarquer. Il a tenu à rassurer les populations pour leur compréhension, saluant « le savoir faire des entreprises ». La Côte d’Ivoire est en grand déficit de logements et ce déficit ne cesse de s’accroître, passant de 400.000 en 2012 à 600.000 l’année dernière. Pour y faire face efficacement, l’Etat pense à de nouvelles constructions certes mais aussi à favoriser l’accès aux plus démunis tout en régulant le secteur de location. D’où une loi qui a régenté ce secteur, réduisant à 3 mois le nombre d’avance pour logement contre « un à deux ans avant » selon plusieurs témoignages recueillis par Afrika Stratégies France sur place. Si pour une population de 25 millions, 68% sont encore locataires, les protéger des propriétaires rapaces devient une urgence d’autant que face aux besoins annuels de 200.000 unités, l’offre n’a guère dépassé les 4000 en 2017. Premiers effets de la politique du gouvernement, elle est passée au double en 2018 mais devrait, avec les logements sociaux en cours, remonter sensiblement cette année. La Cité Ado, symbole de cette politique, comprend 2 172 logements, une école primaire, un collège, un centre commercial, un centre médical, des aires de jeux, un foyer des jeunes. Il sera suivi d’autres déjà en cours de construction.
Contrôle et plafonnement du taux d’intérêt
Fin décembre 2017, une phase inauguratrice a lieu. Avec la remise des clés à un lot de souscripteurs. Au cours d’une cérémonie qui s’est tenue sur le site de l’opérateur Alliances-Ci à Anyama-Ebimpé, le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly a procédé à la remise officielle des clefs à un peu plus de 4000 souscripteurs. Il a tout de suite abordé la question de taux d’intérêt, prenant en compte les préoccupations des plus modestes. Le taux d’intérêt des crédits acquéreurs des logements sociaux et économiques en Côte d’Ivoire sera plafonné à 5,5% « dès début janvier 2018« , a annoncé le Premier ministre ivoirien à l’occasion, et a enjoint aux ministres concernés d’y veiller. « Cette mesure est applicable dès le début de l’année 2018 pour permettre aux acquéreurs de logements sociaux de bénéficier d’un taux d’intérêt plafonné à 5,5% », a fait savoir, Amadou Gon Coulibaly qui travaille à une réduction, « aussi tôt que possible, de ce taux« . En Côte d’Ivoire, la durée de remboursement est de 3 à 20 ans, mais certains opérateurs l’étendent sur 25 ans, répondant ainsi à l’appel à la souplesse de l’Etat. Selon Gon Coulibaly, ces deux dispositions devraient « rendre supportables les mensualités de remboursement au niveau des prêts acquéreurs » et accroître le nombre d’acquéreur des logements sociaux et économiques. « Le gouvernement va poursuivre les efforts », a promis le Premier ministre qui veut aussi prendre en compte d’autres dimensions du logement, à savoir l’électricité, l’eau et le gaz.
Thomas Azanmasso, Afrika Stratégies France