Le ministre ivoirien de la promotion de l’emploi des jeunes et porte-parole en second du gouvernement répond du tic au tac à l’ancien Président de la République. Pour lui, Laurent Gbagbo n’est pas que « dans deux poids deux mesures » mais dans l’ambiguïté et par ricochet, les contradictions. Mamadou Touré s’est livré à un long argumentaire.
Arrah, lors d’un échange avec des jeunes ivoiriens. Le jeune ministre du gouvernement qui, dans la majorité présidentielle est classé « aux extrêmes » sort ses gonds et s’en prend à l’ancien chef de l’état. Une riposte à une récente sortie de Laurent Gbagbo où, l’ancien pensionnaire de la Cour pénale internationale (Cpi) revient sur le fléau des coups d’état en Afrique et justifie « les coups d’état militaires » comme une conséquence logique de ce qu’il appelle « putschs civils« . Pour le porte-parole en second de l’exécutif, c’est un amalgame intolérable et une confusion en tout genre.
La présidentielle de 2000 indexée
Une réaction de Laurent Gbagbo en 2000 et aujourd’hui épinglée par le ministre Mamadou Touré est le contexte de son accession au pouvoir en 2000. Alors que la Commission électorale avait annoncé la victoire du putschiste Robert Gueï, Laurent Gbagbo a aussitôt annoncé la sienne et fini par prendre le pouvoir dans une confusion générale. « Il aurait dû saisir la cour suprême, s’il était démocrate » constate le tribun de la majorité présidentielle ; « Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? » s’interroge Touré. Pour lui d’ailleurs, Laurent Gbagbo et Robert Guéï, l’éphémère président de la Côte d’Ivoire de fin 1999 à 2000 « se sont arrangés pour éliminer tous les autres candidats« , que ce soit « Alassane Ouattara ou six autres candidats du Pdci« , le Parti démocratique de Côte d’Ivoire dont le leader, Henri Konan Bédié, était en exil après sa chute. Il dénonce le fait que Gbagbo ait appelé les populations à sortir dans la rue et, constate-t-il, « avec le soutien de l’armée » qui, selon Mamadou Touré, « a accompagné les manifestations« . Reprenant l’une de ses collègues présente lors de la rencontre qui avait insinué que « ce qui est passé est passé« , le brillant ministre de 45 ans rétorque, « ce qui est passé n’est pas passé car ceux qui ont fait le passé refuse de passer« , ce à quoi répond sa collègue « nous allons les aider à passer car« . Suscitant l’hilarité de la salle toute acquise à la rhétorique du ministre. Touré se livrera, comme il sait le faire à un long argumentaire, brillant, cohérent et contextuellement convaincant.
Long et cohérent argumentaire
« Tout le monde peut parler de coup d’état civil, sauf Laurent Gbagbo » commence le ministre. Ce dernier revient sur le tour des capitales européennes que faisait l’ancien président pour dénoncer les coups d’état « ici et là ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Mamadou Touré ne comprend pas le revirement de Gbagbo. Il assimile ce qui s’est passé en octobre 2020 à un coup d’état comparant la crise électorale à une « tentative de coup d’état » et en veut pour preuve, « la création du Comité nationale de transition » mené en marge de la dernière présidentielle par un autre ex chef d’Etat, Henri Konan Bédié et « instigué« , selon le ministre « par Laurent Gbagbo« . Il est vrai que l’ancien patron du Front populaire ivoirien (Fpi) avait apporté son soutien à l’initiative. Pour Mamadou Touré, il est « l’un des instigateurs et inspirateur » de cette malheureuse initiative qui n’a pas prospéré. Face à ceux qui l’accusent de s’en prendre à Gbagbo et le somme d’être impoli, il a répondu que quand Gbagbo s’en prenait plus que violemment à Félix Houphouët-Boigny, il avait son âge. Il a d’ailleurs rappelé que « Ouattara fait son premier mandat de la troisième République » et peut donc se représenter en 2025 « s’il le souhaite« . Il n’a pas évité de rappeler combien « Gbagbo et Bédié sont fatigués« , s’en prenant habillement à leur physique et leur comparant à un « Ouattara plus en forme que jamais« .
L’Afrique fait face à une récurrence de coups d’état
Ces dernières années, l’Afrique fait face à une récurrence de putschs militaires. Après le Mali, il y a 17 mois, c’est la Guinée qui a suivi et depuis quelques semaines, le Burkina Faso. Une situation contre laquelle Alassane Ouattara s’est levé. Le président ivoirien n’entend pas laisser une telle situation perdurer. Les chefs d’état de la sous-région craignent une généralisation et ont assené à Bamako, récemment, une série de sanctions. La sortie du ministre Touré vise aussi à blâmer une telle situation et surtout, à répondre à Laurent Gbagbo qui s’est permis, alors que l’Afrique toute entière les dénonce, de justifier les coups d’état. Et si c’est l’objectif, il a été largement atteint. Mamadou Touré s’en est bien sorti et a tenu face à des centaines d’ivoiriens, un discours plutôt convaincant et surtout, largement repris par les réseaux sociaux. Un exploit qui ne va pas tout de même calmer la situation fort tendue dans les deux camps, la majorité et l’opposition.
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