Des « forces armées » détiennent le premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, arrêté après avoir refusé de soutenir un « coup d’Etat », a annoncé, lundi 25 octobre, le ministère de l’information dans un communiqué. M. Hamdok a été « emmené vers un lieu non identifié », ajoute le ministère. Un peu plus tôt, celui-ci a annoncé, également dans un communiqué, que la plupart des ministres et les membres civils du conseil de souveraineté, qui chapeaute la transition au Soudan, avaient été arrêtés.
Par ailleurs, des soldats ont pris d’assaut le siège de la radio-télévision d’Etat à Omdourman – ville jumelle de la capitale, Khartoum, uniquement séparée par un pont sur le Nil –, a encore affirmé le ministère, qui ajoute que « des employés sont retenus ».
Le réseau Internet du pays a été coupé, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse. Des manifestants se rassemblaient dans les rues de Khartoum pour protester contre les arrestations et conspuer le général Abdel Fattah Al-Bourhane, qui chapeaute le conseil de souveraineté, désormais amputé de sa part civile.
Les Etats-Unis se sont dits « profondément inquiets », prévenant que « tout changement du gouvernement de transition mettait en danger l’aide américaine ». La Ligue arabe a elle aussi fait part de sa « profonde préoccupation » et appelé « toutes les parties à respecter » l’accord de partage du pouvoir de transition établi en 2019 entre les militaires et une coalition de partis civils, après trente ans de dictature d’Omar Al-Bachir.
De son côté, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a appelé, sur Twitter, la communauté internationale « à remettre la transition soudanaise sur les rails ».
Tentative de putsch
Au Soudan, la situation est tendue depuis plusieurs semaines entre les autorités de transition civiles et militaires. Le 16 octobre, des manifestants soutenant l’armée ont planté leurs tentes devant le palais présidentiel où siègent les autorités de transition, partagées entre civils et militaires. En réponse, jeudi 21 octobre, des centaines de milliers de personnes ont défilé dans plusieurs villes pour, disaient-ils, « sauver » leur « révolution ».
Depuis la tentative de putsch manquée du 21 septembre, la transition semblait sur le point de dérailler et les généraux ont multiplié les attaques frontales contre la « mauvaise gestion » des Forces pour la liberté et le changement (FFC), une coalition de partis civils.
La date n’était pas anodine : le 21 octobre est la date anniversaire du soulèvement populaire et de la grève générale qui, en 1964, étaient venus à bout du général Ibrahim Abboud, arrivé au pouvoir par la force peu de temps après l’indépendance du pays en 1956.
Depuis, le sit-in des pro-armée a débordé ailleurs dans Khartoum. Dimanche matin, ils ont bloqué un des principaux ponts de la ville, créant des embouteillages monstres. Le soir, ils sont de nouveau sortis, brûlant des pneus en travers de routes. Face à eux, l’Association des professionnels du Soudan, l’un des fers de lance de la révolte de 2019, a appelé les partisans d’un pouvoir civil à la « désobéissance civile » face à un « coup d’Etat militaire violent ».
Il y a deux jours déjà, le camp pro-civil avait mis en garde contre un « coup d’Etat rampant », lors d’une conférence de presse qu’une petite foule avait cherché à empêcher.
La direction du pays est censée être remise aux civils lors de la première étape d’un processus devant conduire, fin 2023, à l’organisation d’élections libres, les premières en trente ans. Depuis son indépendance, le Soudan a connu trois dictatures militaires, qui ont chacune interrompu brutalement une période de transition démocratique.
Afrika Stratégies France avec Le Monde Afrique