Deux diplomates chevronnés, Ettore Balestrero et Deogratias Ndagano, l’un nonce, l’autre ambassadeur, ont été au cœur des préparatifs du voyage du pape en République démocratique du Congo (RDC), du 31 janvier au 3 février 2023. Mgr Diego Giovani Ravelli a peaufiné la liturgie et Mgr George Jacob Koovakad gère la logistique et la sécurité. Autant de démarches discrètement coordonnées par le secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), Mgr Donatien Nsholé.
Mi-janvier 2020, lors de sa visite au Vatican, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, réitère son invitation au pape à venir à Kinshasa. Mais il aura fallu attendre trois ans et un report pour que se concrétise la visite tant attendue du pontife en RDC. Quand Deogratias Ndagano arrive à Rome en octobre 2022, le nouvel ambassadeur de la RDC auprès du Saint Siège reçoit du chef d’État congolais, Felix Tshisekedi, une mission sans équivoque: «Se consacrer entièrement à la visite du Saint-Père». A l’ambassade, Via del Castro Pretorio, il multiplie les audiences de prélats et les réunions quotidiennes à cet effet.
Et quand le 9 janvier dernier, en marge des vœux du corps diplomatique accrédité auprès du Vatican, François confirme l’information, dans la foule, Deogratias Ndagano a de quoi afficher un large sourire. Mais comme à chaque déplacement du souverain pontife hors d’Italie, le protocole est plutôt minutieux et l’organisation exigeante. En RDC comme au Vatican, plusieurs personnes y ont travaillé aussi ardemment que discrètement.
La nonciature au premier plan
Le 31 janvier à 15h, heure de Kinshasa, Mgr Ettore Balestrero, nonce apostolique en RDC, sera la première personne à voir le souverain pontife à l’atterrissage du vol AZ4000 en provenance de Rome. Conformément au protocole, le prélat génois de 56 ans montera à l’entrée de l’appareil d’Italia Trasporto Aereo pour souhaiter la bienvenue à François. L’ambassadeur du Vatican aura été de toutes les étapes de la visite. «Plusieurs allers-retours entre Kinshasa et Rome» selon une source à la Nonciature et surtout, «une brève séance de travail» avec le pape en personne avant l’annonce officielle, fin 2022, du voyage.
C’est d’ailleurs lui qui, conscient de la fragilité sécuritaire imposée par la guerre à l’est du pays, a suggéré que «l’étape de Goma puisse être écartée». Lorsque fin novembre, le Saint-Père lui confirme par téléphone le voyage, il se rend dès le lendemain à la présidence de République pour l’annoncer à Félix Tshisekedi.
Quand, début 2023, le Premier ministre congolais, Jean-Michel Sama Lukonde, a voulu s’assurer que l’état de santé du pontife n’imposerait pas un second report de la visite apostolique, c’est encore au nonce que s’adresse Jean-Michel Sama Lukonde. Le 6 janvier, l’ambassadeur du Vatican est à la primature avec Mgr Nsholé, secrétaire générale de la CENCO, pour rassurer le chef du gouvernement. Depuis, Mgr Etttore Balestrero rédige des mémos quotidiens pour informer la Secrétairerie d’État de l’avancée des préparatifs.
Mgr Nsholé, discret «coordinateur»
Fin janvier 2022 à Kinshasa. Mgr Nsholé reçoit une délégation arrivée la veille de Rome. A sa tête, Mgr George Jacob Koovakad. Quatre mois plus tôt, l’évêque indien a remplacé le béninois Dieudonné Datonou comme organisateur des voyages pontificaux. Dès lors et malgré le report, c’est Donatien Nsholé qui coordonne à Kinshasa toutes les initiatives relatives à ce voyage. A Rome, Mgr Koovakad fait de même et les deux hommes font régulièrement le point par téléphone. Depuis, le prélat élevé au rang de chapelain du pape par François enchaîne réunions et concertations dès le lever du soleil, dans son bureau du premier étage du siège de la CENCO. Il fait le lien entre l’épiscopat local et la Nonciature apostolique mais aussi règle les détails logistiques avec la personne chargée de l’aménagement technique des sites où se dérouleront les étapes de la visite.
Mgr Donatien Nsholé organise aussi la mobilisation des fidèles, plus de 1,5 millions de personnes sont attendues pour la grande messe du 1er février, à l’aéroport de Ndolo en plein cœur de Kinshasa. Mais au-delà des subtilités bilatérales, le volet pastoral est capital pour François qui voyage d’abord en tant que représentant de l’Église catholique, d’où son attention particulière aux détails liturgiques.
Ravelli aux commandes de la liturgique
La liturgie et les célébrations sont en effet deux aspects sur lesquels le pape ne lâche rien. En nommant simultanément, en septembre 2021, l’organisateur de ses visites et le maître des célébrations liturgiques pontificales, l’évêque de Rome veut faire de Mgr George Jacob Koovakad et Mgr Diego Giovanni Ravelli le duo incontournable de ses déplacements. Le premier s’est déjà rendu «au moins trois fois en RDC» avec récemment une délégation de gardes suisses pour les questions sécuritaires, le second travaille depuis le Vatican à tous les détails des messes que le pape célèbrera aussi bien en public qu’en privée à la nonciature où il devrait résider. Le délicat usage du rite zaïrois lors de célébrations pontificales a fait l’objet de pointilleuses appréciations par Mgr Ravelli.
Défini par le Père Malenge, correspondant de Radio Vaticanen RDC comme «la liturgie romaine pour les diocèses du Zaïre, (ancien nom du Congo, ndlr)», le rite zaïrois se caractérise par un important recours aux chants et pas de danses, notamment pendant l’offrande. Pour Giovanni Ravelli, «il faut rester prudent pour ne pas paraître folklorique». Mais plus que tout, la sécurité reste le principal enjeu de ce 40e voyage du pape hors d’Italie, le 4e en Afrique.
Défi sécuritaire pour le «chérif»
Contrairement aux autres chefs d’état, l’organisation des voyages du pape revient à une petite équipe, «à peine une demi-dizaine de personnes» avec à leur tête le «shérif», souvent un évêque. Bien que la sécurité des déplacements soit l’apanage du pays hôte, l’actuel «shérif ” Mgr Koovakad a dû suivre ce volet de près. Visite des sites, rencontres avec les autorités sécuritaires à Kinshasa, d’autant que François qui murmure des «Ave Maria» pendant ses tours en papamobile ne «veut pas que son entourage immédiat porte des armes».
Mgr Koovakad insiste pour que les accès au site de la grande messe, une trentaine en tout, soient bien contrôlés. Il s’est aussi attaché à l’idée de cliniques mobiles, environ vingt sont prévues, «avec du sang de tous les groupes sanguins». Il a demandé que le contrôle de l’espace aérien soit discret et, «sans une remarquable présence d’hélicoptères» car le pape vient avant tout «comme un pasteur à la rencontre de ses fidèles».
Avec 110 millions d’habitants dont 60% de catholiques, l’Eglise a, dans ce pays grand comme 57 fois la Suisse, le monopole de la santé et de l’éducation et est très active dans la vie politique. Le nonce apostolique n’a-t-il pas raison de rappeler que «la RDC est plus qu’importante pour l’Eglise et le pape»?
MAX-SAVI Carmel, Source: Cath.ch