Aucun président français n’aura jamais été aussi proche de l’Afrique, alimentant toutes sortes fantasmes liés à la françafrique. Plus d’une centaine de voyages sur le continent, il entretenait avec la culture tropicale une impressionnante accessibilité et était proche de nombreux dirigeants dont des dictateurs. Depuis une dizaine d’années, il regrette de ne plus pouvoir visiter le continent, affaibli par la maladie et la vieillesse, Bamako ou Abidjan même sil passait encore quelques jours de repos au Maroc. A 86 ans, c’est un vrai africain qui s’en est allé.
Plusieurs chefs d’Etat africains vont se donner un bref répit pour une pensée pieuse pour la mémoire de Chirac, alors qu’ils prennent en grande partie part à l’Assemblée générale de l’Organisations des nations unies (Onu). Car la plupart d’entre eux entretenait avec l’ancien président français des relations spéciales. Paul Biya, Idriss Déby, Denis Sassou Nguesso ou encore Thérodoro Obiang Nguema l’ont bien connu et côtoyé. Le Roi du Maroc le considérait comme un parrain. Mohamed VI a été l’un des premiers chefs d’Etat africains à adresser ses condoléances à la famille du disparu avec laquelle il a toujours entretenu de cordiales relations. Il prenait, de temps à autre, les nouvelles de celui qui fut, en tant que maire de Paris et président de la France, l’un des plus proches amis de son feu père, Hassan II. N’eut été le soutien de Jacques Chirac, ni Joseph Kabila, ni Ali Bongo ou encore Faure Gnassingbé n’auraient pas succédé à leurs pères respectifs. Sa mort aura donc de quoi susciter émotions et pluies de condoléances en provenance d’un continent dont il n’a jamais pu se départir. Depuis ses 80 ans, s’il ne peut plus voyager sur le continent, il se contente, autant qu’il peut, de brefs séjours au Maroc.
L’Afrique dans un coin du cœur
« J’aime et je respecte l’Afrique » lance-t-il lors d’un de ses nombreux voyages sur le continent. Fasciné par l’Afrique, sa culture, son art mais aussi ses hommes, Chirac est à l’opposé de ses deux prédécesseurs, Giscard D’Estaing et Mitterrand qui s’évitaient, lors de leurs divers voyages sur le continent, les bains de foule. C’était un vrai africain qui, dès qu’il est arrivé au pouvoir en 1995, a fait appel à Foccart, son homonyme pour reprendre la cellule Afrique de l’Elysée qui est la mémoire de relations suspectes, incestueuses et mystérieuses avec le berceau de l’humanité. Abidjan, Bamako, Ouagadougou, Cotonou, Lomé, Conakry, Dakar, Niamey… il n’a raté aucune capitale ouest africaine francophone. Il préparait avec soins et délicatesse tous ses voyages en Afrique et adorait les banalités de politesse propres au continent. Il appelait régulièrement, et à n’importe quelle heure de la nuit, Gnassingbé Eyadema, Mathieu Kérékou ou encore Alpha Konaré. L’Organisation internationale de la Francophonie, les sommets France-Afrique devenus « Afrique-France » créés en 1973 ont été, pour lui spécialement, des instruments au service de son influence en Afrique et surtout, des moments d’échanges, souvent intimistes avec des présidents africains dont la plupart étaient des dictateurs. Le sommet de Cannes en 2007 est apparu comme son testament politique avec autour de lui, 40 chefs d’Etat africains présents, une dizaine représentée au plus haut niveau. Aucun chef d’Etat français n’aura été aussi africain.
Quelques verbatim sur l’Afrique
Taxe de solidarité sur les billets d’avion, la lutte contre le vih-sida, le renforcement de l’aide au développement, il n’a manqué aucune occasion d’aider le continent. Même si parfois, l’ancien président français tient sur l’Afrique des propos qui frisent une certaine contrariété. « Le multipartisme est une sorte de luxe que ces pays en voie de développement n’ont pas les moyens de s’offrir » avait-il lancé en 1990 à Abidjan, alors qu’opposant à François Mitterrand, il ironisait sur le discours de La Baule. Cette déclaration a suscité beaucoup de remous au sein de la société civile et des militants de la démocratie. Il saura se rattraper très vite, une fois devenu président. Souvent, son amour pour le continent prend le dessus de la diplomatie. « Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi; après, on a dit : ils ne sont bons à rien » avait-il lâché alors qu’il était au pouvoir. Lors du dernier sommet France-Afrique auquel il prendra part à Cannes, il est allé plus loin, « On oublie une chose : une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation depuis un siècle de l’Afrique » avant de continuer, » Alors, il faut avoir un peu de bon sens, je ne dis pas de générosité, de bon sens, de justice, pour rendre aux Africains ce qu’on leur a pris. » A Orléans, lors d’un discours devant plus de 1300 militants, le président du Rassemblement pour la République commettra la bourde d’évoquer « le bruit et l’odeur » parlant des immigrés africains, des propos qu’il a vite regretté, appelant plusieurs chefs d’Etat du continent pour s’en excuser.
Un géant de la Ve République
Nul, à part le général De Gaulle, n’aura autant marqué la Ve République. Humaniste de droite et gaulliste, sa vie se confond à sa carrière politique. Secrétaire d’Etat à l’emploi dès 1968, il servira la France toute sa vie. Secrétaire d’Etat à l’économie et aux finances (1968-1971), président du conseil général de la Corrèze dès 1970 et ce pendant près d’une décennie, ministre délégué aux relations avec le parlement (1971-1972). Il passera ensuite à l’agriculture puis l’intérieur avant de devenir deux fois Premier ministre (1974 sous Valery Giscard D’Estaing) puis (1986 sous François Mitterrand). 18 ans à la tête de la ville de Paris dès 1977, cet euro-prudent aura été député européen avant de consacrer sa carrière par la magistrature suprême. Avec Mitterrand, il sera le seul président de la Ve République à faire deux mandats. Depuis, accablé par la maladie, il vivait recru chez lui et évitait, ces dernières années, les apparitions publiques.
Père de deux filles, Claude et Laurence décédée en 2016 à la suite d’une très longue maladie, c’est entouré des siens qu’il a quitté définitivement ce monde selon le communiqué de son gendre qui a annoncé la triste nouvelle. Marié en 2011 à Claude Chirac, Frédéric Salat-Baroux qui fut collaborateur de l’ancien président aura été proche de Jacques Chirac, jusqu’au bout.
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