Réalisateur, écrivain, comédien, metteur en scène, Driss Homet, 30 ans, originaire du Congo Brazaville, est un jeune entrepreneur qui touche à tout. L’adaptation en 2012 au théâtre de son roman éponyme, La Fuite, qui raconte son exode en 97 lors de la guerre au Congo, l’a révélé au public français. Cet hyperactif, qui fourmille toujours d’idées, est aussi l’un des responsables de la société Tessan, qui installe et déploie la téléconsultation en France dans le domaine de la santé. Interview d’un jeune homme qui ose tout, montrant que la diaspora africaine a sa place dans tous les secteurs économiques.
Son enfance difficile l’a sans doute forgé, l’incitant à se battre pour réussir tout ce qu’il entreprend. Né au Congo, il doit fuir avec sa maman, son père étant contraint de rester, le pays qui est plongé dans une guerre civile en 97, suite au coup d’Etat du président Denis Sassou-Nguesso. C’est au Gabon qu’ils trouvent refuge avant de venir s’installer en France. Cette histoire tragique de son existence, il décide de la raconter à l’âge de 24 ans dans le roman éponyme La Fuite. Il choisit de la narrer à travers les yeux du petit garçon de dix ans, qu’il était à l’époque, traumatisé par cet exil forcé. « Alors qu’on vivait bien, des obus et des balles nous réveillent en pleine nuit, j’avais peur », se remémore-t-il. Le petit garçon comprend aussi « que l’on soit aisé ou non on est tous relégué à la même enseigne face à la guerre ». Mais le plus difficile pour lui au moment de la fuite, déplore-t-il, c’est la séparation avec son père. « Je n’avais ensuite aucune nouvelle de lui, ça a vraiment été une déchirure qui m’a marquée ». Alors que le milieu du théâtre est très fermé à la diaspora, il décide à 27 ans d’adapter son roman sur scène, dont le personnage principal est interprété par le renommé comédien David Baïot sur les planches parisiennes. Une tâche loin d’être aisée. A force de travail acharné, le jeune homme est contacté par France Culture, ou encore le théâtre Reine Blanche qui acceptent de soutenir le projet. « Il a fallu que je fasse beaucoup de choses seul, de la mise en scène, au recrutement des comédiens, sans compter la gestion de toute la communication pour que la pièce soit connue et que l’accueil positif du public fasse écho », raconte-t-il. Un pari réussi, qu’il compte bien renouveler.
Vous évoluez dans divers domaines. Dans quel projet travaillez-vous actuellement ?
Actuellement, je prépare une pièce de théâtre qui se nomme « Ca n’a aucun sens » avec Yohan Gicquel, l’auteur du livre L’analyse publicitaire et également maître conférencier ainsi qu’analyste en communication du comportement marketing. C’est un nouveau gros challenge que nous préparons ensemble puisqu’on va s’attaquer à la philosophie des comportements humains. Je serais le metteur en scène et l’adaptateur, lui sera l’interprète. La première représentation de la pièce débute samedi 12 octobre et on affiche déjà quasiment complet.
Vous avez également joué comme comédien dans la série Barber Shop, diffusé sur Canal+ Afrique. Quelle expérience en tirez-vous ?
J’en tire une très bonne expérience d’autant que j’ai participé à 10 épisodes, en deux saisons, en tant que comédien dans la série avec mon ami Dycosh. Cette série a connu un vrai succès auprès de beaucoup de jeunes, surtout en Afrique francophone et au sein de la diaspora. François Deplanck, le directeur des chaînes et des contenus Canal + International, confirme sa volonté de donner de la visibilité aux jeunes talents africains d’aujourd’hui et de demain, allant de l’Afrique à l’international.
Vous évoluez aussi dans le domaine de la santé et avez intégré la société Tessan. Quel est concrètement votre rôle au sein de cette enseigne ?
Le domaine de la santé me passionne. J’ai pour objectif de contribuer à développer les technologies de l’information et de la communication dans la santé. Actuellement chez Tessan, je suis chargé de développer des cabines de téléconsultations à distance. Avant de rejoindre Tessan, j’ai travaillé aussi dans une société qui se nomme Libhéros, un projet humanitaire très intéressant dans lequel j’accompagnais les patients post-hospitaliers et post-opératoires dans toute la France. Ce projet m’a beaucoup plu car il permet de mettre en relation des patients et des infirmiers qui travaillent à leur propre compte par le biais du service libheros.fr, qui est gratuit et disponible pour tous. D’ailleurs, on a pu constater qu’une grande partie de la diaspora africaine utilise les services proposés par Libhéros. Du coup, l’entreprise s’intéresse particulièrement à cette dernière.
Aujourd’hui de plus en plus d’entreprise s’intéressent en effet à la diaspora africaine. Qu’est-ce que cela révèle, selon-vous ?
Cela révèle que la diaspora africaine se développe de plus en plus en Occident. Il faut noter que les premières générations ont eu des enfants qui s’insèrent aujourd’hui pleinement dans la société dans laquelle ils vivent. Ces derniers possèdent un réel pouvoir d’achat et une manière de penser qui intéresse l’Occident. Le film Black Panther en est le parfait exemple. C’est désormais l’Occident qui s’adapte en revoyant sa manière d’approcher la diaspora, surtout au niveau marketing. C’est d’autant plus intéressant que l’intérêt pour la diaspora africaine ne va pas cesser d’augmenter au fil des années car elle représente aujourd’hui une énorme part de marché pour les entreprises occidentales. Auparavant, l’Occident poussait la population africaine à penser d’une manière qui n’était pas la sienne, en imposant sa culture. Aujourd’hui les choses ont changé, elle est en plein essor et développement. Même des entreprises comme Nike mettent en vente de nouvelles tenues de sport, adaptées à différents types de profils, notamment avec le « Hijab Nike Pro » par exemple. Désormais, ce sont les grandes firmes qui s’adaptent aux besoins de la diaspora pour leur vendre leurs produits !
Propos recueillis par Assanatou Baldé, Afrika Stratégies France