Pour la première fois dans l’histoire de l’Afrique, un candidat sérieux est aux portes du secrétariat général de l’Organisation mondiale des douanes, Omd. Mieux, il a toutes les chances de gagner. Philippe Tchodié qui aura dirigé pendant deux ans le Forum sur l’administration fiscale africaine (Ataf) n’a pas d’équivalence en termes d’expérience et de posture. Mais pour y arriver, il a besoin de l’unanimité des pays africains mais aussi du soutien indéfectible de quelques puissances.
Mercredi 21 juin. Sa délégation arrive dans la capitale belge. Philippe Tchodié a fait le tour du monde ces derniers mois. Banjul, Afrique du Sud, Punta Cana, Cambera, il n’a voulu pour rien louper cette occasion pour le Togo de diriger l’institution mondiale des douanes. Un poste stratégique pour un pays qui a multiplié des réformes ces dernières années, mais aussi un palmarès à ajouter à la vitrine diplomatique de ce pays de l’Afrique de l’ouest aux 10 millions d’âmes. Mais alors que le scrutin aura lieu le samedi 24 juin et malgré le désistement du candidat de l’Iran, rien n’est joué pour autant. Mais sans lâcher l’affaire, la délégation togolaise qui multiplie coups de fil et rencontres de lobbying a toutes les chances de son côté.
Le tour de l’Afrique…
« Le tour de l’Afrique ! » presqu’un slogan qui touche et fascine. Alors que le monopole des grandes puissances hégémoniques montre ses limites ces dernières années, l’idée qu’un africain puisse diriger l’Organisation mondiale des douanes est prise au sérieux. C’est l’argument principal et il perce auprès des délégations de plus de 185 pays déjà à Bruxelles. Au-delà, la délégation togolaise fait un travail de proximité. Des appels aux dirigeants des douanes africaines et européennes notamment et la valorisation d’un projet qui porte de grandes réformes d’assainissement et de transparence mais aussi l’idée d’intégrer les préoccupations de tous les membres de l’Organisation mondiale des douanes, même les pays et états les plus petits. En résumé, cette candidature est notamment celle des lésés des grandes institutions internationales. Aux côtés du Commissaire général, Piguendelewe Akaya a été de toutes les tournées. Des heures folles de décalages en République dominicaine à celles de l’Australie, le directeur de l’Office togolais des recettes du Port de Lomé aura été un important soutien à son compagnon de toujours. Mais plus que la mobilisation et les soutiens, c’est aussi le parcours de Philippe Tchodié qui joue pour lui.
Un parcours adapté
Philippe Tchodié peut aussi faire valoir son parcours respectable couronné par une thèse de doctorat mais aussi son expérience des organisations internationales. Il est Commissaire général par intérim des douanes et impôts togolais cumulés à travers l’Office togolais des recettes (Otr) mais aussi Commissaire des services généraux. Il a déjà dirigé la faîtière des organisations financières et fiscales africaines à travers le Forum sur l’administration fiscale africaine (Ataf). Il est arrivé aussi avec un projet qui, pendant les rencontres continentales, a suscité beaucoup d’intérêt. Sa longue carrière en ce qui concerne la fiscalité et les finances a porté, conjuguée aux réformes, des fruits rapides au Togo où les performances sont à leur maximum avec pour cette année, plus de 60% des résultats escomptés pour l’année, à peine fin mai. La dématérialisation des prestations douanières, le récent système de tracking des marchandises par identifiant radio, la réduction sensible des délais de dédouanement, la concurrence et la diminution de la pression fiscale lui ont permis, depuis 2019, de conforter la stature de l’Office togolais des recettes. Mais il devrait compter avec la toute-puissance américaine.
Un défi face à l’américain
L’américain a quelques avantages, la grandeur de son pays et l’immense mobilisation autour de sa candidature. Lan Saunders peut aussi compter sur le Secrétaire général sortant, le japonais Kunio Mikuriya. La presse fait cas d’un accord tacite entre Tokyo et Washington pour que le japonais soutenu pour ses deux mandants depuis 2009 par les Etats-Unis « ne passe la main à l’américain« . Aussi, la quasi-totalité des 51 pays d’Amérique et des Antilles soutiennent l’américain alors que de nombreux pays africains, « une bonne quinzaine » selon une information Afrika Stratégies France ne sont pas en règle pour participer au scrutin. Mais Philippe Tchodié peut compter sur la haine des grandes puissances, le soutien exprimé de la Turquie, le vote de la Russie et de plusieurs Etats de son giron soviétique ainsi que l’enthousiasme des Européens à voir un africain au poste de secrétaire général de l’organisation. Le désistement de l’iranien ne peut, compte tenu de la guerre froide entre son pays et les Etats-Unis, profiter qu’au togolais.
Mais qu’il soit élu ou pas, Philippe Tchodié entrera dans l’histoire de l’Afrique comme le candidat du continent le plus sérieux à ce poste, même si un nigérian qui a fait piètre figure, l’avait précédé. C’est aussi, quoi qu’il arrive, le Togo qui gagne.
MAX-SAVI Carmel, Envoyé spécial à Bruxelles