La résiliation de l’accord de coopération militaire entre le Tchad et la France, annoncée jeudi 28 novembre par le chef de la diplomatie tchadienne après une visite officielle de son homologue français, soulèvent plusieurs questions : pourquoi cette décision de Ndjamena ? Et quelles conséquences directes sur la présence militaire française au Sahel et plus largement en Afrique ?
Il n’y a, à cette heure, aucune certitude concernant la décision du Tchad de mettre « fin à la coopération en matière de défense, signée avec la République française ». Les conseillers français listent les événements qui ont pu servir d’irritants, côté tchadien. Ils notent que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a focalisé sa visite à Ndjamena et à Adré sur la guerre au Soudanvoisin et sur l’aide humanitaire et n’a pas assez parlé du Tchad.
L’aide capacitaire française promise à l’armée de l’air tchadienne a par ailleurs capoté. Il n’est pas exclu non plus que le pouvoir tchadien ait perçu l’ambition française d’opérer une bascule de ses forces du Tchad vers la Côte d’Ivoire. Enfin, Maxime Shugaley, un influenceur russe placé sous sanctions américaines et européennes, qui était emprisonné depuis deux mois à Ndjamena, a récemment été libéré. Dès lors, des contacts de haut niveau entre Moscou et Ndjamena ont commencé. Mis bout à bout, tous ces éléments ont peut-être contribué à cette décision radicale.
Cette décision du Tchad m’interpelle et me surprend. Peut-être que les nouvelles autorités du pays estiment avoir renforcé les capacités opérationnelles de leur armée pour se sentir autonomes ?
Un retrait pur et simple du millier de militaires français ?
Autre question en suspens : s’agit-il d’un retrait pur et simple du millier de militaires français encore présents au Tchad qui s’annonce ? Ou cet accord peut-il encore être remplacé par un autre ? Cette décision unilatérale vient en tout cas mettre à mal la nouvelle stratégie en Afrique portée par Paris, proposant une nouvelle philosophie, basée sur des dispositifs légers, réactifs pour répondre aux besoins des partenaires.
Le rapport de Jean-Marie Bockel, envoyé personnel d’Emmanuel Macron auprès des pays africains concernés par la reconfiguration du dispositif militaire français, qui a été remis le 25 novembre à l’Élysée, semble aujourd’hui déjà caduc. Car le Sénégal aussi a indiqué qu’il ne souhaite plus de base militaire étrangère sur son territoire. L’armée et la diplomatie française subissent les événements.
Paris avait déjà été contraint d’évacuer ses troupes du Mali, du Burkina Faso et du Niger entre 2022 et 2023 après l’arrivée au pouvoir de juntes militaires. L’annonce de Ndjamena intervient en outre au lendemain de celle faite à Dakar par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui a appelé à une fermeture des bases françaises dans son pays, avec un « partenariat dépouillé de cette présence militaire-là », dans des entretiens accordés à plusieurs médias.
Le Tchad est le pays où l’armée française a mené le plus d’opération extérieur. À lui seul, il était presque le dépositaire de la relation militaire franco-africaine, avec ses trois bases historiques : le camp Kosseï, Faya Largeau et Abéché. Mille soldats sont déployés sur le territoire et une base aérienne avec plusieurs Mirage 2000. Des militaires présents non pas dans le cadre d’une présence permanente mais d’une opération extérieure. Autrefois appelée « Opération Epervier », mais qui par soucis de discrétion ne porte plus de nom aujourd’hui.
La France et le Tchad, c’est un lien fort pendant plus de 30 ans avec l’ex-président Idriss Déby (1990-2021). C’est avec l’appui de Paris qu’il chasse du pouvoir en 1990, Hissène Habré (1982-1990), la France devient alors un partenaire essentiel, un protecteur.
Idriss Déby a d’ailleurs pu compter sur les militaires français pour repousser en 2008 puis en 2019 des offensives rebelles. Après le décès d’Idriss Déby en 2021 au front, son fils Mahamat Idriss Déby, porté au pouvoir, a également pu compter sur la bienveillance de Paris.
Afrika Stratégies France avec RFI