Il est l’un des Marocains les plus connus de la diaspora. Spécialisé dans l’accompagnement de projets de création et de reprise d’entreprises, ce pilier de Maroc Entrepreneurs dont il aura été aussi secrétaire général est membre du conseil d’orientation du Forum des diasporas africaines. Déjà présent en 2018, Karim Basrire prendra part aux éditions de 2019 dont une partie se tient d’ailleurs en octobre prochain au Maroc. Il aura été quelques années à la Chambre Française de Commerce et d’Industrie de Casablanca, avant de se lancer, avec la boulimie qui le caractérise dans le domaine des affaires, dans la création de plusieurs entreprises notamment dans le secteur des télécoms et de la distribution. Passionné de la Migration et du Développement, il aura accompagné plusieurs cabinets de conseils sur ces questions et se consacre beaucoup à la Diaspora et au Développement Economique. Avec les autorités de son pays d’origine et certaines institutions, il travaille au retour des diasporas avec à la clé des projets d’investissements. En tant que membre du conseil d’administration de Maroc Entrepreneurs, il s’occupe des relations publiques de l’association. Un poste qui va bien à celui qui, des labyrinthes de business entre l’Afrique et l’Europe, en a une large maitrise. Quelques mois avant le prochain Forum des diasporas africaines, Karim Basrire se livre à Afrika Stratégies France. A la fois prolixe et précis. Interview !
Vous êtes un membre important et connu de la diaspora marocaine. Qu’est-ce que le Maroc attend de sa Diaspora ?
Le Maroc attend beaucoup d’elle. Il a d’ailleurs une politique orientée dans ce sens. A l’époque de Hassan II avec la fondation Hassan II pour les Marocains résidants à l’étranger qui avait pour objectif d’être un instrument de promotion de cette diaspora en étant un lien véritable avec elle. Il faut mentionner que le Maroc a connu une évolution de sa diaspora. Il avait eu une première génération arrivée dans les années 60-70 dont mon père qui était un commerçant. Depuis les générations récentes sont plus instruites et plus compétitives sur le marché mondial. Elles développent de véritables entreprises dans les pays d’accueil et accèdent à des fonctions dirigeantes dans de nombreuses entreprises multinationales. On a aussi un ministère en charge des Marocains de l’extérieur et des affaires d’immigration ainsi qu’un Conseil consultatif des Marocains à l’étranger (Ccme). Le Ccme dispose d’un laboratoire de recherche sociologique et d’études consacrées à la diaspora avec des données bien précises. Maroc entrepreneurs accompagne des porteurs de projets à créer dans entreprises dans le pays et des startups à se développer. Le fait pour la diaspora d’être bi-culturelle lui donne une meilleure compréhension de deux territoires et ça, c’est un grand atout car ça permet d’avoir un carnet d’adresse et de mieux appréhender le marché international.
Est-ce que le pays a une politique adaptée pour soutenir les investisseurs de la diaspora sur le Maroc ?
Oui. On a de bons outils qu’on a développés. Je vous cite en exemple le Mdm Invest (Mdm, Marocains du monde, Ndlr). Il a été mis en place par le ministère en charge de la diaspora et la Caisse de garanties. Ce fonds de 10 millions d’euros est destiné exclusivement aux Marocains résidants à l’extérieur et permet d’accompagner les projets d’entreprises avec 10% de subventions à fonds perdus de l’investissement pourvu que le bénéficiaire soit prêt à apporter en devise 25%. C’est une mesure forte, excitative, qui stimule. Il y a aussi d’autres mécanismes notamment des forums par pays. J’ai assisté dernièrement à un forum Maroc-Belgique à Rabat. Ces forums permettent de créer des ponts dont on a besoin. C’est des chaines de valeurs dont nous avons besoin pour avancer. On peut donc faire confiance à l’Afrique et à sa diaspora pour impulser le développement.
Vous avez beaucoup travaillé sur la migration et le développement. Quel est le lien entre ces deux thématiques ?
Aujourd’hui on voit souvent la migration d’un angle négatif. Ce qui n’est pas du tout le cas. Les migrants constituent la diaspora qui est une grande force d’autant qu’il est évident qu’on a un destin commun. L’avenir de l’Europe c’est l’Afrique, il n’y a aucun doute. La méditerranée fait d’ailleurs le lien. D’un côté un continent vieux, de l’autre très jeune. On ne peut être fort qu’ensemble. Et les fonds de la migration, donc de la diaspora vers le pays d’origine change tout et influe sur le développement local. Pour des pays en phase d’émergence comme le Maroc, les immigrants peuvent palier parfois à des déficits de l’Etat dans certains domaines notamment sociaux. Et du transfert de fonds, on passe aux transferts de savoir-faire, de compétences, ce qui est la deuxième phase qui changera tout même si ca prendra du temps.
Le Maroc s’impose en investisseur et en coopérant au développement sur le continent africain. Quelle est, selon vous, la politique africaine du roi ? On voit le Maroc partout, en cote d’ivoire et dans d’autres pays…
Je crois que le Maroc veut rendre le leadership à l’Afrique. Il y a une nécessité de remettre en avant le continent africain et surtout d’en expliquer les enjeux. Que l’Afrique passe, à travers certains pays comme le Maroc, pour revenir au devant de la scène est naturel et évident, avec un partage d’expériences, l’accueil d’événements internationaux par le Maroc autour de l’Afrique. Les rendez-vous environnementaux, culturels, sportifs, économiques. Je prends l’exemple du Gazoduc entre le Nigeria et le Maroc qui n’est pas seulement un pipeline mais un ensemble de projets économiques structurant autour de ce gazoduc. On a assisté au lancement des lignes à grande vitesse au Maroc et on espère que ça va se déployer sur l’ensemble du continent. La baie de Cocody en Côte d’Ivoire est un exemple de partage d’expériences et d’expertises. Au niveau du champ médical, beaucoup de médecins de pays frères viennent au Maroc qui fournit aussi des bourses pour des étudiants du continent. Il y a 20 ans, on ne parlait pas d’Afrique au Maroc, aujourd’hui, on en parle tout le temps.
Le Maroc fait son retour au sein de l’Union africaine (Ua) et veut adhérer à la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (Cedeao). Qu’est-ce que cela change en matière de business pour l’Afrique et le Maroc ?
On le voit au niveau mondial, on ne peut plus faire grand-chose seul. Il faut multiplier les grandes zones d’échanges qui donnent des opportunités plus larges à nos entreprises. Une multinationale pense à un ensemble de pays plus qu’à un pays seul. La Cedeao et au-delà, la Zlec (Zone libre d’échange continental) constituent l’avenir économique de notre continent.
Propos recueillis par Brice Kodjo, Paris, Afika Stratégies France