Mercredi 2 mars, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté par une très large majorité une résolution exigeant que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine; 141 pays ont approuvé ce texte, 5 s’y sont opposés et 35 se sont abstenus. Plus de la moitié de ces derniers étaient des pays africains.
Vingt-huit pays africains ont voté en faveur de la résolution des Nations unies condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Un pays du continent a voté contre : l’Érythrée. Et 25 pays africains ne se sont pas prononcés. Des abstentionnistes, mais également des pays qui n’étaient pas présents le jour du vote.
Une Afrique partagée en deux camps, souligne Francis Kpatindé, maître de conférence à Sciences-Po Paris : « D’un coté, ceux qu’on pourrait qualifier de pro-occidentaux, des pays comme par exemple le Nigeria, la Côte d’Ivoire, l’Égypte ou la Tunisie. Ainsi que le Ghana, le Gabon et le Kenya, qui sont tous trois membres non-permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Et de l’autre côté, vous avez des pays, historiquement considérés proche de l’Union soviétique – parmi les abstentionnistes – comme l’Algérie, l’Angola, le Congo-Brazzaville. Des pays qui ont fleurté avec le marxisme léninisme. Et vous avez des nouveaux amis de la Russie comme la Centrafrique. »
Pour ce chercheur, la forte abstention s’explique en partie par un retour de la politique de non-alignement des années 1960 sur le continent africain, avec en tête des pays comme l’Ouganda, qui vient de prendre la présidence du Mouvement des non-alignés, la Tanzanie ou bien l’Afrique du Sud, qui après avoir condamné l’invasion russe a fait marche arrière vers une politique plus neutre. À la tribune des Nations unies, la représentante sud-africaine a d’ailleurs regretté que cette résolution ne créé pas un environnement plus favorable au dialogue et à la médiation.
Une certaine distance de la part des pays africains
Il y a une certaine prudence à ne pas s’engager dans un camp ou dans l’autre dans un conflit qui ne concerne pas directement les États africains, souligne le professeur Mor Ndao, historien sénégalais : « Il est difficile de prendre position parce que la Russie a contribué de façon significative à l’accompagnement des mouvements de libération nationale de l’Angola, du Mozambique, de la Guinée-Bissau, du Cap-Vert, de l’Afrique du Sud. Le cordon ombilical n’a jamais été coupé. Et l’Otan et le bloc occidental ont un certain contentieux avec les États africains, notamment par exemple sur la gestion de la crise libyenne et ses répercussions sur la géopolitique du Sahel en Afrique. Donc je crois que c’est tous ces aspects qui invitent les États africains à une certaine distance par rapport à ce conflit. C’est une position sage qui permet même à l’Union africaine de se déployer et d’être un acteur en matière de conciliation et de médiation. »
Mais la forte abstention des pays africains ne s’explique pas uniquement par la volonté de préserver une neutralité face aux deux blocs. Il y a également une volonté de ne pas froisser la Russie, puissant partenaire commercial et militaire sur le continent, rajoute Michel Galy, professeur à l’Institut des relations internationales à Paris : « Il y a des pays qui sont en train de passer des alliances avec Moscou, fusse par groupe Wagner interposé comme par exemple le Mali ou la Centrafrique. Et puis, il y avait récemment une délégation du Soudan en Russie pour refonder la coopération militaire, voire établir une base russe au Soudan. Donc en pleines tractations, le Soudan n’a aucune envie de se mettre la Russie à dos. »
Tous notent l’abstention du Sénégal, en dépit de sa proximité politique avec la France. Le président Macky Sall – également président en exercice de l’Union africaine – a rappelé dans un communiqué « l’attachement » de Dakar « au respect de l’indépendance et de la souveraineté des États » tout en réaffirmant « son adhésion aux principes du non-alignement ».
Afrika Stratégies France avec RFI Afrique