Le Conseil de sécurité de l’ONU sera ce week-end au Sahel, en visite au Mali et au Niger, pour pousser Bamako à revenir à un pouvoir civil après deux coups d’Etat militaires en neuf mois (août 2020 et mai 2021), dans une région marquée par une forte poussée djihadiste.
« La région du Sahel est exposée à tous les défis. C’est là que sont les enjeux de la lutte contre le terrorisme, de la problématique humanitaire, de l’impact du changement climatique, de la bonne gouvernance », déclare à l’AFP l’ambassadeur du Niger auprès des Nations unies, Abdou Abarry, qui codirige ce déplacement avec son homologue français, Nicolas de Rivière. « La situation au Sahel demeure très fragile », renchérit ce dernier, évoquant « la stabilisation du Mali » et la nécessité de « discuter de la façon de soutenir les efforts des pays du G5 Sahel pour assurer leur sécurité ».
Les relations de la junte malienne avec la France sont au plus bas et ce voyage survient alors que Bamako cherche des partenaires alternatifs à Paris, notamment en Russie. Un déploiement au Mali de paramilitaires russes du groupe privé Wagner, réputé proche du Kremlin, est rejeté par les Européens, qui le jugent incompatible avec leur engagement dans la mission de l’ONU, la Minusma, ou au sein de forces antidjihadistes.
Obtenir « un calendrier réaliste »
Pour les quinze membres du Conseil de sécurité, aller dans un pays dirigé par un militaire n’équivaut pas à « cautionner les coups d’Etat au Mali », assurent plusieurs diplomates occidentaux et africains. Ils vont dans la région pour « soutenir les organisations régionales comme la Cédéao [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest], insister sur le respect des délais électoraux et, si ce n’est pas possible, avoir au moins un calendrier réaliste », précise l’un d’eux. La Cédéao a imposé des élections au Mali le 27 février 2022, mais le pouvoir estime qu’un report de quelques semaines ou mois n’est pas à exclure, l’important étant leur crédibilité.
Si la Chine, la Russie et l’Inde seront représentées par des ambassadeurs adjoints, les Etats-Unis envoient Linda Thomas-Greenfield, ambassadrice à l’ONU ayant rang de ministre au sein du gouvernement Biden – une participation rare à ce niveau. Européens comme Africains espèrent en profiter pour tenter d’infléchir la position américaine sur la force antidjihadiste du G5 Sahel. Jusqu’à présent, Washington privilégie l’aide bilatérale et refuse – comme Londres – l’idée défendue par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, de créer un bureau de soutien de l’ONU, avec des fonds onusiens communs, à cette force composée de troupes du Niger, du Burkina Faso, du Mali, du Tchad et de Mauritanie.
Dans une lettre au Conseil de sécurité, Antonio Guterres a révélé récemment que l’OTAN examinait « des options pour un soutien accru au G5 Sahel ». « Les Américains veulent des options alternatives », tente de décrypter un diplomate sous couvert d’anonymat. Mais « l’OTAN n’apparaît pas à première vue comme une option très faisable » et « ce n’est pas ce que l’Afrique demande », note-t-il.
Renforcer la Minusma ?
Les Etats-Unis soutiennent que « le maintien de la paix n’est pas du contre-terrorisme », poursuit ce diplomate. Le premier est du ressort de l’ONU, alors que le deuxième relève d’une approche plutôt nationale. Mais « en Afrique, où la menace terroriste augmente ou se diversifie, les opérations de maintien de la paix vont devoir se poser de plus en plus de questions » sur leur rôle antidjihadiste, ajoute-t-il, se demandant : quelle différence y a-t-il entre protéger des civils face à une menace terroriste et face à des groupes armés ?
Lorsqu’un pays combat une menace sur son sol, la règle à l’ONU est qu’il n’y a pas de raison qu’elle le soutienne financièrement, rapporte toutefois une autre source diplomatique.
Aucun commentaire n’a pu être obtenu par l’AFP auprès de la mission diplomatique américaine à l’ONU sur les motivations de Linda Thomas-Greenfield à l’égard de son premier voyage au Sahel avec le Conseil de sécurité.
Côté français, l’enjeu du voyage est aussi d’essayer de débloquer une demande de Paris d’augmenter la Minusma de 2 000 casques bleus dans le centre du pays (la mission compte 13 289 militaires et 1 920 policiers). Formulée en juin après l’annonce d’un désengagement au Mali de la force « Barkhane », cette requête est rejetée par plusieurs membres du Conseil de sécurité, notamment pour des raisons financières, selon des diplomates.
Afrika Stratégies France avec Le Monde Afrique