Ainea Ibrahim Camara a rejoint Freetown après une mise en garde des autorités ivoiriennes et des menaces de poursuites de Bamako. Le tout dans un contexte de tensions diplomatiques entre les deux pays.
S’attendait-il à autant de réactions quand il s’est proclamé « président de la transition civile malienne à compter du 27 février », en donnant une conférence de presse à Abidjan la veille ? Ce qui est certain, c’est que le tapage provoqué par sa sortie médiatique ne semble pas l’inquiéter, et encore moins lui déplaire.
Une semaine après cette annonce très partagée et commentée sur les réseaux sociaux, l’opposant malien Ainea Ibrahim Camara affirme rester « droit dans ses bottes ». Il se dit « serein et flegmatique » et compte former prochainement son gouvernement. Il a saisi la Cour constitutionnelle malienne afin qu’elle constate « la vacance du pouvoir » et lui accorde son « feu vert » en vue de l’organisation d’élections. « Je crois en la justice de mon pays », insiste-t-il quand on lui fait remarquer que tout cela semble peu réaliste.
D’Abidjan à Freetown
La discussion a lieu par la téléphone, par l’entremise de son chargé de communication et conseiller politique, un Ivoirien qui se présente comme un ancien député et requiert l’anonymat. Ainea Ibrahim Camara, fondateur du Mouvement républicain en 2017, a en effet déjà quitté la capitale économique ivoirienne pour la Sierra Leone.
Est-ce en raison de la mise en garde du gouvernement ivoirien qui, dans un communiqué en date du 28 février, a affirmé qu’il « ne saurait tolérer la déstabilisation d’un pays frère à partir de son territoire » et « se réservait le droit de prendre des mesures à l’encontre de toute personne dont les agissements mettraient à mal ses relations avec des pays tiers » ?
« Non, mon voyage à Freetown était prévu. J’y suis pour mes activités professionnelles de président d’un groupe financier. Je suis prêt à revenir en Côte d’Ivoire, ce pays que j’aime beaucoup, si les autorités souhaitent me parler », assure cet entrepreneur de 50 ans. Selon la biographie fournie par son entourage, Ainea Ibrahim Camara est né à Bamako, a été formé en France et aux États-Unis et tient aujourd’hui les rênes de trois établissements, dont une banque, dans les secteurs de l’énergie et de l’environnement.
« Déstabilisation des institutions de la transition »
Quant aux poursuites judiciaires annoncées côté malien, il dit ne pas être au courant, évoque une manipulation des réseaux sociaux et garantit qu’il retournera bientôt dans son pays. « La junte était au courant de mes intentions dès le 10 janvier, mais le fait que je vienne en parler en Côte d’Ivoire, à l’invitation des Maliens [qui y résident], et que j’exprime ma sympathie envers le président Alassane Ouattara, explique certainement pourquoi elle s’est sentie piquée au vif. »
Dans un communiqué, les autorités maliennes ont condamné la teneur de plusieurs vidéos en ligne qui « traduisent clairement la volonté de l’intéressé, manifestement rassuré des complicités dont il pourrait bénéficier, dans un pays voisin d’où il tenait ses propos, de poursuivre son entreprise malveillante de déstabilisation des institutions de la transition ».
Une polémique qui intervient dans un contexte de fortes tensions diplomatiques entre la Côte d’Ivoire et le Mali depuis l’instauration de nouvelles sanctions économiques prises par la Cedeao début janvier en réponse à l’intention de la junte de se maintenir au pouvoir pendant plusieurs années. Depuis, plusieurs organisations représentant la communauté malienne en Côte d’Ivoire ont condamné les propos d’Ainea Ibrahim Camara, appelé à son arrestation et réitéré leur soutien à la junte. « Ils sont manipulés », tonne l’opposant.
Proche du couple Clinton ?
Alors, que cherche vraiment l’autoproclamé « président de la transition civile malienne », dont les proches assurent qu’il possède des mines d’or et de diamants et qu’il connaît bien le couple Clinton ? Il entend « agir pour les intérêts des Maliens » face à « un pouvoir illégitime et illégal », assure le candidat à la députation dans son pays en 2020.
Selon la presse malienne, il avait été écroué avant le vote en raison de soupçons d’escroquerie et d’abus de confiance. Sur ce point, Ainea Ibrahim Camara réfute toute condamnation : « Je n’ai jamais été condamné de ma vie. Mon casier judiciaire est vierge. Cette arrestation visait à m’empêcher de me présenter. J’ai été relâché juste après. »
Afrika Stratégies France avec Jeune Afrique