17 ans après sa mort, l’ex pontife occupe tous les esprits à Cracovie, ville où pendant deux décennies, il fut évêque. A l’occasion, des cérémonies religieuses se succèdent à l’intention de Jean Paul II dans cette cité du sud de la Pologne qui lui est toute acquise. Afrika Stratégies France s’est déplacé sur les lieux. Reportage.
Basilique-Cathédrale Saints-Stanislas-et-Venceslas de Cracovie est l’une des plus importantes de tout le pays. Car pendant des années, elle est un panthéon pour les illustres hommes et femmes de l’histoire de la Pologne dont Cracovie fut la capitale avant Varsovie. Rois, reines, poètes, héros nationaux, de grands hommes y ont été inhumés. Depuis le 1eravril et sans que ce ne soit un poisson d‘avril, des centaines de personnes venues de tout le pays s’y succédaient pour prier. Le lendemain, 02 avril, c’est la commémoration de la mort de l’homme le plus célèbre et le plus connu de l’histoire du pays, Jean Paul II. Et contrairement à ce qu’on peut penser, sa mémoire est intacte, sinon plus effervescente que jamais.
Mémoire à toute épreuve
A Sainte Marie de Cracovie, l’autre basilique de la ville, la plus touristique du pays, la bousculade est visible. Agnieszski est arrivée de très loin, « depuis Wroclaw » tient-elle à faire savoir. Elle est une dévote de l’ancien pape et réclame, depuis des années, la reconnaissance d’un miracle qu’il aurait opéré dans sa vie. « Il m’a guérie d’un cancer de l’utérus » insiste la quinquagénaire dont le miracle n’a pas été officiellement reconnu par le diocèse. Un peu plus loin, près du Tabernacle où se trouve une image de Jean Paul II, des enfants, encadrés, entonnent un chant à sa louange. « Cette ville toute entière le vénère » insiste-t-on à la marie de la deuxième grande ville du pays où ses statuts sont partout. L’aéroport de Cracovie porte le nom de l’illustre pontife alors qu’en périphérie de la ville, l’un des plus grands sanctuaires du monde lui est tout dédié avec une colossale statue au milieu, perchée en attitude comme si le natif de Wadowice « veillait sur la cité » concède Sœur Maria. A la place centrale de la ville en face de la Basilique Sainte Marie, une mobilisation sous la neige contre la guerre en Ukraine. « Si le saint pape était vivant, il se battrait contre cette guerre » jure le prélat Marek Jedraszewski qui dirige le diocèse depuis que le cardinal Stanislas Dwziwisz, l’ex très célèbre secrétaire personnel de Jean Paul II a démissionné pour limite d’âge. Ici à Cracovie comme partout en Pologne, la mémoire de celui qui a, mieux que quiconque, contribué à la chute du mur de Berlin s’entretient, dans les livres de cours, les nombreux musées qui lui sont dédiés et des thèses de doctorats à lui consacrées. D’ailleurs, plusieurs dizaines de paroisses portent, dans un reliquaire d’or, un ossement, un objet usuel, un morceau de tissus ou du sang appartenant à celui qui a dirigé l’Eglise catholique pendant plus de 26 ans.
Le dernier grand pape
Peu de souverains pontifes ont autant marqué que lui l’histoire de l’Eglise catholique. 143 voyages hors d’Italie, un quart de siècle de règne, devenant ainsi le 2e pape de l’histoire à avoir le plus long pontificat, juste derrière Pie IX et deux historiques discours à l’Organisations des Nations Unies (Onu) l’ont inscrit en lettres d’or dans l’histoire de l’humanité. Après Léon 1er et Grégoire 1er, aucun autre vicaire du Christ ne sera appelé « Le grand » si ce n’est Jean Paul II par son successeur direct, Benoît XVI. Sa contribution à la chute du mur de Berlin, sa fermeté sur les questions dogmatiques, son intransigeance avec l’éthique et sa permanente humilité en ont fait l’évêque de Rome canonisé en un temps record avec les « Santo subito », « immédiatement saint » changé lors de ses funérailles par des fidèles sur la place St Pierre de Rome. Premier pape non italien après 5 siècles de succession à l’italienne, le polonais est aussi la personnalité la plus importante et la plus préférée de l’histoire de son pays. Aujourd’hui à Cracovie dont il fut l’évêque auxiliaire et l’archevêque, sa mémoire est omniprésente, à travers monuments, places publiques et histoire commune.
Prier Wojtyla pour la paix en Ukraine.
Le 02 avril, des messes se sont succédées au Sanctuaire Jean Paul II et des messages d’hommage et de rappel de mémoire sont venus de tout le monde entier. « C’est toujours ainsi, chaque année » avoue le porte-parole du diocèse. « Cette année, l’émotion est d’autant plus grande que la guerre est à nos portes » ajoute-il, certain que « le pape défunt aurait tout fait pour éviter ce conflit aux frontières de la Pologne« . Un avis partagé dans tout le pays, notamment à Medyka où une association Jean Paul II a, au milieu de nombreuses organisations, implanté un stand d’accueil pour des réfugiés. Cette petite ville calme se trouve aux frontières ukrainiennes et quand, de la hauteur de la ville, la cloche de l’Eglise sonne, les habitants font un signe de croix et demande à Saint Jean Paul II d’intercéder pour l’Ukraine. Un geste normal dans une Pologne où 90% de la population se réclame d’obédience catholique.
MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France, Envoyé spécial à Cracovie