Le C8 (Conseil des cardinaux) s’est réuni la semaine passée pendant trois jours autour du pape François. Dernier arrivé dans ce conseil, le cardinal Fridolin Ambongo Besungu est une personnalité importante de l’Église catholique en Afrique. Il n’est pas que l’espoir du pays le plus catholique du continent, il est aussi et surtout le plus ‘papabili’ des cardinaux africains. Portrait d’un capucin à suivre lors des prochains conclaves.
2 février 2022, journée mondiale de la vie consacrée. Une occasion que ce religieux, fait cardinal par le pape François, ne manquerait pour rien au monde. A la cathédrale Notre-Dame de Kinshasa, il reçoit des délégués et supérieurs majeurs des congrégations et communautés religieuses de son diocèse. Son message est à son image, un appel sans cesse insistant à «la simplicité et le service».
En succédant à Laurent Pasyna Monsengwo, un monument de la vie publique en République Démocratique du Congo (RDC), Fridolin Ambongo savait, compte tenu du rôle que jouent les archevêques de Kinshasa, combien son pays et l’Afrique attendent de lui. D’ailleurs, dans la foule Place St Pierre, ce 5 octobre 2019 où l’archevêque recevait les insignes cardinalices, Félix Tshisekedi, fraichement élu président de la RDC, a du mal à cacher son émotion et sa fierté. Et depuis que Peter Turkson, le très médiatique prélat ghanéen, a été écarté de la Curie romaine, le cardinal de Kinshasa est perçu comme le plus «papable» du continent.
«Obsédé par la justice sociale»
Fin octobre 2021, à Brazzaville où il est allé s’entretenir avec le président de la République voisine du Congo, sa colère était visible. «Je suis contre le choix de celui qui a été investi à la tête de la Commission électorale», a-t-il martelé en marge de son entretien avec Denis Sassou Nguesso. Quelques jours plus tôt, le président Tshisekedi de la RDC a en effet réussi à imposer son candidat à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). La pratique veut pourtant que cela se fasse avec l’aval de l’Église catholique, longtemps médiatrice dans la crise.
«C’est inadmissible de jouer avec le destin de tout un peuple», dénonce celui qui, avec la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), s’est opposé à un troisième mandat du président Kabila, ce qui a favorisé l’alternance en 2019, dans ce pays où aucun changement de régime n’est intervenu par les urnes depuis l’indépendance.
Avec son implication dans la lutte contre la pauvreté, son contrôle de l’éducation avec plus de 70% d’écoles catholiques dans le pays ainsi que d’hôpitaux, l’Église est devenue un élément incontournable de l’espace public et à travers les quatre cardinaux qui se sont succédé à la tête de Kinshasa, sa voix porte plus loin que jamais. «L’engagement du cardinal est à la suite de ses prédécesseurs et pour la justice sociale» selon l’abbé Freddy Kiauzitu. Le chancelier adjoint du diocèse y voit, dans l’engagement politique de l’Église, tout comme celui du cardinal «une mise en pratique de la doctrine sociale de l’Eglise».
«Une mission prophétique» et donc politique
Au centre Lindonge à Limeté, commune de Kinshasa où, après la messe matinale à sa résidence au quartier voisin, le cardinal passe sa journée de travail, des personnalités publiques (politiques, universitaires, leaders d’opinion) se bousculent. «Une part du destin sociopolitique de la RDC s’y joue», avoue un diplomate belge en poste à Kinshasa. Un avis partagé par le père Kiauzitu, «le cardinal est au service permanent de son pays» insiste-t-il, nuançant «à la différence d’un homme politique, il ne brigue pas de mandat, ne vise pas de poste».
Raison pour laquelle l’opinion ne comprend pas le refus du chef de l’Etat de prendre en compte son avis sur le choix du président de la commission électorale. «Nous, Églises catholique et protestante constituons plus de 90% de la population de la République démocratique du Congo», avance le cardinal Ambongo qui tient «beaucoup à l’indépendance de la commission électorale». Car pour lui, «l’Église a une mission prophétique» et par ricochet «politique» et est dans son rôle. Une posture défendue largement par l’opinion nationale. Même si Fridolin Ambongo ne perd pas de vue que «la première vocation de notre Eglise est de vivre et d’annoncer l’évangile» pour rappeler un principe cher au pape François dont il est très proche.
Plus que franciscaniste
«Franciscaniste», le thème sert de plus en plus dans les coulisses du Vatican à désigner des prélats au style de l’actuel pape, François. «simples, accessibles, proches des pauvres», comme fut l’ancien archevêque de Buenos-Aires, ces prélats viennent souvent «des périphéries», expression chère au pontife. Avant d’être, début 2018, nommé archevêque coadjuteur de Kinshasa, Mgr Ambongo était à la tête du diocèse de Mbandaka-Bikoro. Peu après son élévation au cardinalat, Fridolin Ambongo remplace Monsengwo au sein du C8, Conseil des cardinaux censés assister l’évêque de Rome.
Depuis, il fait partie de ses visiteurs de «tout le temps» qui se rendent plusieurs fois par an au Vatican pour «échanger avec le pape sur divers sujets» selon de nombreuses et concordantes indiscrétions à la Maison Sainte-Marthe. Il a insisté, lors de récents échanges avec le pontife pour obtenir une visite apostolique prévue pour l’été prochain à Kinshasa, la capitale, et Goma, dans l’est, une première dans le pays après celle de Jean Paul II, il y a 37 ans.
Rendez-vous au conclave
Lors du conclave de 2013, l’Afrique comptait parmi ses onze cardinaux âgés de moins de 80 ans quelques sérieux «papables» dont Laurent Monsengwo (73 ans) et John Onaiyekan (69 ans) à l’époque. Aujourd’hui, avec le départ de Robert Sarah et de Peter Turkson, le continent où le catholicisme est le plus dynamique, près de la moitié des nouveaux catholiques en 2020 sont africains, semble à la marge. Et alors que les rumeurs se font persistantes sur la démission de François depuis ses récents problèmes de santé, l’Afrique se tourne vers Fridolin Ambongo. Son âge lui laisse la marge de participer à «au moins deux conclaves», espère un religieux de Goma pour qui, «si le prochain n’est pas le bon, il restera dans la course pour le suivant». Alors que l’avenir de l’Église se joue en partie en Afrique, l’idée d’un pape africain fait son chemin dans l’opinion.
«Le cardinal ne se lève pas le matin en pensant au trône au trône de St Pierre», précise l’un de ses proches à Kinshasa. Mais alors que le pape a fêté ses 85 ans en décembre dernier, l’idée de conclave n’aura jamais été aussi persistante dans les coulisses du Vatican. Et si la possibilité d’un prochain pape africain n’est pas écartée, des observateurs avertis pensent que le continent doit encore patienter. «Un peu». (cath.ch/msc/bh)
Bio expresse
-24 Janvier 1960: Naissance à Boto (RDC).
-1981: Premiers vœux dans l’Ordre des Frères mineurs capucins.
-1987: Vœux perpétuels dans l’Ordre des Frères mineurs capucins.
-14 Août 1988: Ordination sacerdotale.
-24 Novembre 2004: Jean-Paul II le nomme évêque de Bokungu-Ikela.
-06 Mars 2005: ordination épiscopale.
-Juin 2016: Il est élu vice-président de la conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).
-06 Février 2018: François nomme Mgr Ambongo coadjuteur de l’archidiocèse de Kinshasa.
-05 Octobre 2019: Il est fait cardinal lors du consistoire à Rome par François.
-Octobre 2020: François l’intègre dans le Conseil des cardinaux, en remplacement de Laurent Monsengwo. MSC
Max Savi Carmel pour cath.ch