S’il y a un temps pour les élections, au Sénégal la politique ne connait pas pour autant, de vacances. Au lendemain de la présidentielle du 24 février qui a consacré le président Macky Sall pour un second mandat, chacun des quatre candidats malheureux de l’opposition s’organise pour garder le cap. Nous avons cherché à savoir, pour ce qu’ils font de leur temps entre deux élections ?
Fin février, le Sénégal allait à une élection présidentielle. Si elle était gagnée d’avance, elle a fait objet de critiques d’autant que le président sortant a éliminé la plupart de ses adversaires de tailles. Trois mois après, nous avons cherché à savoir ce que sont devenus les candidats. S le parti d’Idrissa Seck qui a réalisé le meilleur score derrière le président sortant est secoué par le départ de Abdou Rahmane Diouf, Rewmi tient le coup et prépare déjà les prochaines législatives. L’ancien Inspecteur des impôts et domaines qui a créé la surprise en se positionnant à troisième place avec plus de 15% des voix continue à faire la Une des journaux. Invité à répondre à la commission d’enquête parlementaire, pour l’affaire des 94 milliards dans laquelle il accuse le directeur des domaines d’avoir détourné l’équivalent de près de 150 millions d’euros à partir d’un titre foncier de l’État, Ousmane Sonko ne s’est pas présenté. Le président de Pastef/Les patriotes préfère se présenter devant le procureur de la République. Quant à Madické Niang, il a perdu son siège de député après avoir démissionné du Parti démocratique sénégalais (Pds). En attendant, il gère ses juteuses affaires d’avocat à Dakar.
Idrissa Seck, la patriarche n’a cessé de contester les résultats
En termes de participation à une élection présidentielle, Idrissa Seck était le doyen des cinq candidats en lice. Il fête ses 60 ans en août prochain. Après 2007 et 2012, l’ancien premier ministre du Sénégal a réalisé son meilleur score avec 20, 50% des suffrages exprimés. Hélas au lendemain de la présidentielle 2019, son parti le Rewmi a subi une secousse d’une magnitude élevée avec la démission de Abdou Rahmane Diouf. Le désormais ex-porte-parole, coordonnateur de la Cellule des cadres, coresponsable de la Commission de collecte de fonds et responsable du département de Rufisque, a annonce son départ le 23 mars. Malgré cette énième démission d’un cadre influent de son parti, le président Idrissa Seck est resté constant dans sa volonté de mener le combat de l’opposition dont il est devenu le naturel chef de file. Après avoir rencontré Ousmane Sonko, le Pr Issa Sall chez Me Madické Niang pour parler de la situation politique du Sénégal récemment, il a publié un livre blanc de 56 pages, le 30 avril pour dénoncer un « Hold-up » électoral du président Macky Sall. Un réveil tardif selon une bonne partie de la presse mais cela n’empêche en rien la volonté du candidat de la coalition Idy 2019 de parler de lui.
Ousmane Sonko, la révélation qui tient tête au parlement
A 44 ans, Ousmane Sonko, l’ancien Inspecteur des impôts et domaines s’est révélé un nouveau phénomène de la politique sénégalaise avant de créer la surprise pendant l’élection présidentielle du 24 février. Classé troisième derrière le président Macky Sall et Idrissa Seck avec plus de 687 000 voix soit 15,67 %, le président du parti Pastef/Les patriotes n’a pas eu droit à un temps de répit. Après la campagne électorale et la présidentielle, il a été convoqué par la Commission d’enquête parlementaire de l’assemblée nationale sur l’affaire des 94 milliards qu’il avait lui-même soulevée. Ousmane Sonko décline la convocation de ses collègues députés. Il réitère sa volonté de répondre au Procureur de la République si ce dernier ouvre un dossier judiciaire sur le détournement présumé en question. Le samedi 04 mai, il boycotte l’assemblée nationale qui votait le projet de loi portant sur la suppression du poste de premier ministre ; préférant plutôt se rendre à une cérémonie religieuse à Bignona. Ce vendredi 10 mai, il vient prendre part à la cérémonie de lancement du livre du journaliste Ababacar Sadikh Top intitulé « Ousmane Sonko : trajectoire, parcours et discours de l’espoir ». Ousmane qui se dit être habitué aux menaces y compris celles qui viennent d’en haut, a rappelé que sur le plan politique, il ne croit pas au messie. « Je crois à l’action collective, qualitative. Je crois à la nécessité d’avoir une masse critique de Sénégalais qui ont suffisamment conscience des enjeux de l’heure », a-t-il renseigné. Selon lui, c’est à la jeunesse sénégalaise de gagner le combat pour la démocratie, le progrès et la bonne gouvernance. « C’est à nous de gagner ce combat, c’est à nous de le parachever et de faire bénéficier à nos fils et petits-fils les fruits de cette lutte», a-t-il soutenu. Patron d’un cabinet d’expertise fiscale, il vaque à ses activités au quotidien tout en restant député de Thiès.
Pr Issa Sall, entre deux avions pour des cours et conférences dans le monde
Coordonnateur national du Parti pour l’unité et le rassemblement (Pur), le Pr Issa Sall avait créé la surprise aux élections législatives du 30 juillet 2017. Sous les couleurs vert-blanc de son parti, il réussit à gagner trois sièges au sein de l’assemblée nationale. Classé quatrième de la dernière présidentielle avec 4,7% des suffrages exprimés, le Pr Issa Sall auréolé d’un doctorat à l’université Georges-Washingtondemeure avant tout, un ingénieur en informatique. Consultant international dans le domaine du traitement informatique des élections, El Hadji Issa Sall a pris part à l’organisation technique des scrutins électoraux qui se sont déroulés au Sénégal de 1993 à 2012, ainsi qu’aux élections présidentielles, législatives et locales du Burkina Faso en 2005 à 2007. Président et fondateur de l’Université du Sahel qui accueille des étudiants venus des quatre coins de l’Afrique il a vite redoré la tunique d’enseignant après sa défaite en février dernier. En même temps, le Professeur Issa Sall a toujours répondu présent aux différentes réunions des quatre candidats malheureux de l’opposition en compagnie d’Idrissa Seck, Ousmane Sonko et Me Madické Niang et dispense des cours et formations de part le monde. Au moment où la rumeur lui prête l’ambition de créer sa propre formation politique, du fait d’un supposé malentendu entre lui et Serigne Moustapha Sy, le président du Pur, le Pr Issa Sall dément. A l’occasion du lancement des travaux en prélude du dialogue national ce 09 mai, il était le seul candidat de l’opposition à répondre présent. Il est le plus modéré des quatre et l’assume et entretient quelques contacts avec Macky Sall. Et enseigne à la prestigieuse Université Cheik ANta Diop de Dakar.
Me Madické Niang
Ancien ministre de l’Habitat, de l’Énergie, des Mines, Ministre d’État, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Affaires étrangères, de 2002 à 2012 sous le président Abdoulaye Wade ; Me Madické Niang s’est fait une place dans le landerneau politique sénégalais. Alors président du groupe parlementaire de l’opposition « Liberté et Démocratie » à l’Assemblée nationale, l’avocat natif de Saint-Louis a pris son destin politique en main le jour où il décida de se présenter à l’élection présidentielle du 24 février. Suite à son choix, il est exclu du Parti démocratique sénégalais qui défendait la candidature de Karim Wade ; le fils du patron des libéraux. Contre toute attente, Me Madické Niang figure par les cinq candidats retenus par le Conseil constitutionnel et se lance dans la course au pouvoir. Malgré qu’il soit classé cinquième sur cinq avec moins de 2%, Me Madické Niang a officiellement démissionné des instances du Pds, le 09 mars. Quatre jours plus tard, il perd son siège de député suite à la demande du Pds formulée auprès du président de l’Assemblée nationale ; Moustapha Niass. La lettre signée par son remplaçant à la tête du groupe parlementaire « Liberté et Démocratie », convoquait l’article 60 de la Constitution et l’article 7 de la loi portant règlement intérieur de l’assemblée. Selon ces textes Madické Niang devrait être « automatiquement déchu de son mandat et remplacé », suite à l’annonce de sa démission du PDS. Depuis le divorce avec le président Abdoulaye Wade, son mentor en politique ; Me Madické Niang reçoit les réunions des quatre candidats malheureux de l’opposition dans son domicile à Dakar.
En attendant, il réfléchit à une Alliance de l’opposition pour les prochaines conquêtes électorales mais des questions de leadership les divisent d’autant Niang ne supporte pas que Seck en soit le « chef naturel ».
Almami Camra, Dakar, Afrika Stratégies France