6,6 millions d’électeurs sur 16 millions d’habitants ce dimanche, 5 postulants dont trois (Sall, Seck et Sonk) sortent du lot dans une présidentielle crispée. Si le Sénégal est habitué aux urnes, cette présidentielle aurait pu être la plus ouverte. A un détail près, le président sortant, largement en tête, a choisi ses adversaires. Les premiers résultats donnent Sonko en tête dans la diaspora et Macky Sall prend le large au bercail.
Ce dimanche, le Sénégal a pris rendez-vous avec l’histoire. Plus de six millions d’électeurs aux urnes pour élire un président de la république parmi cinq candidats en lice. Macky Sall candidat à sa propre succession, est en face de quatre candidats issus de l’opposition que sont l’ancien premier ministre Idrissa Seck, Ousmane Sonko, Issa Sall et Madické Niang. Après l’ouverture des bureaux de vote à travers, on a vite noté plusieurs manquements ou dysfonctionnements sur le fichier électoral qui a longtemps été remis en cause, par l’opposition. Si les 5000 observateurs accrédités par une centaine d’organisations sont confiants, plusieurs Sénégalais n’ont pas trouvé leurs noms sur la bonne liste. Une situation qui a écarté plusieurs dizaines de milliers d’électeurs selon une source du ministère de l’intérieur. Les premiers dépouillements donne Sonko en tête dans la diaspora et Macky Sall en avance au bercail suivi de Idrissa Seck.
Un lot d’irrégularités
Les électeurs ont pris d’assaut très tôt, les différents centres de vote pour accomplir leur devoir citoyen. Hélas, en dépit de ce grand rush nourri par un engouement populaire et une volonté citoyenne de contribuer au rayonnement de la démocratie, ils ont été nombreux à ne pas pouvoir exprimer leur vote. « Le bureau de vote marqué sur ma carte ne porte pas mon nom » déplore Mamadou. Cet étudiant de 23 ans est rentré en colère chez lui. Une situation constatée à plusieurs endroits dans le pays. La modification de la carte électorale avec un transfert d’électeurs constant, en est la véritable cause. Des millions d’électeurs ont été transférés sans leur consentement et au jour du scrutin, ils se heurtent à une disposition unilatéralement imposée par la majorité. Dans un centre de vote des Parcelles Assainies, une commune de Dakar, de nombreux électeurs ont eu des problèmes de carte nationale d’identité dont les duplicatas n’ont pas la mention de la zone de recasement. A Touba, la troisième ville du Sénégal où le régime du président sortant n’a jamais remporté un seul scrutin, ce sont plus de 15.000 électeurs qui ont été éconduits pour la simple raison qu’ils ne figurent pas sur le fichier électoral selon la commission électorale. Dans certains bureaux de vote, il manquait les bulletins de vote de certains candidats de l’opposition. Il faut aussi noter qu’il y a eu 500 abris provisoires qui ont été érigés en bureau de vote dans cette ville religieuse.
Désagréables surprises pour plusieurs ministres et personnalités
Comment comprendre que Me Sidiki Kaba, ministre des affaires étrangères ne soit présent sur le fichier électoral pour voter à Tambacounda où il était inscrit ? « Curieux ! » s’en amuse l’intéressé. Idem pour Mansour Faye, ministre de l’hydraulique et frère-ainé de la première dame qui n’a pas pu voter dans son bureau de vote de Saint-Louis où il est le maire. Les cas les plus choquants sont ceux du ministre d’Etat Mbaye Ndiaye dont la date de naissance posait problème et de Maïmouna Ndoye Seck, la ministre en charge des transports qui n’a pu exprimer son vote, dans un centre du quartier de la Médina. Toujours dans la capitale, il y a eu plusieurs irrégularités notées çà et là par les représentants des candidats de l’opposition. Notamment ce fichier litigieux longtemps qui a longtemps été source de polémique entre le pouvoir et l’opposition. La Commission nationale électorale (CENA) ne dispose pas du même fichier que les représentants des candidats, dans plusieurs bureaux de vote. Une situation rare au Sénégal où les élections ont été « régulières » depuis l’indépendance en 1960.
L’opposition crie au scandale
Face à tous ces nombreux manquements, l’opposition par la voix de Barthélémy Diaz, suspecte une éventuelle fraude. Au demeurant, tout laisse à croire que le gouvernement n’a pas tiré des enseignements de son échec lors des élections législatives de du 30 juillet 2017. Pour rappel, l’opposition avait purement récusé au lendemain de ces législatives que le ministre de l’intérieur organise cette élection présidentielle. En lieu et place, elle avait proposé la nomination d’une personnalité neutre et consensuelle comme le fit l’ancien président Abdoulaye Wade ; en 2012. En son temps, ce dernier avait nommé un directeur général des élections en la personne de Cheikh Gueye qui a conduit le Sénégal à une seconde alternance avec l’élection du président Macky Sall. Mais pour ce scrutin, Aly Ngouye Ndiaye ministre de l’intérieur et haut responsable de l’Alliance pour la République (APR) au pouvoir, a été maintenu contre vents et marrées par le Chef de l’Etat sortant.
Wade dit « avoir raison », Macky Sall en tête
Pour sa part, Me Abdoulaye Wade qui avait tiré la sonnette d’alarme pour dénoncer que l’opposition ne pourrait venir à bout du président Macky Sall qui a l’avantage de disposer d’un fichier électoral en sa faveur, se frotte les mains. »Il ne veut pas forcément avoir raison » murmure son entourage face aux cafouillages. Par conséquent, il a refusé de prendre part à ce qu’il qualifie d’un simulacre d’élection présidentielle et n’a donné aucune consigne de vote pour le Parti démocratique sénégalais (Pds) qu’il a créé, après que son fils soit recalé par le Conseil constitutionnel. Pour une fois depuis la première alternance de mars 2000, une élection présidentielle a connu autant de manquements au Sénégal. Cela n’a pas empêché les populations de voter massivement. Après la fermeture des bureaux de vote, les premières tendances commencent à tomber avec les résultats de la Diaspora qui a quelques heures d’avance. Si elle est favorable à Ousmane Sonko (en tête en France, au Canada, aux Etats-unis, en Belgique et en Allemagne), Macky Sall se concentre sur les résultats à l’intérieur du pays qui lui accordent une large avance.
Mais à l’heure actuelle, selon notre correspondant à Dakar, il est périlleux de présumer ou non d’un second tour.
Almami Camara, Dakar, Afrika Stratégies France et la rédaction centrale