Des milliers de Soudanais ont de nouveau convergé, dimanche, vers le palais présidentiel de Khartoum pour dénoncer le coup d’État du général Abdel Fattah al-Burhane et réclamer la démocratie. Un protestataire est mort, portant à 79 le nombre de manifestants tués depuis le putsch du 25 octobre.
Un manifestant a été tué, dimanche 30 janvier, alors que des milliers de Soudanais convergeaient une nouvelle fois vers le palais présidentiel de Khartoum pour dénoncer le putsch du général Abdel Fattah al-Burhane et réclamer justice et démocratie.
Malgré les soldats en armes bloquant routes et ponts, et les blocs de ciment installés devant le QG de l’armée et le palais présidentiel, la mobilisation ne faiblit pas, plus de trois mois après le coup d’État mené le 25 octobre par le chef de l’armée et en dépit de la répression.
Depuis le putsch, 79 manifestants ont été tués selon un syndicat de médecins prodémocratie. Parmi eux figure un homme de 27 ans qui a été touché à la poitrine dimanche à Khartoum, rapporte ce syndicat, qui affirme ne pas pouvoir préciser dans l’immédiat la nature de la blessure.
Il peut s’agir d’une balle, comme cela a souvent été le cas par le passé, ou d’une grenade lacrymogène l’ayant frappé de plein fouet, comme cela a été le cas pour plusieurs blessés aux abords du palais présidentiel, aussitôt transportés par des camarades, comme l’a constaté un journaliste de l’AFP sur place.
Comme à la veille de toute mobilisation contre le pouvoir militaire, les autorités ont de nouveau raflé 45 militants ces trois derniers jours selon les comités de résistance locaux.
Alors que Washington a prévenu que poursuivre la répression pourrait « avoir des conséquences », les autorités ont annoncé avoir « confisqué les armes » de soldats filmés tirant à la kalachnikov sur des manifestants, mais disent sur les médias d’État avoir encore besoin des témoignages des manifestants.
Face aux critiques, elles enquêtent aussi sur un autre dossier : les « ambassades qui ne respectent pas les usages diplomatiques », rapporte l’agence de presse officielle.
Quand la police avait annoncé mi-janvier qu’un de ses généraux avait été poignardé par des manifestants, un homme présenté comme l’auteur des coups mortels avait été arrêté en quelques heures.
Une nouvelle fois, l’ONU a rappelé que « restreindre la liberté d’expression et de rassemblement mènera à plus de tensions ». « Nous appelons les autorités à laisser les manifestations se dérouler sans violence », plaide encore sa mission à Khartoum.
Rejet du dialogue
Toujours privé d’aide internationale en rétorsion au putsch, le pays, l’un des plus pauvres au monde, est de plus en plus divisé.
Comme juste avant le coup d’État, des cortèges concurrents défilent désormais à Khartoum.
Mercredi, les proarmée avaient conspué par milliers l’ONU et son initiative de dialogue devant son QG. L’émissaire des Nations unies au Soudan, Volker Perthes, a dénoncé des « amis du NCP », le Parti du Congrès national du dictateur déchu Omar el-Béchir.
S’ils sont rivaux, les deux camps s’accordent sur un point : le rejet du dialogue. Les proarmée veulent entériner le statu quo post-coup d’État alors que les prodémocratie refusent désormais tout partenariat avec les généraux.
En 2019, après trente années de dictature militaro-islamiste du général Omar el-Béchir, les civils avaient choisi de partager le pouvoir avec l’armée, quasiment toujours aux commandes au Soudan depuis son indépendance il y a 66 ans.
Mais aujourd’hui, crie la rue, « pas de partenariat, pas de négociation » possibles avec les généraux, qui n’en finissent plus de purger les institutions créées en 2019 pour débarrasser le pays des réseaux du NCP.
« Nous ne partirons pas des rues avant la chute du régime des putschistes, l’avènement d’un État démocratique et le procès des criminels qui s’en sont pris au peuple », promettent les Forces de la liberté et du changement (FLC), principal bloc procivils du pays.
En dépit des appels à se débarrasser du pouvoir militaire, son numéro deux, le chef des très redoutées forces paramilitaires de soutien rapide (FSR), le général Mohammed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », a multiplié les apparitions publiques à l’intérieur du pays comme à l’étranger ces derniers jours.
Il est allé en Éthiopie voisine et ne cesse de rencontrer chefs tribaux et représentants des conseils locaux, dignitaires puissants sous Béchir mis à l’écart par la génération de la « révolution » de 2019.
Afrika Stratégies France avec France 24