Ouvert le 28 août, le plus grand rendez-vous afro-nippon regroupera les principaux dirigeants africains. Représentant la Côte d’Ivoire à Yokohama, Amadou Gon Coulibaly multiplie des rencontres économiques pour faire d’une pierre deux coups et se tailler la part du lion pour son pays. Une occasion plus que jamais pour Tokyo de rattraper son retard sur un continent devenu la l’obsession des grandes puissances mondiales.
Lancé en 1993, la Tokyo international conférence on african development (Ticad) n’a pas réussi le miracle promis pour l’Afrique un quart de siècle après. Si en 25 ans, l’empire nippon a accordé 47 milliards de dollars au continent dans divers domaines de développement, c’est bien loin derrière la Chine qui a fait le double sur la même période. Et malgré la réticence de sociétés civiles africaines, Pékin a, lors du dernier sommet Sino-africain de l’été dernier promis déjà 60 milliards de dollars. Un retard que tentera de rattraper le Japon dont le Premier ministre, Shinzo Abe, vante « une coopération qui prenne en compte les réalités africaines avec leurs subtilités et leurs exigences ». Pour la Cote d’Ivoire, c’est aussi l’opportunité d’un panel d’accords avec des sociétés japonaises dont l’emblématique Toyota mais aussi de diverses rencontres essentiellement économiques. S’adressant dès le 27 août, à son arrivée, à l’Assemblée des conseillers de la ville hôte de l’événement, Amadou Gon Coulibaly revient sur « une coopération dynamique », insistant sur « l’appui inestimable du Japon » avant d’inviter « l’Afrique à s’approprier son propre modèle de développement ». Un discours salué par les conseillers de Yokohama, debout autour du chef du gouvernement ivoirien dont le séjour ne sera pas de tout repos.
Multiples activités en terre nippone
Que ce soit à Abidjan où dans la plupart des grandes villes africaines, le Japon axe sa coopération sur l’éducation, la santé mais aussi l’autosuffisance alimentaire. Lors de sa séance de travail avec Fumiko Hayashi le 27 août, la délégation ivoirienne a fait le point de la coopération avec la ville hôte et présenté les grands axes pour la suite. La maire de Yokohama a tenu à mobiliser tous les élus locaux pour cette séance qu’elle juge » exceptionnelle et de haute qualité ». Fumiko a promis de veiller aux grands projets en matière de « technologies et d’innovation » enjeux liés au thème de la 7e Ticad et auxquels tient le premier ministre. Un dîner de bienvenu a été offert par la maire et le Premier ministre japonais, « une excellente occasion de retrouvailles et d’échanges cordiaux » selon Amadou Gon Coulibaly qui a signé le 29 août un accord avec Toyota pour l’installation d’une usine d’assemblage de véhicules à Abidjan. Le premier ministre ivoirien privilégie les grandes entreprises japonaises. Raison pour laquelle il a rencontré ce mercredi le président de l’Organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro) pour valider son plan de renforcement de liens économiques entre le Japon et la Côte d’Ivoire. Nobuhiko Sasaki l’a assuré de son indéfectible soutien. Le Jetro a déjà contribué à l’installation de nombreuses entreprises japonaises à Abidjan et entretient d’étroits liens avec son équivalent ivoirien, le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (Cepici). Plusieurs délégués dudit centre ont d’ailleurs fait le déplacement avec l’équipe du Premier ministre. Sensible à l’évolution de l’esprit de la Ticad qui passe « de l’aide au développement à la promotion du secteur privé sur le continent », le Premier ministre ivoirien a exposé, en long et en large, les mesures prises par la Côte d’Ivoire pour « favoriser un environnement attractif pour les investissements ». Ce même jeudi, Amadou Gon Coulibaly a consacré du temps au panel dédié au dialogue secteur privé/secteur public, insistant sur les réformes entreprises par son pays et mettant en exergue le classement de la Côte d’Ivoire dans le Top 10 des Etats les plus réformateurs en 2014, 2015 et en 2019. A la bouche de la délégation, un seul slogan, « Japonais, venez investir en Côte d’Ivoire ». Gon Coulibaly qui ne cesse de rendre hommage » à la vision pertinente du président Alassane Dramane Ouattara » offre même aux potentiels investisseurs quelques pistes…, café, cacao, anacarde mais aussi l’industrie manufacturière. Les échanges entre les deux pays s’élevaient déjà à 126,5 milliards CFA en 2017. L’objectif est de doubler ce chiffre d’ici 2023.
Les parallèles économiques pour Abidjan
En 2012, Toyota Tsusho Corparation prend dans son giron le groupe CFAO, leader continental de l’automobile. Ainsi, le Japon est d’office présent dans 26 pays africains grâce à cette seule acquisition. Fondé en 1852, l’ancien fleuron français CFAO assure désormais au Japon une présence dans 26 pays africains pour un chiffre d’affaires 2018 de 4,2 milliards $ réalisé à 80% en Afrique. Une présence dont veut profiter la Côte d’Ivoire pour étendre sa politique d’emplois visant les jeunes à travers des délocalisations de grands groupes. Au-delà de l’installation prochaine de l’usine d’assemblage, la Côte d’Ivoire mise sur le programme spécial de stagiaires africains dont plus de 600 jeunes ont déjà bénéficier sur tout le continent. Akio Toyoda a déjà annoncé un retour en force de son groupe sur le continent dès 2020. Le président directeur général de Toyota devrait d’ailleurs entamé au printemps de l’année prochaine une grande tournée africaine. Amadou Gon Coulibaly a eu, dès le 29 août, une séance de travail avec son homologue japonais à qui il a apporté un message spécial du président ivoirien qu’il remplace lors de cette Ticad. Le renforcement de la coopération bilatérale, le transfert de technologie, l’amplification du projet nippon de stagiaires africains et l’ajustement de l’aide aux réels besoins de la Côte d’Ivoire ont marqué cet échange. Le chef de la délégation ivoirienne ne quittera pas le Japon sans voir le ministre le ministre de l’économie et de l’industrie avec qui une autre séance de travail est prévue. La Côte d’Ivoire entend insister sur le dialogue Public-Privé entre l’Afrique et le Japon et surtout, l’accélération de la politique d’innovation. Raison qui a motivé sa visite à la Japan-Africa Business expo organisé en marge de l’événement.
Tokyo en Afrique
Très attaché à l’éducation, le Japon a lancé « une école, un pays » pour multiplier les constructions de salles de classe sur le continent. Illustrative de cette coopération, l’école primaire Atlantique de Port-Bouët, commune portuaire du district d’Abidjan, est en partenariat avec l’école de Sakuraoka. Si la capitale ivoirienne abrite une grande ambassade japonaise pour plusieurs pays, l’empire nippon connaît une chute de sa présence avec notamment la baisse de 48% de ses exportations au cours de la dernière décennie. Tokyo a été largement dépassé aussi par Pékin dont les Investissements directs étrangers sont 5 fois supérieurs à ceux de son voisin qui ne peine à aller au-delà des 7 milliards de dollars. Mais le Japon veut davantage donner la place à l’investissement dans l’humain mais aussi à la redynamisation des nouvelles technologies et de l’innovation. Une option plutôt originale d’autant que ce pays sans passé colonial sur le continent rassure les Etats dont certains se méfient des méthodes chinoises parfois jugées « obsessionnelles et hégémoniques ». Avec une présence de 10.000 entreprises chinoises en Afrique contre 440 pour le Japon, Pékin culmine à 179 milliards de dollars d’échanges commerciaux loin devant les 24 milliards de son voisin. Et si le Japon concentre sa présence économique dans quelques pays (70% d’investissements directs étrangers pour la seule Afrique du Sud), préférant la région australe du continent, la Chine elle est présente partout. De 2008 et 2013, le gouvernement du Japon a construit 1321 écoles primaires et secondaires, amélioré 4778 établissements sanitaires et médicaux et fourni de l’eau potable à 10,79 millions de personnes supplémentaires en Afrique.
Dans la zone francophone de l’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est en tête de peloton des investissements directs étrangers venant du Japon. Un avantage que le gouvernement ivoirien entend maintenir et amplifier pour les années à venir.
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